Bon retour parmi nous

Sans aucun doute, Serigne Saliou Diagne va reprendre sa chronique Vendredi prochain. Les lecteurs de ce journal, privés de Palimpsestes depuis plus de deux mois, peuvent déjà en saliver à l’avance. Il est libre depuis hier soir. Un véritable ouf de soulagement pour nous tous. Et ses avocats, qui ont réussi à lui faire bénéficier de cette libération, qui n’est que justice. Bien sûr, il reste d’autres batailles à gagner pour que lui et les autres membres de sa famille embarqués dans la même procédure soient innocentés définitivement. Car l’octroi de la liberté provisoire à Serigne Saliou Diagne le 4 décembre 2025 ne clôture pas le dossier, mais il marque un recadrage judiciaire essentiel. La libération de M. Diagne est, d’abord et avant tout, une réaffirmation du principe de la primauté de la liberté sur l’emprisonnement. Il ne peut être que le dernier recours.
Le Code de procédure pénale stipule que la détention provisoire doit rester l’exception. Elle n’est justifiée que pour des motifs précis : prévenir une récidive, empêcher une pression sur les témoins ou une destruction de preuves, ou garantir la représentation de l’inculpé en Justice. En libérant Serigne Saliou Diagne, qui est administrateur du Groupe Avenir Communication, une société connue, qui édite le journal Le Quotidien, la Justice envoie un signal fort : elle considère que l’incarcération n’était plus proportionnée ou nécessaire à la manifestation de la vérité. Surtout qu’il n’a jamais été visé par le réquisitoire du Parquet et le rapport de la Centif, poussant à l’époque ses avocats à solliciter l’annulation de la procédure.
L’inculpation et l’incarcération du fils du principal mis en cause, Madiambal Diagne, avaient été largement perçues par la défense et la sphère médiatique comme une tentative de l’Etat d’exercer une pression morale et familiale pour forcer le retour de l’administrateur de presse.
La décision du président du Collège des juges d’instruction met un terme, au moins temporairement, à cette stratégie. Le dossier est ramené à ses faits : la Justice doit désormais se concentrer sur les preuves directes de la complicité supposée ou de la participation aux délits financiers en déterminant les responsabilités individuelles, et non sur le statut de proche. La décision du juge est une victoire procédurale pour la défense et un rappel à l’ordre sur la stricte application du Droit.
Aujourd’hui, il faut constater cette décrispation en cours dans ce pays. Avec la Justice qui commence à desserrer l’étau sur certains justiciables qui n’auraient dû jamais aller en prison vu la légèreté des charges retenues contre eux. Sans doute serait-il séant de prendre en compte l’inquiétude démocratique et le sentiment d’impuissance en cours dans le pays ? En vrai, il faut se défaire de l’idée qu’il existe un monde libre définitivement protégé de l’autoritarisme, et rappeler que l’exercice de la liberté suppose des conditions politiques.
Aujourd’hui, la question du recul de la démocratie est un sujet central d’inquiétude. Il n’a rien à voir avec le «laissez-faire» ou l’insoumission aux lois, mais il s’agit du désir de faire tenir ensemble la puissante idée du respect de la dignité humaine et de la présomption d’innocence.
La libération de M. Serigne Saliou Diagne est un pas vers l’apaisement, même si l’épée de Damoclès du contrôle judiciaire subsiste. Elle permet au groupe de presse de retrouver une stabilité directionnelle, cruciale pour sa survie économique et sa ligne éditoriale, après plus de deux mois de perturbation. Pendant toute son absence, la rédaction du Quotidien a essayé d’animer cette chronique à sa place. On ne l’a pas réussi avec le même talent. Mais, le pari était de continuer à honorer ce rendez-vous hebdomadaire pour valider l’idée qu’on ne peut emprisonner une idée. Bon retour parmi nous Serigne Saliou Diagne !
Par Bocar SAKHO – bsakho@lequotidien.sn

