Refus de restructurer la dette : Les eurobonds chutent, le Fmi s’interroge

Les relations du Sénégal et du Fmi sont comme la ligne d’horizon, plus les partenaires avancent, plus les choses s’éloignent. Et chaque fois que les partenaires soulèvent la question, elle se corse encore. Le 8 novembre dernier, le Premier ministre en congé, Ousmane Sonko, avait déclaré au cours de son Tera meeting, que les deux parties poursuivent leurs négociations sur la dette du pays. Il a informé que les discussions achoppaient notamment sur une éventuelle proposition de l’institution basée à Washington de «restructurer la dette», hypothèse qu’il a jugée irréalisable. Dès le lendemain, le Fonds a informé qu’il ne s’agissait pas pour lui d’imposer au pays une quelconque restructuration de sa dette. Cette option devrait venir de la volonté souveraine de l’Etat concerné, en l’occurrence le Sénégal. Le Fmi affirme qu’il ne pourrait que s’aligner sur la volonté du pays, quel qu’il fut. Le Premier ministre a indiqué avoir rejeté cette idée de restructuration parce que, a-t-il dit, «elle signifierait que le Sénégal ne serait pas en mesure de payer sa dette, et deviendrait ainsi en quasi-faillite. Ce serait une humiliation que le pays n’a jamais connue depuis son indépendance». Il n’est pas possible pour lui que le pays entre dans la classe des mauvais élèves, a-t-il ajouté.
Le Premier ministre a précisé que de son point de vue, il serait mieux pour le pays de faire l’effort de mobiliser les impôts, en faisant appel au patriotisme de ses concitoyens, plutôt que de restructurer la dette. La réaction des marchés financiers ne s’est pas fait attendre. Dès la fin de son discours, le cours des eurobonds du Sénégal sur les marchés financiers a connu une chute des plus spectaculaires. Les médias internationaux qui ont rapporté l’information, ont ajouté que «les titres souverains du Sénégal, notamment ceux libellés en euros et en dollars, ont connu une baisse marquée sur les marchés internationaux. L’eurobond à échéance 2028 s’est échangé autour de 78 centimes pour un euro, soit l’un de ses plus bas niveaux historiques. Parallèlement, le rendement exigé par les investisseurs a grimpé au-dessus des 16%, traduisant une perte de confiance et un risque perçu beaucoup plus élevé.
Cette dégradation rapide s’explique par le discours tenu dimanche par le Premier ministre Ousmane Sonko, qui a affirmé que son gouvernement ne procéderait à aucune restructuration de la dette nationale. Pour les investisseurs, cette position ferme pourrait compliquer les négociations en cours avec les créanciers internationaux et retarder la reprise d’un programme de financement avec le Fmi. Plusieurs analystes estiment que cette situation pourrait également renchérir le coût de l’endettement futur du pays sur les marchés financiers».
Face à cette situation, la dernière réaction du Fonds était attendue. La directrice de la Communication, Mme Julie Kozack, au cours de son briefing de presse hier, n’a pourtant pas donné de nouvelles rassurantes. Elle s’est contentée d’affirmer que «le Fonds monétaire international poursuit son examen de la dette du Sénégal, et les négociations se poursuivront dans les semaines à venir». Une langue de bois qui se traduirait par le fait qu’aucune solution ne se dessine à l’horizon. La cause, selon elle, au regard du rejet de l’option de restructuration par Ousmane Sonko, les instituions de Bretton Woods seraient en train de «travailler conjointement à la finalisation d’une analyse actualisée de la viabilité de la dette».
Le site Bloomberg a cité Mme Kozack, déclarant que «le Fmi et la Banque mondiale travaillent conjointement à la finalisation d’une analyse actualisée de la viabilité de la dette». Elle a ajouté : «Nous nous attachons à évaluer la dynamique de la dette. Nous nous concentrons également sur l’évaluation de la viabilité de la stratégie de financement de l’autorité et des mesures qu’elle peut prendre pour rétablir sa crédibilité», a-t-elle indiqué aux journalistes à Washington. L’analyse de la viabilité de la dette est un élément-clé de l’évaluation menée par le Fmi pour déterminer s’il peut reprendre ses prêts au Sénégal.
Les informations en provenance de Washington font comprendre que le refus par Sonko de restructurer la dette du pays et l’option fiscale qu’il voudrait privilégier bloqueraient, pour le moment, toute reprise de la coopération entre les deux parties. Les nombreuses missions du Fonds à Dakar n’ont toujours pas permis de débloquer les pourparlers, alors que tout le monde sait que les deux parties sont impatientes de trouver une conclusion sur ce sujet. En signe de bonne volonté, le Fmi, qui a gelé le décaissement des fonds liés à son programme précédent de 1, 8 milliard de dollars, n’a pas encore décidé si le pays devait déjà rembourser les montants déjà encaissés, qui s’élèvent à plus de 350 millions de dollars américains. Dans l’espoir d’un nouveau et dernier rebondissement dans le bon sens ?
Par M. GUEYE



