Lomé – Réunion annuelle du partenariat de Ouagadougou : Les menaces sur la Pf en Afrique de l’Ouest


A l’occasion de la Rapo 2025 qui se tient à Lomé, une étude du Centre africain de recherche sur la population et la santé (Aphrc) révèle que les taux d’abandon de la contraception, atteignant jusqu’à 63% dans certains pays, plombent l’efficacité des investissements nationaux. Alors que le financement domestique est au cœur des débats, la lutte contre l’arrêt des méthodes modernes devient un impératif économique et sanitaire.
Par Alioune Badara CISS – «Chaque interruption de traitement est un investissement qui part en fumée.» Le message porté par le Centre africain pour la recherche sur la population et la santé (Aphrc), lors du panel sur la discontinuité contraceptive, a résonné comme une alerte majeure pour cette 14ème Réunion annuelle du partenariat de Ouagadougou (Rapo). Sous le thème de l’accélération du financement domestique des Droits en santé sexuelle et reproductive (Dssr), l’étude démontre que l’Afrique de l’Ouest ne pourra atteindre une autonomie sanitaire tant qu’elle ne colmatera pas la brèche des abandons contraceptifs.
Un constat alarmant jusqu’à 60% d’abandon
Malgré une hausse de la Prévalence contraceptive moderne (Cpr) dépassant désormais les 20 à 30% au Sénégal, au Burkina Faso et au Ghana, la région fait face à une fuite massive d’utilisatrices. Selon Dr Ronald Karnamura, chercheur à l’Aphrc, les statistiques du programme Countdown 2030 sont sans appel : «le taux d’abandon dans les 12 mois suivant le début d’une méthode atteint des sommets en Guinée (63%), au Nigeria (39%) et au Ghana (38%). A l’inverse, le Burkina Faso fait figure de bon élève avec seulement 23% de discontinuité», révèle-t-il. Cette instabilité a un coût financier direct. Pour les Etats, cela signifie des consultations à répétition, un gaspillage de produits et une inefficacité logistique qui pèsent sur des budgets déjà fragiles.
Les effets secondaires et les normes sociales, les verrous à faire sauter
Pourquoi les femmes arrêtent-elles ? L’étude identifie les effets secondaires comme la cause majeure de rupture de parcours. Mais au-delà de l’aspect clinique, le panel a mis l’accent sur le poids des normes sociales.
Komi Awenu d’Afrobaromètre a présenté des données révélatrices sur l’autonomie des femmes. Si 75% des citoyens sondés estiment que les femmes devraient décider elles-mêmes du nombre d’enfants, la réalité du terrain est plus complexe. «En Côte d’Ivoire, 81% approuvent l’accès aux contraceptifs quel que soit le statut matrimonial, contre seulement 12% en Mauritanie. Les données ne prennent tout leur sens que lorsqu’on les lie aux dynamiques sociales et au pouvoir décisionnel des femmes», a souligné M. Awenu durant la session.
Le gouffre des inégalités de financement
Le cœur du problème reste la faiblesse et l’inégalité du financement domestique. L’étude de l’Aphrc révèle un fossé abyssal entre les pays : «la Côte d’Ivoire investit 5, 04 dollars Us par femme en âge de procréer. La Sierra Leone ferme la marche avec seulement 0, 15 $, tandis que la Mauritanie et le Burkina Faso affichent des lignes budgétaires nationales proches de 0% pour l’achat des produits», a souligné cette étude.
Vers une stratégie de «financement intelligent»
Pour les experts, la solution ne réside pas seulement dans le plus d’argent, mais dans le mieux investir. La réduction de la discontinuité est présentée comme une stratégie de rentabilité pure. «L’Aphrc vise à éclairer les politiques dans les choix stratégiques. Le renforcement de la continuité est une stratégie économique», ont affirmé les présentateurs. Ainsi, la priorité doit désormais aller aux méthodes à longue durée comme les implants et Diu, qui affichent des taux d’abandon inférieurs à 25%, contrairement aux pilules et injectables, plus coûteux sur le long terme car plus souvent abandonnés.
Face à cette situation, trois recommandations clés sont sorties de ce panel de la Rapo 2025 : «institutionnaliser des fonds nationaux pérennes pour ne plus dépendre à 90% de l’aide extérieure. Miser sur ces méthodes pour leur haute rentabilité et leur stabilité d’utilisation. Et investir massivement dans le conseil et le suivi pour éviter que les patientes ne quittent le système de santé dès le premier inconfort», disent-ils.
abciss@lequotidien.sn



