THIES – Absence totale d’infrastructures de base : Keur Mame El Hadji à l’abandon

Le premier foyer religieux de la région de Thiès, Keur Mame El Hadji, sanctuaire islamique de la famille Ndiéguène, serait-il déconnecté du reste du monde ? En tout cas, c’est ce qui semble apparaitre à travers le cri du cœur des petits-fils du vénéré Tafsir Ahmadou Baro Ndiéguène, qui répondent en chœur par l’affirmative. Les descendants du saint homme dénoncent un retard dans le développement et l’oubli dont leur quartier est victime. Ils interpellent les autorités compétentes sur l’urgence d’une prise en charge effective de leurs revendications.
Considérée comme l’une des plus vieilles cités religieuses du Sénégal, Keur Mame El Hadji reste «tristement déficitaire en termes d’infrastructures». Ce constat, qui émane des petits-fils de Tafsir Ahmadou Baro Ndiéguène, a été fait à l’occasion d’un symposium tenu dans le cadre des préparatifs de la 132e édition du Gamou annuel de ce célèbre foyer religieux prévu dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2017. Pis, regrette Serigne Sidy Ndiéguène, président de la Commission scientifique du Khadara de El Hadji Baro Ndiéguène, «depuis deux ans, l’Ageroute ne fait pas le travail qui lui est assigné à Keur Mame El Hadji. Il y a quelques années, l’agence avait construit une route, mais cette infrastructure nous cause aujourd’hui beaucoup de problèmes pendant l’hivernage. Il y a des inondations partout dans le quartier». Le petit-fils de Tafsir Ahmadou Baro Ndiéguène perd son latin lorsqu’il s’agit de s’épancher sur les problèmes d’assainissement du quartier. «Cette question est notre maladie. Le quartier ne bénéficie pas des branchements de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas), alors que Keur Mame El Hadji est le quartier le plus proche du centre-ville de Thiès. Egalement, c’est un quartier centenaire. Ces problèmes devraient donc être solutionnés depuis longtemps. Nous déplorons cet état de fait et sollicitons des solutions à ces problèmes le plus rapidement possible.» Dr Abdoulaye Idrissa Dièye renchérit : «Keur Mame El Hadji est une aire qui ne grandit pas. L’espace ne croît pas mais toutefois les âmes sont en train de se multiplier. C’est-à-dire qu’à chaque année, on note une augmentation de la population dans ce quartier, ce qui, à long terme, va entrainer des problèmes d’urbanisation, d’assainissement, de salubrité et même de sécurité.» Le professeur d’université et petit-fils de Tafsir Ahmadou Baro Ndiéguène pense que Keur Mame El Hadji mérite d’avoir un système de salubrité, d’urbanisation et de construction de routes. Il rappelle que «c’est le plus vieux quartier de la région de Thiès d’autant que le plus vieux imam et prédicateur de l’islam de la région de Thiès en est le fondateur. Lequel avait accueilli Seydi El Hadji Malick Sy lors de son tout premier voyage à Thiès. Aussi, tous les vénérés grands hommes de Dieu de la Nation y ont séjourné». Il constate que «les âmes augmentent mais, par contre, les infrastructures ne suivent pas, et on sait très bien qu’il y a une corrélation extrêmement forte entre mauvaises conditions d’hygiène et multiplication des maladies». Toutes raisons qui motivent l’appel de Keur Mame El Hadji aux autorités. «Nous voulons qu’elles nous aident dans la construction d’infrastructures de qualité au niveau de notre quartier. Ceci est fondamental parce que l’islam va avec la décence morale et temporelle. L’islam c’est l’unification, la réconciliation entre le temporel et le spirituel, et sans les infrastructures qui donnent le sens, aucune vie en société n’aura de sens», dit-il.
Revenant sur le thème du symposium : «Education, islam et aliénation culturelle, 132e édition du Gamou», Adama Guèye, membre du Comité scientifique du Maouloud de Keur Mame El Hadji, indique que «c’est un sujet pertinent et actuel parce que nous avons remarqué que les jeunes d’aujourd’hui sont en proie à une grosse distraction compte tenu de l’intrusion des pratiques occidentales». Il dit avoir compris que «nous avons tout intérêt à reprendre cette jeunesse et à l’inscrire dans ce qui constitue nos véritables valeurs religieuses». C’est en ce sens, souligne-t-il, qu’a été «initié ce symposium». Avant de faire un amer constat : «L’aliénation culturelle est aujourd’hui une réalité dans notre société. Très peu de parents sont satisfaits de l’accoutrement, de l’état d’esprit de leurs enfants. C’est pourquoi nous devons faire l’effort de reprendre cette jeunesse, de l’imprégner davantage de ces valeurs religieuses afin qu’elle soit plus forte de son identité culturelle.» Dr Abdoulaye Idrissa Dièye ne manque pas d’enseigner que «la réflexion est le premier niveau de l’action. Et étant donné que nous sommes en mondialisation, qui est synonyme d’interconnexion, d’harmonisation et d’uniformisation, il est important de mettre l’accent sur la communication, parce qu’elle a une dimension fondamentale. Qui communique dissipe les flous, les incompréhensions et autres malentendus». Toute raison, selon le professeur d’université, qui motive le choix du thème de ce symposium pour mettre l’accent sur la «communication religieuse» et la «transmission des fondamentaux de l’islam». Pour avoir cru qu’«on ne parle pas assez du Prophète Mouhamed (Psl), Meilleure créature» où «on parle mal de lui», c’est-à-dire, précise-t-il, «on met l’accent sur le projet de société temporel qu’il a mis en exergue et qu’il a véhiculé», l’universitaire de conclure qu’«il nous faut passer donc à une explication des fondamentaux».
Baptême de l’Ut au nom du fondateur de Keur Mame El Hadji
Le baptême de l’Université de Thiès (Ut) au nom du fondateur de Keur Mame El Hadji Tafsir Ahmadou Baro Ndiéguène, est une très forte demande de la famille Ndiéguène de Thiès. Selon Docteur Abdoulaye Idrissa Dièye, petit-fils du saint homme, «notre vénéré grand père le mérite». Parce que, fera-t-il noter, «quand vous allez à Kaolack, le plus vieux prédicateur de l’islam de la ville du Saloum s’appelle Serigne Abdoulaye Niass, qui est le père de Cheikh Ibrahima Niass, et l’université de la place porte son nom. Donc Tafsir Ahmadou Baro Ndiéguène qui est le plus âgé des chefs religieux, qui est un trésor, mérite plus qu’une simple appellation. Il mérite que son projet de société, son vécu, soient transmis aux générations futures. C’est la raison pour laquelle, en donnant à l’université de Thiès le nom de Tafsir Ahmadou Baro Ndiéguène, on ne fait que rendre ce qui appartient à ce saint homme». Il fera remarquer : «L’hôpital régional El Hadji Amadou Sakhir Ndiéguène est entretenu, aidé, soutenu par la famille et l’université aura droit au même traitement.» Et d’en appeler à «la sage conscience du président de la République Macky Sall de donner à l’université de Thiès le nom de Tafsir Ahmadou Baro Ndiéguène, ce que réclame toute la famille». Adama Guèye, membre du comité scientifique du Maouloud lui, insiste sur le fait que le baptême de l’Ut au nom du fondateur de Keur Mame El Hadji «aiderait les jeunes étudiants à connaitre son œuvre». Car, souligne-t-il, «ce qui manque à notre système éducatif, c’est la promotion de l’œuvre de nos érudits spirituels».
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