Par Justin GOMIS –L’intégration africaine, théorisée il y a plus de 60 ans, tarde encore à devenir une réalité. Une situation due à une mauvaise approche du processus dès le départ. «On a copié ce que les Occidentaux faisaient, or nous sommes à des niveaux de développement qui sont complètement différents. Et au niveau des pays occidentaux, c’est l’intégration par le marché, c’est-à-dire comment élargir les marchés.
Ils étaient arrivés à un moment où leurs propres marchés étaient étroits. Donc l’intégration leur permet d’élargir le marché, par exemple des Français peuvent vendre en Allemagne et dans d’autres pays. Et les Africains copient le même système alors que nous sommes à des niveaux de développement extrêmement faibles», a fait savoir Demba Moussa Dembélé, économiste et  président de l’Arcade, lors du panel organisé en prélude à la première conférence de l’Ideas-Africa Network sous le thème : «Repenser l’intégration régionale en Afrique : transcender les échecs du passé et se préparer aux défis d’un monde multipolaire.»
Pour le membre de la Commission d’organisation de cette conférence, il fallait prendre une autre approche, à savoir l’intégration par la progression. «C’est ce qui aurait permis de construire des systèmes productifs au niveau de nos pays avec des économies, et qui auraient pu transformer nos sociétés», a-t-il dit, tout en soulignant que «l’approche par le marché a été un échec parce que dans la Cedeao où nous sommes, les échanges ne dépassent pas 15% après 50 ans d’intégration».
L’économiste reste ainsi persuadé que «si on avait utilisé une autre approche, peut-être qu’on n’en serait pas la aujourd’hui à parler de pauvreté, de dislocation entre l’Aes d’un côté et la Cedeao de l’autre». Aujourd’hui, «nous avons besoin de notre solidarité pour sauver l’Afrique, d’une certaine manière, du pillage extérieur et essayer de mettre toutes ses ressources au service du développement des pays, des peuples africains et de ceux de la diaspora», a-t-il indiqué devant la presse.
Et pour donner sens au panafricanisme, M. Dembélé suggère de voir comment mobiliser les ressources des pays africains et des représentants de la diaspora pour transformer l’Afrique afin de consolider les relations entre l’Afrique et sa diaspora que l’Union africaine a fini d’en faire la 6ème région du continent.
«C’est le panafricanisme révolutionnaire qui nous semble être la meilleure voie pour mobiliser les Africains du continent et de la diaspora, et surtout pour instaurer la souveraineté sur nos ressources et la définition des politiques de notre  développement», a-t-il soutenu. Parlant aussi de  la démocratie, Demba Moussa Dembélé précise qu’elle ne veut pas dire la tenue d’élections seulement.
«Ce qu’on nous propose ici, c’est la démocratie libérale occidentale», dit-il. Et selon lui, «ce n’est pas une démocratie qui correspond aux réalités africaines». «Quand on parle de démocratie, il faut d’abord la souveraineté.
Il faut que les peuples soient en mesure de définir eux-mêmes leur politique. Mais, vous le constatez-vous-mêmes, quand nous organisons nos élections nous-mêmes, c’est l’Union européenne qui envoie des observateurs, ce sont les Américains qui envoient des observateurs, et ce sont eux qui disent si nos élections sont correctes ou non. Au nom de quoi ?», se demande l’économiste.
D’ailleurs, lors de sa prise de parole, Pr Ndongo Sylla n’a pas manqué de révéler que même les Etats-Unis, qu’on qualifie de modèle démocratique, ne disposent pas dans sa Constitution du mot démocratie. Il explique ainsi les coups d’Etat souvent perpétrés en Afrique. «Les coups d’Etat sont meilleurs à partir du moment où les peuples adhèrent. Je crois que c’est un critère décisif, si le Peuple adhère. Pour moi, ce ne sont pas des coups d’Etat. Ce sont des insurrections populaires qui ont été appuyées par des militaires», a-t-il remarqué.
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