Le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, est passé hier à l’Assemblée pour le vote de son budget, qui passe de 36 420 305 700 F Cfa à 39 416 629 480 F Cfa, soit une hausse de 8,24%. Avant le vote, les députés l’ont interpellé sur plusieurs questions relatives à la situation en milieu carcéral, la situation difficile des ressortissants sénégalais détenus dans les prisons à l’étranger, les dysfonctionnements liés aux services municipaux quant à la tenue des registres d’état civil, le déficit de personnel…
Outre le cas Khalifa Sall, les députés ont longuement épilogué sur la situation des détenus lors du passage du ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, devant le Parlement. «M. le ministre, nous allons mettre l’accent sur le surpeuplement de la prison de Kaolack qui a comme résultat la promiscuité qui favorise les abus sexuels, l’homosexualité et les viols dans les milieux carcérale», a dit Adji Mbergane Kanouté. Dans leur prise de parole, ses autres camarades de la majorité présidentielle comme de l’opposition, lui ont emboîté le pas. Ayant effectué une visite dans les prisons, le ministre de la Justice a pu constater le surpeuplement carcéral de lui-même. C’est d’ailleurs «la principale récrimination des détenus», a-t-il reconnu. «L’engorgement des établissements a été accentué par la loi qui a criminalisé le trafic de drogue, sans aucune distinction du degré du trafic ou de l’importance de la quantité. A la date du 30 octobre 2017, on dénombrait 10 313 pensionnaires dans 37 établissements pénitentiaires du Sénégal», explique-t-il, chiffres à l’appui. Des chiffres corroborés par les statistiques pénitentiaires, qui indiquent en outre que les détentions entre 1 et 30 jours est de 41%. Soit 1700 détenus, entre 6 mois et 3 ans de 1457 détenus, de 3 à 6 ans de 176 détenus et de plus de 6 ans de 138 détenus.
Fort de ce constat, le ministre a promis de rendre plus «supportable» le séjour des prisonniers dans les centres pénitentiaires. «Sur les prisons, le mot d’ordre du président de la République est très simple. Il a dit il faut changer le visage des prisons, il faut humaniser la vie carcérale, il faut que nos concitoyens qui sont en conflit avec la loi et qui se retrouvent privés de leur liberté, vivent dans des conditions dignes et décentes», rapporte-t-il avec l’assurance que «ce n’est pas de la théorie !». L’ambition est, selon le ministre, d’atténuer le surpeuplement carcéral, en construisant une nouvelle prison de 1500 places à Sébikotane, ajoutant à cela un plan de construction de chambres supplémentaires dans tous les établissements pénitentiaires du Sénégal. «Tous les 37 établissements pénitentiaires du Sénégal seront réhabilités en 2018. De même la prime de prise en charge de chaque détenu passe de 1000 F Cfa à 1035 F Cfa en 2018», a soutenu Ismaïla Madior Fall. Pour ce qui est de la situation difficile des ressortissants sénégalais détenus dans les prisons à l’étranger, soulevée par des députés de la Diaspora, le ministre a rassuré que cette question «préoccupe» les autorités. «Mais seule une convention judicaire entre Etats permet le transfèrement de prisonniers», a-t-il fait savoir. Promettant par ailleurs, la tenue d’audiences foraines plus périodiquement pour régler les manquements notés au niveau des états civils. Sensibilisant toutefois les parents à déclarer leurs enfants dès la naissance et les collectivités locales à jouer pleinement leur rôle.
Ismaïla Madior Fall : «Le ministère de Justice n’a aucune influence sur les magistrats du siège»
Le ministère de la Justice ne peut avoir aucun moyen d’influencer les magistrats du siège, a assuré, dimanche, le ministre de la Justice, Pr Ismaïla Madior Fall. «J’aimerais vous rassurer : il ne faut pas donner trop de pouvoir au ministre de la Justice (…). Le ministère de la Justice ne peut avoir aucune influence juridique sur les magistrats du siège», a-t-il dit, à l’Assemblée nationale lors de l’examen du budget de son département. «Aucun ministre de la Justice ne peut manipuler un juge du siège», a insisté le ministre de la Justice, réfutant les allégations du député du groupe parlementaire des Libéraux (opposition), Mamadou Lamine Diallo, qualifiant le Sénégal de «dictature». «N’utilisons pas des mots qui ne sont pas appropriés. Ne parlons pas de dictature dans un pays où il y a une respiration démocratique. Il y a des insuffisances, aucune démocratie n’est parfaite. Identifions les insuffisances, accordons-nous, construisons des consensus pour améliorer notre démocratie», a incité Ismaïla Madior Fall.
Pour le ministre de la Justice, professeur agrégé de Droit constitutionnel, il «n’y a plus de dictature en Afrique au sens rigoureux du terme». Les interpellations des députés ont tourné autour de la «suppression du ministère de la Justice», de la «tenue des audiences foraines», de «l’affaire du maire de Dakar Khalifa Sall», des «infrastructures judiciaires et leur équipement», entre autres.
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