Sur les traces de Paulin Soumanou Vieyra à Carthage, le 21 novembre 1978 : «C’est dans sa langue que le réalisateur peut faire un bon film»

«Le wolof n’est pas une langue à grande diffusion, mais il est parlé à peu près dans tout le Sénégal. Je pense que c’est dans sa langue que le réalisateur peut faire un bon film. Pour l’aspect culturel, esthétique, artistique, les cinéastes doivent faire un effort d’autant plus que nous avons cette oralité qui permet de toucher plus directement et plus profondément les gens. La littérature n’y a pas réussi, étant obligée de passer par le canal d’une langue étrangère, le français, le portugais, l’espagnol ou l’anglais… le cinéma africain peut dépasser ces langues. D’une façon générale, on s’est aperçu qu’une certaine authenticité se dégage du film lorsqu’il parle une langue nationale sous-titrée en tout ce qu’on veut. La langue conditionne tout, même la mise en scène. Pour l’aspect commercial, on part effectivement du principe qu’un film national est destiné en premier lieu aux nationaux, mais on dit : si on fait le film en langue africaine, il ne pourra pas être diffusé, on le fait donc en français ! Au Sénégal, quelqu’un fait un film en français, cela a été le cas au début, et il y a 20% de Sénégalais qui le comprennent. Mais si on fait le film en wolof, on peut toucher un public potentiel de 80% de Sénégalais et ce public, sollicité par la langue comme par un attrait supplémentaire, peut rentabiliser le film au Sénégal.»