Le nouveau pouvoir du Président Bassirou Diomaye Faye, sous la houlette du gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, a, dès son arrivée aux affaires, tenu à montrer qu’il avait à cœur la transparence dans la conduite des affaires de l’Etat. Le sérieux de son engagement s’est traduit par l’adoption d’une loi 2025-15, le 15 août dernier, garantissant l’accès des citoyens à l’information. Par naïveté, beaucoup de gens, surtout au sein des médias, avaient cru que le Sénégal s’ouvrait enfin au monde moderne, évitant que les fonctionnaires ne se réfugient derrière leur devoir de réserve pour priver les citoyens de leur droit à l’information la plus élémentaire. Il ne nous a pas fallu longtemps pour nous prouver à quel point nous prenions nos rêves pour la réalité.
L’épisode du déplacement du Premier ministre Ousmane Sonko en offre la meilleure illustration. Il est assez risible de se rendre compte qu’une personne, présentée comme un fugitif en rupture de ban avec la Justice de son pays, en vienne à fournir à la majorité des Sénégalais des informations aussi importantes pour la vie de la Nation. Au moment où le chef de l’Etat Bassirou Diomaye Faye prenait les airs pour se rendre en Angola retrouver ses pairs de différents pays de l’Union africaine et de l’Union européenne pour un important sommet, celui qui, théoriquement, devait garder les clés de la maison Sénégal, s’envolait en catimini pour le Moyen-Orient. Le chef du gouvernement n’a informé personne de son lieu de destination, de qui il allait y retrouver, ni de ce qu’il allait en tirer.
Il a fallu différentes interprétation de la sortie de Madiambal Diagne pour qu’en premier lieu, la seconde personnalité de l’Etat et membre du parti dirigé par Ousmane Sonko, M. El Malick Ndiaye, apporte une réponse sons forme «d’éclaircissements». Il nous a assuré que Ousmane Sonko «n’a pas fui comme Madiambal, mais qu’il allait chercher de l’argent».
La réponse a satisfait ceux à qui elle était destinée, alors que la majorité de l’opinion nationale attendait d’être mieux édifiée au retour du concerné. Ce dernier est revenu, a pris part à la réunion du Conseil des ministres du mercredi 26 novembre dernier… et gardé un silence total sur sa sortie moyen-orientale. Ce qui a contrasté avec son chef qui, lui, s’est montré particulièrement loquace sur son voyage à Luanda et sur les personnalités avec lesquelles il a échangé. La première institution du pays n’a pas hésité à informer la Nation de ses déplacements et a tenté d’en montrer l’utilité, alors que celui qui vient après lui, son collaborateur le plus proche, juge superflu de mettre ses concitoyens au courant de ses déplacements.
Une situation particulièrement inconfortable, quand on sait que ce régime a toujours prôné la transparence dans la gestion des affaires du pays. Et particulièrement, le Premier ministre s’est toujours distingué pour mettre l’accent sur les dérives des tenants des anciens régimes, coupables, selon lui, d’actes de mauvaise gouvernance. Monsieur Sonko est même allé plus loin en dénonçant des ministres de son gouvernement, et même des alliés de son régime, dont certains comportements étaient loin de l’orthodoxie à ses yeux. Ce n’est donc pas de la part d’un personnage de ce genre que l’on pourrait attendre qu’il reste silencieux face aux légitimes interrogations de la population du pays qu’il dirige.
D’autant plus que ce mutisme contraste avec le silence du même Premier ministre par rapport à ses précédents voyages dans la même région, ainsi qu’en Chine et en Turquie. Les services de communication de la Primature, bien relayés par les médias qu’ils ont voulu desservir, n’avaient pas tari d’éloges pour ce périple qui a été présenté comme «une première historique». Pour résumer, son statut de chef de gouvernement n’a pas empêché que Ousmane Sonko soit accueilli en Chine, en Turquie et au Moyen-Orient avec des honneurs habituellement réservés aux chefs d’Etat. Sans avoir à le dire, on pouvait comprendre en filigrane des déclarations et sorties médiatiques, que le Président Bassirou Diomaye Faye, qui avait précédé son collaborateur dans cette tournée, n’avait pas fait l’objet d’autant de munificence. Mais cela est juste un détail, comme dirait Jean-Marie Le Pen.
Ce qui intéresse l’opinion est que depuis le mois d’août, les populations sénégalaises n’ont pas été informées des retombées des voyages du Premier ministre. Que ce fut en Chine, où il avait ravi la vedette à l’Apix qui organisait en même temps son Forum économique à Hangzhou pour attirer des investisseurs chinois. Le Premier ministre s’y était transformé en Vrp de luxe pour la destination Sénégal, au point de nous promettre des investisseurs allemands potentiels, intéressés par des joint-ventures avec des Sénégalais. Bizarrement, on n’entend plus vraiment parler de ces partenariats qui, pourtant, avaient aussi soulevé bien des questions.
Les préoccupations tenaient plus, à l’époque, aux moyens mis en œuvre pour le déplacement du chef du gouvernement d’un pays dont il a lui-même dit qu’il était au 4ème sous-sol. Les capacités de ses délégations, leurs conditions de déplacement et d’hébergement n’ont vraiment jamais reflété une quelconque austérité. On n’ose pas croire que notre chef de gouvernement ait pu se faire prendre en charge par d’autres biais.
Cela risquerait d’interroger sur la crédibilité du dernier post twitter de Madiambal Diagne. L’ancien patron du journal Le Quotidien, qui a décidément du mal à se départir de sa toge de journaliste, s’est interrogé pour savoir : «le secret de la virée à Abu Dhabi se trouve-t-il dans un deal avec des Singapouriens sur les terres de de l’ex-base militaire française de Ouakam ? 114 millions de $ en cash et en jet privé ? Rv le 29 décembre 2025. Juste un mois après le 28 novembre !» M. Diagne parle en personne qui en sait beaucoup et ne dit pas tout. Et pire, il n’est pas réputé raconter des balivernes, les tenants du pouvoir en savent quelque chose !
Malheureusement, face à lui, on a affaire à des gens qui manient plus l’invective que la réplique sur des faits. Serait-ce parce qu’il les a convaincus qu’il en savait pas mal ? Le dommage est que, comme il a toujours indiqué, sa principale cible ne s’est jamais risquée à lui apporter un quelconque démenti.
Le malheur est que, faute de prendre à défaut Madiambal Diagne, notre gouvernement, en voulant sans doute le faire taire, n’a aucune vergogne à prendre en otage ses proches, comme si cela pouvait le réduire au silence. Le journal Le Quotidien ne peut rester silencieux face à cette injustice dont il est une victime collatérale. Son Administrateur général, Serigne Saliou Diagne, se retrouve, en compagnie de son jeune frère Mouhamet et de sa belle-mère Mabitou Diaby, prisonnier d’Etat dans une entreprise qui se transforme tous les jours de manière évidente, en prise d’otage avec demande de rançon. Cela, pour délit de parenté. Cette affaire réduit aujourd’hui le Sénégal au rang de certains pays que nous n’osons pas citer, de peur de créer un incident diplomatique. Combien de temps faudra-t-il au Sénégal pour remonter la pente de l’Etat de Droit ? Ou devons-nous d’abord attendre que le Plan de redressement économique et social du Premier ministre commence à porter des fruits ?
Par Mohamed GUEYE mgueye@lequotidien.sn