Pour sauver la planification familiale en Afrique de l’Ouest : Le défi de transformer les données en investissements


Réunis lors de la Rencontre annuelle du partenariat de Ouagadougou (Rapo 2025), experts, chercheurs et décideurs ont tiré la sonnette d’alarme sur le taux élevé d’abandon des méthodes contraceptives. Entre enjeux de financement domestique et réalités socioculturelles, le panel a tracé la feuille de route d’une transition vers des systèmes de santé plus résilients.
Par Alioune Badara CISS – L’urgence de la continuité contraceptive est réelle. Le diagnostic du Dr Yohannes Dibaba Wado, chercheur à l’Aphrc, est sans appel : «Nous n’avons peut-être pas le luxe de la discontinuité dans les années à venir.» Si l’accès à la contraception progresse en Afrique de l’Ouest, un phénomène menace de fragiliser ces acquis : la discontinuité contraceptive.
Les chiffres présentés lors du panel technique sont saisissants. Le taux d’abandon varie de 1% à 60% selon les pays. Ce fossé traduit une réalité complexe où s’entremêlent les ruptures de stocks récurrentes, la gestion insuffisante des effets secondaires, les barrières financières persistantes.
Pour le Dr Wado, la discontinuité est un «problème grave» qui alimente les grossesses non désirées, pesant ainsi lourdement sur les budgets de santé publique. La solution ? Améliorer la qualité du conseil. «Ces causes sont évitables et prévisibles», martèle-t-il, appelant à une meilleure formation des agents de santé.
Vers un financement souverain et durable
Le financement reste le nerf de la guerre. Face à la réduction de l’aide internationale, l’Oms Afro, représentée par Mme Sophie Faye, prône une intégration systémique : «Il ne faudrait pas qu’on fasse l’erreur de mettre de l’argent pas durable dans des choses importantes.» L’objectif est clair : la Planification familiale (Pf) doit être inscrite aux budgets nationaux, au même titre que les soins de santé primaires.
Le Pr Vincent Pitché a rappelé l’exemple de la lutte contre le Vih. Après les crises d’approvisionnement de 2007, le Togo a sécurisé un budget exclusif pour les Antirétroviraux (Arv). Un modèle de financement domestique jugé parfaitement transposable à la Pf.
Briser les tabous et impliquer les hommes
Le panel a également souligné que la technique ne suffit pas sans une transformation sociale. Le Dr Joseph Asunka d’Afrobaromètre a relevé des contrastes frappants : si l’autonomisation des femmes est soutenue à 70% au Togo, elle se heurte à de fortes résistances en Mauritanie.
Martin Migombano, de la Fondation Gates, a pointé un levier essentiel : l’implication masculine. «Le rôle des hommes dans la prise de décision est un gros goulot d’étranglement», admet-il. Pour y remédier, la fondation explore des pistes innovantes, notamment l’usage de l’Intelligence artificielle pour optimiser la chaîne d’approvisionnement et réduire les coûts des implants.
Le défi de l’équité : le cas critique du Mali
La question de l’équité géographique a été portée par le Dr Ben Moulay Idriss. Dans les zones de conflit au Mali, le recouvrement des coûts devient une barrière infranchissable. «On ne peut pas travailler sur le recouvrement de coûts dans une zone de guerre», a-t-il prévenu. Il plaide pour une gratuité réelle et des espaces dédiés aux jeunes, qui ne représentent actuellement que 17% des usagers des structures de santé maliennes.
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