«Le combat pastéfien vient de commencer.» Ainsi s’est exprimé, de façon rhétorique, son chef, lors du Tera meeting du 8 novembre 2025 à Léopold Senghor. Autrement dit, c’est le début de la révolution systémique contre les institutions républicaines truffées de forces de résistance internes négatives qui empêcheraient à la dynamique révolutionnaire de s’éclore. Pourtant, le message est tout à fait clair et s’adresse non pas aux Sénégalais dotés d4une certaine capacité de discernement, mais au lumpenprolétariat victime de promesses non tenues de populistes qui voudraient toujours manipuler à dessein le désarroi de l’armée des chômeurs ou de cette jeunesse fortement modelée par les réseaux sociaux, en exploitant leurs difficultés d’intégration économique et sociale pour des objectifs politiciens non encore satisfaits, et qui expliquerait une nouvelle posture ambiguë de parti d’opposition au pouvoir.
Mais, le plus surprenant, c’est l’appel du chef de Pastef à la désobéissance civile, en demandant urbi et orbi aux populations de boycotter le paiement de l’impôt si des mesures de destitution de ministres et conseillers du Président ne sont pas prises par le Président lui-même. C’est-à-dire l’instauration dans notre République d’un parti-Etat où il y aurait une primauté du parti sur l’Etat. Ce message public du chef de Pastef montre à quel point notre Etat serait en déliquescence et demande la prise de mesures de sauvegarde immédiates pour restaurer l’Etat de Droit et le respect des institutions républicaines. Car on ne peut pas être constitutionnellement dans un régime politique de type présidentiel et fonctionner comme si nous étions dans un régime parlementaire où le président de la République inaugure les chrysanthèmes et où le Premier ministre définit la politique de la Nation. Est-ce un paradoxe stratégique ?
Dans tous les cas, le Sénégal a dépassé, depuis très longtemps déjà, la concentration du pouvoir entre les mains d’hommes forts ou d’un parti politique fort, avec trois alternances démocratiques successives sans contestations. Ce processus historique, institutionnel et démocratique ne peut pas être interrompu, de même que le progrès économique et social de notre pays aujourd’hui en déliquescence. Non, il ne s’est pas passé une révolution au Sénégal en mars 2024, mais bien une alternance démocratique ; la révolution étant définie comme un changement violent dans la structure politique et sociale d’un Etat. A ce propos, Emile de Girardin disait «que la politique d’illusions est une politique fatale, elle conduit à la décadence».
En juillet 2009, lors de sa visite au Ghana, le Président américain Barack Obama avait prononcé une phrase mémorable : «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions.» Cette déclaration résonne profondément dans notre pays, dans lequel on voudrait affaiblir les institutions, au nom d’une pseudo-révolution, par la concentration du pouvoir entre les mains d’un parti politique. Les conséquences d’une telle concentration de pouvoir entre les mains d’un parti politique au détriment d’entités de l’Etat et des institutions, sont dévastatrices pour la gouvernance démocratique et la séparation des pouvoirs, créant un environnement propice à l’abus de pouvoir et à l’autoritarisme.
Nous devrions éviter un tel système anachronique afin que notre pays puisse poursuivre son chemin jusque-là ininterrompu vers la consolidation de sa démocratie plurielle, le renforcement de l’Etat de Droit et son développement économique et social, auto-centré et auto-entretenu.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rufisque