Lors de la 3ème édition du Colloque international du Cheds, la gouvernance souveraine des ressources et des frontières était au menu des échanges, dans un contexte sécuritaire volatile en Afrique de l’Ouest. Par Dieynaba KANE – 

Le Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds) tient depuis hier un colloque sur le thème «Gagner la paix en Afrique de l’Ouest : pour une gouvernance souveraine des ressources et des frontières». Cette rencontre réunit «des experts et acteurs-clés en vue d’analyser les conditions et modalités d’une gouvernance souveraine des ressources et des frontières comme levier stratégique pour instaurer une paix durable en Afrique de l’Ouest». Les organisateurs de cet évènement expliquent dans un document qu’en «dépit de la politique minière commune et du Code minier communautaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), de nombreux défis persistent dans un contexte marqué par une montée en puissance de revendications souverainistes auxquelles s’identifient des pays de l’Afrique occidentale». D’après eux, «l’émergence de l’Alliance des Etats du Sahel (Aes), les divergences au sein de la Cedeao, la compétition entre acteurs régionaux et extrarégionaux, ainsi que l’impact des nouvelles technologies, de l’urbanisation et de la démographie sur la sécurité rendent indispensable une réflexion stratégique partagée». De ce fait, le Cheds soutient que cette 3ème édition de son Colloque international «s’inscrit dans cette dynamique, en proposant un espace de dialogue et d’expertise destiné à formuler des pistes innovantes pour une gouvernance souveraine, inclusive et porteuse de paix».
Lors de l’ouverture de cette rencontre, le ministre des Forces armées a fait savoir que le thème choisi «résonne avec une acuité particulière». Et de soutenir : «L’objectif général de vos travaux est clair : analyser les conditions et les modalités d’une gouvernance souveraine des ressources et des frontières comme levier stratégique pour instaurer une paix durable en Afrique soudano-sahélienne.»
Poursuivant ses propos, le Général Birame Diop fait remarquer que «l’espace ouest-africain est en effet confronté à une multiplicité de défis : des fragilités sécuritaires, une pression démographique, une croissance urbaine exponentielle et la convoitise de ressources qui génèrent des tensions géopolitiques». Partant de ce constat, il estime que «la question de la souveraineté sur nos ressources et nos frontières n’est plus seulement une affaire de préservation de l’intégrité territoriale, mais un instrument majeur pour gagner une paix durable, construire la confiance entre Etats et renforcer la cohésion sociale». Faisant le lien entre ces défis et la démographie de la région, le ministre des Forces armées assure qu’ils travaillent «à renforcer les opportunités offertes à nos jeunes et à créer les conditions pour qu’ils deviennent les acteurs de leur propre avenir».
«L’Afrique occidentale doit investir dans ce potentiel humain exceptionnel, en lui ouvrant des perspectives qui conjuguent justice sociale, innovation et sécurité collective», a-t-il indiqué.
Parlant de la paix recherchée dans la sous-région, Birame Diop souligne qu’elle «n’est pas une abstraction». «Elle n’est jamais acquise une fois pour toutes. Elle se gagne chaque jour, se construit au quotidien, à travers notre capacité à gouverner souverainement nos ressources et à protéger nos frontières. L’eau, la terre, l’énergie comme les flux migratoires et commerciaux, peuvent nourrir les rivalités et les tensions. Mais gouvernés avec clairvoyance équité et responsabilité, ils deviennent des leviers de coopération, d’intégration et de prospérité partagée», a-t-il déclaré. D’après le Général Birame Diop, «nos frontières ne doivent pas être perçues comme des lignes de séparation, mais comme des ponts de solidarité». De même, soutient-il, «nos ressources stratégiques ne sauraient rester des objets de convoitise ou de conflit, elles doivent devenir le socle de notre souveraineté et de notre stabilité». Dans son discours, M. Diop a insisté sur la nécessité d’une solidarité pour relever les défis. «Nous vivons une époque de recomposition des alliances et de réaffirmation des souverainetés. Mais aucune Nation, aussi puissante soit-elle, ne peut relever seule les défis de la sécurité collective», a-t-il dit. Et de faire un plaidoyer : «C’est dans la solidarité régionale, dans la concertation et dans le respect mutuel que nous trouverons les voies d’une paix durable. La Cedeao, l’Ua et nos organisations sous-régionales doivent continuer à jouer ce rôle fédérateur dans le respect de nos identités et de nos aspirations souveraines.»
Le directeur du Cheds a déclaré, lors de l’ouverture de ce colloque, que «la paix est sans conteste un préalable à tout développement». En cela, note Jean Diémé, «elle est un instrument de renforcement de la coopération sous-régionale et d’amélioration de la gouvernance de nos pays respectifs». Parlant du thème de cette édition, il a attiré l’attention sur «la croissance démographique de notre sous-région» qui «prémunit de questions lancinantes relatives au renouvellement des générations, tout en imposant la nécessité d’apporter de manière assez urgente des solutions à leur épanouissement». Et de déclarer : «La portée de ces enjeux, l’étendue des difficultés à relever donnent tout leur sens aux choix des différentes thématiques de la présente édition. Nous allons essayer de réfléchir de manière spécifique à l’hydrodiplomatie au service de la paix, aux problématiques de la gouvernance foncière et la sécurité des espaces urbains, à la souveraineté numérique, à l’Intelligence artificielle, aux dynamiques démographiques, à la sécurité collective et aux enjeux de la jeunesse.»
Il faut noter qu’il est attendu de ce colloque, «un diagnostic approfondi des défis liés à la gouvernance des ressources et des frontières, des recommandations pratiques pour intégrer les dynamiques technologiques et démographiques dans la conception des politiques de sécurité, des scénarii prospectifs pour renforcer la résilience des Etats et des sociétés face aux menaces communes, et un cadre d’actions prioritaires pour la coopération régionale en matière de souveraineté et de sécurité».
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