L’identité culturelle dans les cinémas africains est une thématique très actuelle. Puisque notre cinéma doit être un cinéma de culture, un cinéma de civilisation. C’est en ce sens qu’un colloque s’est ouvert à Khouribga (Maroc) pour permettre aux acteurs du monde du 7e art de dire ou de redire que «si le cinéma africain existe, c’est qu’il existe une certaine identité culturelle qu’il véhicule». C’est aussi l’occasion, pour eux, d’analyser et voir si cette identité véhiculée dans le cinéma correspond à la réalité. Car, dit-on bien souvent, «il n’existe pas de cinéma neutre».

Identité africaine dans le cinéma. C’est le thème du colloque qui a réuni les acteurs du 7e art pour l’édition 2017 du Festival du cinéma africain de Khouribga. Selon Nour Eddine Saïl, ce débat sur la question identitaire devrait permettre de repenser cette quête de l’identité à travers un cinéma africain ou une écriture cinématographique qui ambitionne de corriger ou de rectifier le regard de l’Africain sur l’Autre et le regard de l’Autre sur l’Africain. Le président du Fcak a affirmé, en ouvrant ce colloque, que ce thème est «lourd» et peut entraîner des dérapages. «L’identité, c’est comment être soi, comment s’identifier à un film, comment un film peut-il dire son identité…», a mentionné Nour Eddine Saïl, jetant ainsi quelques pistes de réflexion. Non sans souligner l’intérêt qu’accordent les Peuples du monde entier à ce concept d’identité.
Le réalisateur burkinabè, Gaston Kaboré, invité à plancher sur la thématique, a dans un premier temps, dit ce qui est ou n’est pas l’identité. Pour lui, l’identité c’est n’est pas quelque chose de statique. «L’identité, ce n’est pas non plus quelque chose qui relève du passé, quelque chose qui nous permet d’exclure les autres de notre sphère ou quelque chose qui nous permet d’être sûrs de nous-mêmes», a-t-il avancé, ajoutant que «l’identité n’est pas une forme de logiciel ou une puce qui est en nous et qui nous permet de nous identifier à nous-mêmes». Pour M. Kaboré, il n’y a aucune équation qui pourrait définir une identité. «Plus on est enracinés, plus on est enclins à s’ouvrir à l’Autre», explique-t-il, faisant allusion à ses films pour en venir à l’idée que «identité» est égale à une «quête», «une dynamique» et que c’est ce qui nous entraîne vers notre devenir.
«Nous devons essayer de ressembler à ce qui nous correspond de meilleur. Le cinéma est un véhicule important qui porte nos regards et nos sensibilités. Nous sommes en permanence l’écho de nous-mêmes», a poursuivi Gaston Kaboré qui en veut pour preuve l’exemple du Maroc, qui a su braver les frontières naturelles du Sahara pour renouer avec l’autre grande partie de l’Afrique. C’est pour lui, une façon de dire que «l’identité est une notion permanente et que nous partageons tous une seule et même race humaine, malgré nos singularités».
Le réalisateur Farid Boughédir n’a d’ailleurs pas manqué de rebondir sur ce regard de son collègue du Burkina, pour rappeler à l’assistance un fait qu’il a vécu au «pays des Hommes intègres». C’était lors de la présentation du premier film burkinabè, Le sang des parias, du regretté réalisateur Mamadou Djim Koala et qui a été projeté au Fespaco en 1973. «La salle était remplie et le public a suivi le film avec une vive émotion, pour la simple raison que le film était réalisé en moré, un dialecte burkinabè», a noté Boughédir, qui dit avoir compris à travers ce fait, que «le cinéma doit produire ce qu’il voit». Et que «ce jour-là, les cinéphiles Burkinabè ont retrouvé leur identité».

S’enraciner dans son identité tout en s’ouvrant aux autres
Le réalisateur Férid Boughedir, qui est aussi historien, a profité de la tribune qui lui est offerte pour faire une comparaison entre «le cinéma-mensonge» qu’il qualifie de «cinéma de propagande» et le «cinéma vérité» qui, pour lui, est un «cinéma de lumière». A l’en croire, c’est depuis les années 60 que le cinéma africain, qui était un cinéma de réaction, s’est trouvé confronté au «cinéma colonial» et c’est ce qui fait encore qu’aujourd’hui ce cinéma se trouve confronté au «cinéma commercial» ou «cinéma de mensonge». Une façon, tente-t-il de faire comprendre, en soulignant que le rôle identitaire du cinéma africain a dévié vers un rôle effet-miroir qui tend vers le mélodrame, le cinéma de divertissement. M. Boughedir précise d’ailleurs le fond de sa pensée en affirmant haut et fort que «si le cinéma africain est né dans une base économique colonisée, son cheminement a été maintenu en perfusion grâce à l’argent de l’Occident et il est resté donc tributaire du soutien occidental». « Les cinéastes au début de leur carrière commencent par montrer ce que leur Peuple doit voir, mais ils finissent toujours par montrer ce que l’Europe veut bien qu’on fasse voir aux peuples», a-t-il justement conclu.
L’écrivain et poète sénégalais, Amadou Lamine Sall, invité pour la première fois à participer à ce festival, a lui, après avoir exprimé tout son amour pour le Maroc qu’il avait connu grâce au Président Senghor, mis l’accent sur ce qu’il considère comme les deux missions essentielles du cinéma africain, à savoir : le devoir d’être lui-même et le devoir d’accéder à l’universel. «Nous sommes tous des Africains qui ont été déformés par le temps, mais nous n’avons pas de complexes avec l’Occident ou le cinéma du monde. Et si la culture n’est que l’entêtement de vivre, chaque homme doit garder son identité tout en s’ouvrant aux autres cultures», a défendu Amadou Lamine Sall. Selon lui, «l’essentiel n’est pas dans l’identité». Le plus important, dira-t-il, «c’est que les cinémas africains portent le rêve de leur Peuple sur fond d’un cinéma qui réveille les consciences». «Le cinéma africain ne peut-être un cinéma à part et ne doit être assigné à résidence, il doit être un cinéma universel, compris et qui véhicule des valeurs comprises et acceptées», a prêché Amadou Lamine Sall. Et pour conclure, le président de Maison africaine de la poésie internationale (Mapi) d’inviter à ce que chacun garde son identité. «Si chacun de nous, nous ne gardons pas notre identité, nous n’aurons rien à partager avec les autres», précise-t-il, ajoutant que «nous devons toujours, dans cette quête identitaire, nous ouvrir aux autres».