Panel – Gestion des crises : Le cousinage à plaisanterie donné en exemple

Des chercheurs ouest-africains dont l’universitaire sénégalais Pape Massène Sène, ont souligné, mercredi à Dakar, le rôle central du cousinage à plaisanterie ou parenté à plaisanterie, une tradition sociale ancestrale considérée comme un mécanisme majeur de prévention des conflits sur le continent.
Ancien Secrétaire général du ministère de la Culture, Pape Massène Sène a déploré que les mécanismes de résolution de conflits souvent évoqués au niveau des Nations unies interviennent «trop tardivement», c’est-à-dire une fois que les crises ont déjà éclaté. «Nous, nous avons quelque chose de particulièrement important : empêcher que la crise n’éclate. Les différends existent, personne ne peut le nier. Mais comment gérer les différend pour qu’ils ne débouchent pas sur l’irréparable ? C’est cela le premier mécanisme de la parenté à plaisanterie», a-t-il expliqué. Il a toutefois invité à aller au-delà de l’expression «cousinage à plaisanterie», qui n’est, selon lui, qu’un volet du dispositif global, même s’il reconnaît que «celui avec lequel vous allez le plus plaisanter est votre cousin». Pape Massène Sène intervenait lors d’un panel organisé sur le thème : «Cousinage à plaisanterie : un vecteur de cohésion sociale et de réconciliation au service de la renaissance africaine», inscrit au programme du premier Festival ouest-africain des arts et de la culture (Ecofest) dont le thème central porte sur les mutations et crises politiques en Afrique.
La rencontre était initiée par l’association Mbokatoor Maasir, les communautés ouest-africaines établies au Sénégal, ainsi que le Monument de la Renaissance africaine. La reine d’Oussouye, sa Majesté Alis Umoy Diédhiou, était aussi de la partie. Décrite comme un «levier de cohésion sociale et un socle d’identité collective», la parenté à plaisanterie, appelée Kal ou Maasir au Sénégal, Sanankouya au Mali, Rakiré au Burkina Faso, ou encore Toukpé en Côte d’Ivoire, est également «un système de régulation et de transmission au sein des familles», a rappelé M. Sène. Reposant sur des moqueries codifiées, des railleries ritualisées et des joutes verbales entre groupes sociaux, cette pratique a longtemps servi de mécanisme d’apaisement, de prévention et parfois même de résolution des conflits, ont relevé les chercheurs. Selon eux, elle contribue à décrisper les tensions, consolider les liens communautaires et renforcer la paix.
Le sociologue tchadien Félix Mbete a, pour sa part, insisté sur la dimension transnationale de cette tradition. «L’Afrique est déjà unie en termes de pratiques culturelles. Les mêmes formes de parenté à plaisanterie que l’on retrouve chez les Sérères ou les Wolofs existent aussi au Tchad et au Mali», a-t-il fait remarquer. Il a rappelé que cette pratique, qui «n’est pas de la simple plaisanterie», était déjà utilisée par les rois africains, auxquels neveux et nièces pouvaient adresser des vérités parfois dérangeantes grâce à ce canal socialement protégé. «Nous sommes au cœur d’une anthropologie africaine capable de résoudre des conflits. C’est un levier important. L’Afrique a un message à porter au monde», a déclaré Dr Mbete, affirmant avoir découvert cette dimension grâce aux écrits du savant sénégalais Cheikh Anta Diop.
Aps





