Tera-meeting vs Niakhtou national : FOULES OPTION

Longtemps cité comme un exemple de stabilité et de pluralisme, le Sénégal a connu une intensification de la polarisation politique, qui s’est traduite par une radicalisation des postures et une montée des divisions. Contrairement à une polarisation classique (Droite vs Gauche), la fracture sénégalaise s’était cristallisée autour de l’opposition, entre «l’establishment» et un «mouvement antisystème» porté par une jeunesse déçue incarnée par Sonko. Plus de 18 mois de pouvoir de Pastef, les fractures politiques sont encore plus profondes, comme le montre cette journée du 8 novembre promise au Tera-meeting et le «Niakhtou national» finalement interdit par le Préfet de Dakar.
Par Bocar SAKHO- Divisé en proportions électoralistes, le Sénégal a rendez-vous avec deux évènements politiques ce samedi : Tera-meeting vs «Niakhtou national». C’est une image qui marque les profondes divisions politiques qui minent le Sénégal depuis des années. Malgré les tentatives de recoller les morceaux, les fractures politiques sont devenues plus béantes. En dépit des initiatives pour mettre un sparadrap sur les ouvertures pour refermer les plaies. Mais, les rancunes et les rancœurs n’ont pas été dissipées par le dialogue politique.
Aujourd’hui, il y a le camp du très puissant leader de Pastef, qui a décidé de faire de ce 8 novembre un évènement d’envergure nationale pour semer les récoltes de 2029. Une date qui constitue son unique vitamine politique. Il y a l’autre camp incarné par l’opposition menée par Bougane et d’autres leaders, qui ont décidé de répliquer au Tera-meeting de Pastef par un «Niakhtou national» d’une même intensité, pour rappeler au pouvoir ses promesses latentes. Si le Préfet l’a interdit pour des risques de trouble à l’ordre public et a demandé un changement d’emplacement, Bouga-ne, Talla Sylla et Cie ont décidé de maintenir leur manifestation au terrain de Sacré-Cœur. C’est l’image scénarisée d’un pays pris dans un tumulte politique fait de tensions et de divisions depuis plus de 4 ans. Un mur sépare deux mondes.
Or, le modèle politique sénégalais traditionnel reposait sur une culture du dialogue et de la négociation entre les élites au pouvoir et l’opposition. Même en période de crise (comme en 1988 ou 2012), des canaux de communication permettaient d’éviter la rupture totale. Toutefois, une nouvelle forme de polarisation s’est imposée, caractérisée par une symétrie des radicalités (tendance de l’opposition à un langage extrémiste) face à une asymétrie des moyens (utilisation par le pouvoir de la Justice pour éliminer des adversaires).
Le clivage establishment vs rupture
Si l’antagonisme majeur opposait l’appareil d’Etat (perçu comme corrompu et lié à des intérêts étrangers) à un mouvement citoyen et politique qui réclame une rupture radicale avec l’ancien système, les reproches n’ont guère évolué, avec un champ lexical inversé.
Et les événements récents ont nourri une hostilité émotionnelle profonde.
L’opposition perçoit l’action de l’Etat comme une «instrumentalisation» des institutions (notamment de la Justice), tandis que le pouvoir veut éliminer les dernières survivances de l’ancien ordre politique à travers des dossiers judiciaires considérés comme fabriqués pour liquider des adversaires politiques. L’élection présidentielle de mars 2024, qui a conduit à la victoire de Bassirou Diomaye Faye, a été perçue comme un point de bascule et une réussite démocratique majeure. Elle a prouvé la résilience du Peuple sénégalais et sa capacité à s’exprimer par les urnes, même dans un contexte de crise. Néanmoins, le nouveau pouvoir hérite d’un pays profondément divisé, où les attentes en matière de «rupture» sont immenses. Toujours en latence ! Le défi actuel est de décrisper le climat politique et social pour que le nouveau gouvernement puisse mettre en œuvre son agenda, sans créer de nouvelles sources de polarisation. Aujourd’hui, elle est devenue un combustible politique, qui alimente les différentes chapelles engagées dans des batailles politico-judiciaires jusqu’en 2029. L’horizon de toutes les ambitions.
bsakho@lequotidien.sn



