Pour la première fois depuis 10 ans, l’Université Gaston Berger de Saint-Louis ne proposera pas de Master II en réalisation de documentaires de création. La suppression de la subvention allouée par la région Auvergne Rhône Alpes, passée sous la houlette de Laurent Wauquiez, est venue s’ajouter à des lenteurs administratives sénégalaises pour sceller le sort de l’école de cinéma de Saint-Louis.
Pour la première fois depuis 10 ans, l’Université Gaston Berger de Saint-Louis ne connaîtra pas une rentrée de jeunes cinéastes documentaristes. En effet, la suppression des fonds alloués à l’association Africadoc par la région Auvergne Rhône Alpes a eu pour conséquence direct l’arrêt de cette formation. «Le master vivait grâce à un financement de la région Auvergne Rhône Alpes. Et depuis quelques années, les financements se sont effrités avec le changement de direction politique. La région est passée à droite. Du coup, après être passées à la moitié, les subventions ont été complètement coupées», explique le coordonnateur du Master, M. Mamadou Sellou Diallo. En effet, l’arrivée à la tête de cette région du désormais nouveau président du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, a sonné le glas des subventions qui faisaient vivre le Master. Ce que regrette Jean François Hautin d’Africadoc. «Il y a des gens qui ne comprennent pas qu’il faut s’ouvrir au monde, faire participer le monde à l’évolution de la culture, de la pensée, des rencontres. Et montrer une autre Afrique que celle que l’on voit dans les télévisions», dit-il.
Cette année 2018 se fera sans le Master Documentaire à l’Ugb. Mais la faute en incombe également à une certaine lourdeur administrative qui a retardé la prise de décision. Selon M. Diallo, un rapport sur la question a été déposé sur la table du recteur de l’Ugb depuis belle lurette sans résultat. De même, la direction de la Cinématographie n’a pas encore paraphé la convention devant la lier au master. Ce qui explique cette année de rupture. «Depuis le début, il était question de trouver des financements sénégalais pour pérenniser le master, mais cela n’a jamais pu se faire. La convention avec le ministère de la Culture n’a jamais rien donné. On a travaillé avec la direction de la Cinématographie, mais il ne restait en fait que la signature. Et je ne peux pas dire pourquoi cela n’a pas été fait. On attend jusqu’à présent. Mais cette convention nous aurait permis d’avoir un financement du ministère de la Culture nous permettant de continuer encore un certain nombre d’années. L’autonomisation du master dépend beaucoup des autorités sénégalaises», explique M. Diallo.
Pour pouvoir reprendre le master dès la prochaine rentrée, la coordination et Africadoc multiplient les pistes pour trouver des financements complémentaires. «Nous espérons que nous trouverons d’autres partenaires sénégalais aux ministères de la Culture, de l’Enseignement supérieur et dans le monde», explique M. Hutin. «Etant coordonnateur du master, j’ai monté un dossier pour le Fonds de soutien à l’industrie cinématographique (Fopica) qui a lancé un appel à candidatures sur la formation. J’ai monté aussi des dossiers de financement avec des partenaires. Mais nous cherchons aussi du côté de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa). Et j’avais fait un rapport qui attend toujours l’aval du recteur pour que cette année au moins nous puissions continuer avec les propres moyens de l’université», dit Mamadou Sellou Diallo.
80 étudiants formés en cinéma en 10 ans
Depuis dix ans qu’il existe, le Master de réalisation de documentaires de création de l’Ugb a formé près de 80 étudiants dont une quarantaine ont par la suite réalisé des films. Le master a également permis la réalisation d’une centaine de films sur la ville de Saint-Louis et sur sa région. «Il faut impérativement que ce master soit sauvé parce que c’est la première grande école de cinéma documentaire en Afrique, et qu’aujourd’hui beaucoup de réalisateurs africains qui se font distinguer dans les festivals sont formés à Gaston Berger et par ce master. Si cela s’arrêtait, c’est une invention extraordinaire de l’université sénégalaise qui s’effondrerait. Et ce serait regrettable», plaide M. Diallo.
mamewoury@lequotidien.sn