Bien que le parti Pastef ait affiché une unité totale en campagne derrière le tandem Ousmane Sonko-Bassirou Diomaye Faye, des fissures internes et des tensions de leadership ont commencé à se manifester publiquement après l’accession au pouvoir. Le cœur des tensions réside dans la relation entre le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, et son Premier ministre, Ousmane Sonko, qui est le chef historique et idéologique du mouvement. La gestion de la Coalition Diomaye Président est un accélérateur du malaise ambiant. Jusqu’où cela va aller ? Par Bocar SAKHO –

 Personne ne pourra scénariser la suite des évènements. Mais, le malaise provoqué par le changement à la tête de la Coalition Diomaye Président est le symptôme d’une montée de fièvre politique au sein d’une majorité dominée par le président de Pastef. Mardi, les deux entités n’ont pas eu besoin d’enrober leur différend par une quelconque figure de style pour masquer la crise jadis latente ou interprétée par des analystes politiques. Même si le mouvement, porté par une dynamique d’opposition et de combat contre le régime précédent, a réussi à maintenir une façade d’unité depuis le 24 mars 2024.
Alors que M. Ousmane Sonko était la figure centrale et le candidat initial, il s’est retrouvé au poste de Premier ministre sous la Présidence de son ancien bras droit, Bassirou Diomaye Faye. Ce changement de dynamique de pouvoir a créé un terrain fertile aux spéculations et conflits. Une fois au pouvoir, la nécessité de faire des choix de gestion et d’attribution de postes a réactivé des rivalités et des ambitions jusque-là contenues. Des déclarations publiques de M. Ousmane Sonko critiquant certaines inerties ou pratiques, même après l’élection, ont été interprétées comme des signes de malaise ou une tentative de marquer son territoire face à la Présidence. Car Pastef a toujours fonctionné autour d’un leadership charismatique, incarné par Ousmane Sonko, et d’une structure organisationnelle décentralisée sous sa haute surveillance.
Le passage de l’idéologie de la «rupture» à la gestion pragmatique du pouvoir expose le mouvement «patriotique» à des compromis et à des décisions qui peuvent être perçus comme des trahisons par la base militante la plus radicale.

Aujourd’hui, la «bataille fratricide» est donc une guerre ouverte et/ou une lutte de positionnement et d’influence entre les leaders pour déterminer l’orientation politique du nouveau régime et l’application concrète du «Projet». Le Président Diomaye Faye a cependant cherché à rassurer l’opinion en affirmant qu’il n’y avait «aucun conflit» avec son Premier ministre, insistant sur leur relation d’amitié et leur engagement commun à résoudre les problèmes du Sénégal. Mais, c’était avant la soirée du 11 novembre 2025, où tout s’est accéléré avec le relooking annoncé de la Coalition Diomaye Président par le Président Faye, qui a intronisé Mme Mimi Touré à la place de Mme Aïda Mbodji. Cette mesure a provoqué des remous dans les rangs du pouvoir, avec deux leaders qui improvisent un jeu d’échecs politique. Comment Mimi Touré et l’homme qui l’a choisie vont-ils s’y prendre pour assurer le lifting de la coalition présidentielle ? Comment l’autre structure sous inspiration de Pastef va exister au sein de la sphère présidentielle ? Deux courants concurrents au sein d’un même pouvoir risquent sans nul doute de créer une surcharge électrique fatale au régime, qui sera divisé en proportions électoralistes.

Silence après le communiqué de Pastef
Après la publication d’un communiqué officiel de Pastef, qui est en désaccord avec le choix fait par Diomaye, le silence a gagné l’establishment du parti majoritaire du pouvoir. Souvent prolixes, les autres poids lourds «patriotes» se sont gardés de faire des commentaires. Sans doute pour éviter d’envenimer une situation suffisamment explosive à quelques encablures du vote du budget du gouvernement, contraint de gérer des problèmes conjoncturels et structurels dans un contexte d’amenuisement des ressources financières.
On ne sait pas si c’est la nuit des longs couteaux qui s’annonce. Il est sûr par contre que c’est un après 8 novembre qui vient de s’ouvrir avec ses incertitudes sur l’avenir d’un tandem qui a tenté de bâtir la solidité de ses fondations sur sa complémentarité.
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