59 ans après l’idée agitée par les pères du cinéma africain, la création d’une cinémathèque, qui sera le lieu de mémoire et de l’avenir du cinéma tunisien et partant africain, voit enfin le jour. En marge de la 28e édition des Journées cinématographiques de Carthage, une convention de partenariat a été signée entre la cinémathèque qui siègera à la Cité de la culture de Tunis et la Bibliothèque nationale de Tunisie (Bnt) qui, informe-t-on, dans le cadre de ce projet, apportera un appui logistique pour assurer la conservation et le traitement des films. C’est donc la Bibliothèque nationale de Tunis qui assurera la conservation et la sauvegarde du patrimoine cinématographique. Aussi, ce protocole d’accord a-t-il été signé par Chiraz Latiri et Raja Ben Slama respectivement directrices du Centre national du cinéma et de l’image et de la Bibliothèque nationale de Tunisie (Bnt). Une occasion pour les autorités de présenter la ligne éditoriale de la Cinémathèque tunisienne ainsi que son programme d’action.
«C’est un grand jour pour les cinéastes et pour le cinéma tunisien. C’est un moment de bonheur qu’on attendait depuis 60 ans», a déclaré, lors d’une Conférence de presse à Tunis, Hichem Ben Ammar, directeur artistique de la cinémathèque tunisienne. Cette institution, malgré ses moyens financiers «modestes», «va nous permettre d’agir maintenant pour sauvegarder les films et préserver la mémoire», s’est-il réjoui, après avoir dans une communication, détaillé l’ensemble des étapes parcourues par ce projet depuis l’ère coloniale jusqu’à aujourd’hui. Il a notamment présenté les axes du projet, le plan d’action et le programme de collecte et les partenariats en vue pour assurer la restauration et la numérisation des œuvres.
De son côté, le cinéaste et non moins conseiller artistique à la Cinémathèque tunisienne, Mohamed Challouf, a expliqué que cette «cinémathèque ne doit pas être uniquement composée de films tunisiens, mais aussi de films des cinémas du Sud». A ce propos, il renseigne que plusieurs films sénégalais sont en voie d’être restaurés pour faire partie de la collection qui sera disponible dans la cinémathèque. C’est le cas par exemple du chef d’œuvre de Sembène Ousmane intitulé Camp de Thiaroye et qui a été produit par trois pays du Sud : Le Sénégal, la Tunisie et l’Algérie.
M. Challouf a également considéré que cette «cinémathèque va changer progressivement notre rapport avec le patrimoine et influencer positivement notre éducation à l’image». Un avis que partagent tous les réalisateurs présents à Carthage. M. Ben Ammar, également réalisateur et producteur, a lui aussi indiqué que cette cinémathèque «va permettre aux jeunes de s’approprier la mémoire et de connaître les films du passé pour avoir des repères», et aux cinéastes de «définir (…) leur écriture par rapport aux films du passé».
Présent à cette conférence, Férid Boughedir, l’un des plus représentatifs réalisateurs tunisiens, a lui, souligné que «nous ne pouvons pas construire un cinéma tunisien si on ignore ce qui a été fait» avant de conclure que cette cinémathèque «va donner des armes aux jeunes pour construire à partir (…) de tout ce qui a été fait».
Il faut savoir enfin que l’idée de la création d’une fédération des centres arabes du cinéma et de l’image, qui jouit déjà d’un avis favorable de la tutelle et bénéficie de l’adhésion de principe de la Tunisie, du Maroc, de l’Egypte et de l’Algérie, a été agitée durant cette rencontre organisée à l’hôtel Majestic de Tunis. Un grand projet qui va incontestablement marquer un tournant dans l’histoire de l’audiovisuel et de l’image en Tunisie particulièrement et en Afrique de façon générale.