Ne jamais désespérer du genre humain ? O miracle, après plus d’une année et demie d’errances diplomatiques, sous l’ère Yassine Fall, durant laquelle notre pays ramasse des raclées à chaque candidature à l’international, enfin, une lueur d’espoir, sous l’ère Cheikh Niang, diplomate chevronné : la Commission de la Cedeao est confiée au Sénégal qui se fera le devoir d’y nommer un président à la hauteur.
L’heureux impétrant, à Dieu ne plaise, pourrait surgir du vivier phosphorescent des quatre mille cadres de Pastef, les mythiques auteurs du «Projet» fantomatique que l’heureux Victor Ndiaye, depuis son cabinet d’expert, se fait un devoir d’illustrer via un baobab censé bourgeonner jusqu’en 2050…
Pourquoi souriez-vous ? On a une bonne feuille, ou on ne l’a pas…
C’est vrai, juste avant cette fanfaronnade, ça doit, encore une fois, raser les murs face à l’opinion internationale. Yassine Fall, ministre de la Justice, sur ses grands chevaux face aux députés, avec sa proverbiale délicatesse, tance la France. L’Hexagone commettrait le crime abominable de protéger des proscrits, que dis-je, de dangereux prédateurs.
Du haut de notre indiscutable impuissance internationale, que l’on doit à notre indigence économique et notre inexistence martiale, nous allons sévir, dit-elle, en appliquant la réciprocité. En clair, nous garderons au frais les réfugiés criminels français, quitte à leur aménager un pied-à-terre à Saly, qui leur fournira, pour ne pas les énerver et éviter de leur inspirer quelque idée de crimes sordides, en plus des petits fours et autres gâteries gustatives, jusqu’à des masseuses glamour façon Sweet Beauté Spa.
Notre sécurité serait à ce prix…
Le cas Doro Guèye relève du menu fretin, sans doute, puisque sa demande d’extradition ne soulève jusque-là jamais la moindre indignation, ni même un soupir de désappointement.
Mais Madiambal Diagne, quand même, c’est du lourd…
A son passif, le limogeage de pontes de la police, l’arrestation de ses deux fils, de sa femme et de son «marabout», l’interpellation musclée de deux journalistes qui ont l’outrecuidance de lui tendre le micro, avec menace de suspension de leurs fréquences…
Et, en bonus, un incident diplomatique qui voit la ministre de la Justice, Yassine Fall, toujours elle, menacer de représailles la France devant les députés.
Ce sont carrément les Assises qui attendent Madiambal de pied ferme ?
La réponse à la saillie de la ministre de la Justice viendra de l’ambassadrice de France, qui se fera le devoir d’expliquer doctement que son pays reste dans le strict respect des accords qui nous lient depuis Mathusalem -j’exagère- et que le Sénégal n’a juste qu’à fournir les compléments d’informations requis. Tout en précisant que le temps de la Justice, qui n’est pas celui des urgences politiciennes ni des rancœurs personnelles, pourrait dépasser le seuil de leur tolérance.
La douche froide apparemment, contraint le ministère de la Justice à se fendre d’un communiqué pour non pas justifier l’agacement de Yassine Fall, mais la posture de l’Etat du Sénégal dans cette affaire qui vire à la tragédie grecque.
Trêve de pinailleries : l’actualité brûlante est ailleurs.
Le président de la République, après mûres réflexions, se dit qu’il est sans doute temps de visiter l’arrière-pays, le fief de ce peuple qui lui accorde aveuglément ses voix le 24 mars 2024, parmi une vingtaine de candidats plus ou moins rompus aux tâches de la République, alors que lui-même, heureux élu, sort tout juste de prison et n’a que «Mahaza» comme programme à proposer. Ce sont 54% des électeurs, même si l’on ne peut pas jurer que la lumière soit leur loi.
Pause pipi.
Du 20 au 25 décembre 2025, donc, Bassirou Diomaye Faye sera, tournée économique oblige, en Casamance, le fief «du meilleur Premier ministre de tous les temps» à ses heures perdues, devenu, entre-temps, son premier opposant.
Rester numéro un, quelle que soit la posture, ce doit être jouissif ?
Mieux vaut tard que jamais… A la place du Sénégal profond, la première «tournée économique» du président de la République, pardon, du tandem «Diomaye môy Sonko» fraîchement élu, sera réservée aux chantiers sur la Corniche dakaroise qui seront arrêtés d’autorité, avant les lotissements de Thiès dont les bénéficiaires, la plupart des notables du régime défunt, sont soupçonnés de prévarications.
Avant même que les 46% de tocards qui n’ont pas voté pour «Diomaye môy Sonko» ne se remettent des fortes émotions de cette tournée dévastatrice pour les Btp, entre deux beaux voyages dans les pays nouvellement fréquentables, le président de la République lance l’hallali contre cet agrégat de corrompus, comprenez les patrons de presse, qui abusent du talent des jeunes reporters. Pour bien marquer le coup, le chef de l’Etat porte au pinacle les lanceurs d’alerte auxquels une loi est dédiée, tandis que les influenceurs remplacent les journalistes durant les voyages officiels.
Survient, cerise sur le gâteau, la dissolution du Conseil économique, social et environnemental, ouf, où devraient siéger les ténors de la Société civile, celle-là même qui, au nom du devoir de redevabilité, surveille la gouvernance de la République. Bien sûr, c’est un machin coûteux, que discréditent les quotas du Président.
Le temple de la vie active rasé d’un trait de plume par décret sous les vivats des lanceurs d’alerte assoiffés de misères… Les patronats, de la finance à l’industrie, les professions libérales, du notariat à l’artisan, les acteurs de la vie sociale, depuis les stars de la culture jusqu’aux champions du sport, et sans doute d’autres anonymes de notre si oublieuse société, tout ce beau monde est l’objet de mépris des nouveaux maîtres du pays.
Le bébé sera jeté avec l’eau du bain. C’est alors cela, la rupture systémique : distribuer équitablement la pauvreté…
C’était avant que le doute ne s’installe entre le Président et son Premier ministre, lequel, en dépit d’une condamnation pour diffamation qui l’exclut pour la prochaine Présidentielle, lance l’assaut en direction de 2029, réclamant à ses ouailles un million de militants actifs, comprenez cinq millions d’électeurs.
Pour dire le vrai, depuis les Législatives de novembre 2024, qui voient Pastef supplanter la Coalition Diomaye Président dans les urnes, il y a comme un froid qui devient de plus en plus glacial…
La tournée économique présidentielle à Noël, en Casamance, le fief de son Premier ministre, dont les habitants attendent des miracles, c’est une tentative de remontada ?
C’est sans doute là que peut se dénouer la tragédie de cette triste comédie «Diomaye môy Sonko».