Horizon – Pr Fatou Ndoye Fall sur le concours de poésie pour marquer les 50 ans de la revue Ethiopiques : «Faire redécouvrir Senghor, le littéraire, par nos enfants»


En décembre, la Fondation Léopold Sédar Senghor lance un concours poétique pour célébrer les 50 ans de la revue Ethiopiques. Avec le titre «Sur les traces de Senghor», les postulants doivent s’inspirer du poète-Président pour produire leurs propres œuvres. L’un des objectifs majeurs est de «faire redécouvrir Senghor, le littéraire, par nos enfants, revisiter son univers poétique, dans toute sa dimension». Dans cet entretien, Pr Fatou Ndoye Fall, enseignante, thérapeute familiale et systémique, qui coordonne le concours avec Pr Andrée Marie Diagne, détaille tout !
On va fêter en décembre 2025 les 50 ans la revue Ethiopiques de Léopold Sédar Senghor. Quel a été l’impact de cette revue dans la vie africaine ?
Revue interdisciplinaire créée en 1975, Ethiopiques a joué un rôle irremplaçable dans le rayonnement de la culture africaine et dans la promotion des intellectuels et artistes africains et de la diaspora. C’était un cadre qui permettait d’avoir un autre regard sur la culture africaine, avec des Africains, une élite africaine qui se penchait sur son histoire, sa culture. Une manière de panser des blessures de l’esclavage, de la colonisation, et de rétablir la vérité.
Sur le plan scolaire, que devrait-on faire encore pour valoriser les œuvres majeures de nos écrivains ?
Pour valoriser les œuvres majeures de nos écrivains, il faut d’abord les faire connaître par les jeunes. Pour cela, rien de plus important que de les mettre dans nos programmes scolaires. Ce que nos dirigeants ont très tôt compris lorsqu’ils se sont réunis lors des «Rencontres de Tananarive, vers les années 72, pour africaniser les contenus des programmes scolaires».
Autre méthode : initier des activités culturelles autour de leurs thématiques, de leurs productions ; animer des ateliers d’écriture pour les promener dans des laboratoires littéraires où ils vont apprendre à «défaire, disséquer» des textes avant d’en produire, d’en créer d’autres. A l’instar du projet qui nous réunit, les faire lire -les faire découvrir-, les inciter à s’inspirer et à produire, par le biais d’un concours.
A l’occasion de ce cinquantenaire, la Fondation Léopold Sédar Senghor lance un concours poétique : «Sur les traces du poète Léopold Sédar Senghor». L’objectif est-il de faire revisiter l’univers poétique de Senghor ?
Exactement, un des objectifs majeurs est de faire redécouvrir Senghor, le littéraire, par nos enfants, revisiter son univers poétique, dans toute sa dimension. Non seulement lire et comprendre Senghor, le chantre de la Négritude, qui s’est penché sur l’Afrique, l’identité noire, mais interpeller «le visionnaire». A l’heure où il est question un peu partout de problème identitaire, d’appartenance et de reconnaissance, où le développement personnel est moteur de réussite professionnelle, il nous semble impérieux de mettre entre les mains de nos apprenants, nos enfants, des œuvres qui mettent l’accent sur la «revalorisation de soi, la connaissance et l’estime de soi» pour retrouver dans ce que Platon appelait «le banquet des nations», son équilibre. Equilibre indispensable pour jouer sa partition dans ce village planétaire lors du rendez-vous du donner et du recevoir, prophétisé par notre Président-poète.
En plus de la pensée senghorienne, quels sont les autres points essentiels retenus par le jury pour le concours ?
Au-delà de la pensée senghorienne, un des points essentiels est de développer la créativité chez nos jeunes, nos doyens, notre population. En effet, comme l’indique le titre, «Sur les traces de Senghor», il leur est demandé de s’inspirer de Senghor pour produire leurs propres œuvres. Serait-ce autour de ses thématiques : le royaume d’enfance, la synesthésie. Senghor, dit-on, «a cherché à découvrir ses racines, à connaître sa culture». Il a beaucoup participé à la promotion du Sérère, du monde sérère, de sa culture. Son intention : la faire découvrir par l’humanité. La titrologie variée et fortement marquée de ses œuvres pourrait susciter l’intérêt du lecteur : Chants d’ombre, Hosties noires, Ethiopiques, Nocturnes, Lettres d’hivernage, Elégies majeures…
Quelle est la cible visée pour ce concours de poésie ?
Le concours s’adresse aux jeunes et seniors : élèves, étudiants et adultes vivant au Sénégal et hors du Sénégal, prêts à s’embarquer pour cette croisière littéraire.
Mme Fall, ce concours tombe sans doute bien, car on parle de plus en plus de baisse continue du niveau littéraire et de langue des élèves. A votre avis, qu’est-ce qu’il faut faire pour essayer d’inverser le cours des choses ?
Leur faire aimer la littérature, leur faire découvrir les textes avec d’autres approches pédagogiques, qui leur parlent, qui leur correspondent. Le rap et le slam, par exemple, les réconcilient avec l’écriture poétique ; cette écriture qui parle à leurs cœurs et leurs âmes : «De la musicalité avant toute chose.»
Des initiatives comme celle qui nous réunit, un concours autour d’un auteur, d’une pensée, d’un thème : faire éclore des talents. A tous ceux qui aiment la littérature, qui ont frémi à la lecture d’un texte poétique, qui se sont sentis transportés par la musique d’un texte, bercés par le rythme d’un poème, nous tendons la main : vous aussi vous pouvez en créer, à vos plumes !
Propos recueillis par Bocar SAKHO-bsakho@lequotidien.sn

