Au Sénégal, le débat autour des franchises universitaires revient régulièrement au cœur de l’actualité. A chaque tension sur les campus, une même question ressurgit : que protège réellement la loi ? Et jusqu’où s’étend le fameux «territoire universitaire» ?

Une récente série d’incidents a encore montré que ces règles, souvent brandies comme un bouclier, sont parfois mal comprises, au point de créer un décalage entre la loi et les représentations qu’en ont les étudiants.

Adoptée en novembre 1994, la loi relative aux franchises universitaires instaurait un cadre destiné à préserver les activités pédagogiques et scientifiques. Elle garantissait notamment la liberté d’enseigner, la liberté de recherche et l’autonomie académique des universités. Pour éviter toute ingérence extérieure, le texte précisait que la police ne peut intervenir dans les espaces d’enseignement qu’à la demande du Recteur, sauf en cas de menace grave et immédiate.

Mais ce principe a été progressivement interprété, dans l’imaginaire collectif, comme une immunité générale couvrant l’ensemble du territoire universitaire. Or, la loi est claire : les franchises s’appliquent uniquement au campus pédagogique, c’est-à-dire aux salles de cours, amphithéâtres, bibliothèques, laboratoires et espaces administratifs directement liés aux activités universitaires.

Les espaces de vie, eux, ne sont pas concernés. Pavillons, restaurants universitaires, espaces sociaux : tout cela relève du campus social, un territoire ordinaire sur lequel les lois nationales s’appliquent pleinement. En clair, le campus social n’est ni une zone d’extraterritorialité ni un refuge juridique. Les Forces de l’ordre peuvent y intervenir sans procédure particulière, comme dans n’importe quel quartier du pays.

Cette distinction, pourtant simple sur le papier, est régulièrement ignorée lors des mouvements étudiants. Cer­tains invoquent les franchises pour justifier des blocages, refuser des contrôles ou contester l’intervention des autorités dans les résidences universitaires. Une confusion qui entretient un climat de tension et de malentendus.

La loi ne laisse pourtant aucune ambiguïté. Les étudiants bénéficient de libertés, mais aussi d’obligations. Ils sont tenus de respecter l’ordre public, de s’abstenir de toute violence et de veiller à ne pas empêcher les autres d’étudier. Tout manquement expose à des sanctions disciplinaires, voire pénales. La franchise n’a jamais été pensée comme un «droit à l’impunité», encore moins comme un moyen de se soustraire à la loi.

Les autorités universitaires rappellent d’ailleurs régulièrement que la protection juridique prévue par les franchises a un objectif précis : garantir un environnement serein pour l’enseignement et la recherche. Pas plus, pas moins. Le reste du campus, notamment les lieux d’hébergement, obéit aux mêmes règles que le reste du territoire national.

A l’heure où l’université est traversée par des défis multiples -pressions sociales, revendications, difficultés d’organisation-, cette clarification apparaît plus nécessaire que jamais. Car la compréhension du cadre légal n’est pas seulement une question de règlement : elle conditionne le climat général des campus et la confiance entre les différents acteurs.

Les franchises universitaires sont un acquis précieux. Elles protègent le savoir, l’indépendance académique et le fonctionnement des institutions. Mais comme toute liberté, elles s’exercent dans un cadre. Et ce cadre n’a jamais eu pour vocation de placer les étudiants «au-dessus de la loi». Au contraire, il leur rappelle que la liberté n’a de valeur que lorsqu’elle s’accompagne de res­pon­sabilité.
Serigne Saliou
Mbacké FAYE
Etudiant en master II, UGB
Droit de la décentralisation
et gestion des collectivités
territoriales
Gouvernance locale et développement durable