Avec une dette atteignant près de 130% de son Pib, le Sénégal ne serait plus en mesure de se refinancer sans l’appui du Fmi. Celui-ci n’étant pas garanti, Standard & Poor’s, après Moody’s, a décidé de baisser la note du crédit du Sénégal, rendant la tâche difficile au pays pour emprunter.

Par M. GUEYE – La dette est vraiment le karma du Sénégal. Toutes les nouvelles qui se succèdent sur le plan économique dans ce pays n’ont d’autre point d’inflexion que la dette. Il est vrai qu’avec une estimation à 132% du Pib, elle ne peut pas être négligeable. On a dit ici, depuis le 8 novembre dernier, que le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko se démène pour trouver le moyen de limiter tant que faire se peut, les effets négatifs de ladite dette, même si cela ne semble pas vouloir aller de soi. Hier, une dépêche d’agence a annoncé que l’agence de notation Standard & Poor’s a décidé de baisser la note du Sénégal, la faisant passer de B- à CCC+. En plus de cela, le pays est placé sous surveillance financière.

L’agence étrangère de notation justifie sa mesure, selon les agences, par «des besoins de financement public particulièrement élevés pour 2026 : les besoins bruts de financement sont estimés à 26% du Pib selon les chiffres officiels du Sénégal, et à environ 29% du Pib selon l’estimation plus prudente de S&P». Il y a aussi, ajoutent les médias, «une charge de la dette publique déjà très élevée : la dette du Sénégal s’élèverait à 119% du Pib à fin 2024, sans tenir compte des arriérés budgétaires et des engagements des entités liées à l’Etat qui ajouteraient environ 9% de Pib, ce qui classe le pays parmi les plus endettés de la catégorie spéculative».

Standard & Poor’s ne traite pas par-dessus la jambe la suspension, en octobre dernier, du programme avec le Fmi, d’un montant de 1, 8 milliard de dollars. Elle juge que ce tarissement de ressources a réduit l’accès du Sénégal à des financements à conditions avantageuses.

On voit à quel point cela est vrai, en regardant les autorités se débattre pour tenter d’arriver rapidement à un nouvel accord avec le Fonds. Mais jusqu’à hier, cela ne semblait plus être une priorité pour les services de Mme Kristalina Georgieva.

Cette situation a condamné le pays, depuis lors, à avoir massivement recours à des emprunts sur le marché régional de l’Uemoa pour financer son développement. Or, même cela, S&P le lui reproche aujourd’hui. L’agence indique que «bien que le Sénégal ait exécuté environ 70% de son programme de financement 2025 en empruntant sur des marchés régionaux, ces emprunts ont des coûts plus élevés (rendements dépassant 7%) et des maturités plus courtes que les prêts concessionnels».

Comme si elle était de connivence avec le Fonds monétaire, S&P estime que le Sénégal pourrait voir sa note reprendre la hausse s’il parvenait à refinancer sa dette et trouver le moyen de la consolider de manière plus efficace. L’agence de notation souligne que l’économie du Sénégal est encore dynamique, grâce à une forte production de pétrole du bloc de Sangomar, et de gaz provenant de Gta, qui est partagé avec la Mauritanie. Cela a permis au pays d’atteindre un Pib de 12, 1% au premier trimestre de cette année, et d’avoir une estimation de 6, 8% du Pib pour l’année en cours.

Il faut constater que cette baisse de la notation du Sénégal vient après celle intervenue le mois dernier, par l’agence Moody’s, qui a fait passer le pays de B3 à Caa1, avec une perspective négative. A l’époque déjà, Le Quotidien avait relevé les raisons de cette dégradation. Elles ne sont pas différentes, sur aucun point, de celles invoquées par S&P. Le 11 octobre dernier, Le Quotidien écrivait : «L’agence de notation a souligné des progrès plus lents que prévu pour obtenir un nouveau programme du Fonds monétaire international (Fmi), laissant le gouvernement dépendant du marché régional, plus coûteux, pour répondre à ses besoins de financement élevés. Cette situation a augmenté les risques de liquidité et contribué à la détérioration de la soutenabilité de la dette.
Bien que le scénario de base de Moody’s suppose un soutien éventuel du Fmi sans restructuration de la dette, la confiance dans ce résultat a diminué. Les négociations formelles avec le Fmi doivent débuter mi-octobre, Moody’s prévoyant un accord sur le programme d’ici mi-2026. Entre-temps, le Sénégal fait face à des besoins de financement bruts élevés d’environ 26% du Pib cette année et en 2026. Les paiements d’intérêts devraient atteindre environ 27% des recettes publiques en 2026. Le gouvernement s’est fortement appuyé sur le marché de l’Uemoa, émettant des bons et obligations du Trésor combinés équivalant à 8% du Pib jusqu’à fin septembre, à des taux compris entre 6, 75 et 7, 75%.»
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