Poursuivis pour les délits de destruction involontaire d’un billet de banque de 5 mille franc Cfa ayant cours légal et complicité, Kémi Séba et Alioune Iba Abitalib Sow ont obtenu la relaxe.
C’était le jugement le plus attendu. Le procès de l’activiste français était l’attraction du Palais de justice Lat-Dior, en particulier la salle des Flagrants délits, prise d’assaut dès les premières heures de la matinée par les souteneurs de Stellio Gilles Robert Capo Chichi plus connu sous le nom de Kémi Séba, un impénitent hâbleur et pourfendeur du franc Cfa. Le jugement de cette affaire, qui a duré des heures, a été rythmé par quelques temps forts. D’abord, l’expulsion de la salle des enfants du prévenu, qui étaient en compagnie de leur maman, Etuma Séba. Elle s’est habillée, en rouge sans doute, une façon pour elle d’extérioriser le mal qu’elle ressent dans son for intérieur. «Ils sont venus suivre l’affaire de leur père», rétorque-t-elle au juge qui avait ordonné l’évacuation des mineurs de la salle d’audience.
Comme chaque matin, le Tribunal a d’abord procédé à la lecture des délibérés des affaires précédentes, ensuite à la mise en état des dossiers du jour. On appelle affaire après affaire, toujours pas le nom de celui qui a mobilisé la presse au Palais de justice. Les minutes s’égrènent, après quelques affaires vidées, une pause de quelques minutes est observée. «Asseyez-vous! L’audience reprend ses droits», signale le président au retour. A peine son nom prononcé, Kémi Séba quitte le box des accusés pour rejoindre la barre. Il lève une main en direction de ses nombreux inconditionnels et parents. «Nous ne sommes pas dans une salle de spectacle», tonne le président de séance, qui décide de classer le dossier en fin de rôle.
C’est à 14 heures passées de quelques minutes que Kémi Séba et son co-inculpé, Alioune Iba Abitalib Sow, ont fait face au Tribunal pour répondre du délit de destruction involontaire d’un billet de banque de 5 mille francs Cfa ayant cours légal contre le premier et complicité contre le second. A l’interrogatoire, le prévenu le plus célèbre du jour, renseigne qu’il est marié et père de trois enfants. Condamné deux fois en France mais jamais en Afrique, ajoute-t-il. «Est-ce que vous reconnaissiez les faits», lui demande le juge ? «Oui, je reconnais les faits», répond-il. Dans le même sillage, il blanchit son complice. Il dit l’avoir envoyé à la boutique pour acheter un briquet afin d’accomplir son acte mais que celui-ci ignorait ce qu’il préparait. Ces propos sont corroborés par M. Sow. Quel était l’objet de la manifestation organisée le jour des faits à la place de l’Obélisque ? Et quelle était votre intention en brûlant le billet de banque ? A ces questions des avocats, Kémi Séba explique : «C’était un rassemblement contre la Franceafrique dans le but d’aborder la question du Franc Cfa et de la souveraineté de l’Afrique.» Parce que, dit-il, la France a des représentants dans les conseils d’administration des Banques centrales de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale. Lesquels, dit-il, ont un droit de veto. Il entonne : «Mon acte était symbolique. Je l’ai fait pour alerter l’opinion et non pour manquer de respect à qui que ce soit.»
Dés que ces mots sont sortis de la bouche de celui qui se réclame panafricaniste, le public a applaudi comme dans une salle de cinéma. L’ordre a été donné aux gendarmes d’évacuer la salle. Chose faite à l’exception des journalistes, la femme de Kémi, Seydi Gassama d’Amnesty international. Pour Me Abdoulaye Sarr, l’avocat de la Bceao, qui s’est constituée partie civile, «l’acte posé par Kémi Séba est un acte d’impolitesse, d’indiscipline et qui est inadmissible». La Banque a demandé à ce que le franc symbolique lui soit alloué. Le procureur a ordonné la relaxe de Alioune Iba Abitalib Sow et il a requis 3 mois avec sursis contre l’activiste. La défense a plaidé à titre principal la relaxe et à titre subsidiaire l’application extrêmement bienveillante de la loi pénale. Le Tribunal les a finalement tous relaxés.
msakine@lequotidien.sn