Avec le développement des Tic et l’accroissement de la demande en matière d’éducation au plan universel, la Formation à distance (Fad) est parvenue à séduire des pays comme le nôtre, après s’être bien implantée dans ceux du Nord. Dans cette optique, le Sénégal, dont la fiabilité du système éducatif et l’expertise de ses enseignants-chercheurs sont reconnues partout dans le monde, devrait se mouvoir avec plus d’audace dans cette dynamique. Au vu des performances de certaines plateformes, à la Fastef ou à l’Ebad par exemple, et après la création d’une Université virtuelle (Uvs), je pense que l’on pourrait adopter à bon escient la Fad (1) dans l’une des composantes de l’Ucad, la Flsh, une faculté que j’ai fréquentée comme étudiant pour tous les cycles et, pendant quelque temps, comme vacataire. J’ajoute, de suite, que celle-ci est confrontée jusqu’à présent à de sérieux problèmes d’effectifs et d’encadrement.
Il faut préciser, dès le départ, que l’introduction d’une forme d’enseignement à distance dans le milieu universitaire que j’ai choisi ne pourra pas se faire de manière globale et précipitée, ou sans précaution, compte tenu du contexte social et culturel dans lequel nous évoluons. Ainsi, dans une première étape, seuls quelques départements seraient concernés : ceux d’Anglais, de Lettres modernes, d’Histoire et de Langues romanes, où les effectifs dépassent toujours les capacités d’accueil. Dans cette perspective, le modèle organisationnel que j’ai donc retenu est celui de type bimodal centralisé, mais il est évident que l’introduction d’un enseignement à distance, un modèle organisationnel bimodal plus précisément, dans notre milieu universitaire suppose la mise en application simultanée d’un modèle pédagogique. Dans cet ordre d’idées, je vais m’atteler à décrire le modèle pédagogique qui serait, opportunément et convenablement, introduit.
Je peux dire d’emblée que celui appelé académique devrait être pris en compte, ne serait-ce que pour une phase initiale d’orientation. Je reste convaincu que ce modèle, une fois introduit dans le système traditionnel en vigueur dans l’institution en question, n’y engendrerait aucun dysfonctionnement. A ce propos, je constate que la vision académique est fortement ancrée dans notre culture et que, pendant longtemps, elle fut presque l’unique façon d’y aborder l’éducation. Privilégier, en conséquence, le modèle académique permettrait de greffer aisément un type d’enseignement à distance au système universitaire qui prévaut dans la composante, objet de mon étude. Dans la mise en application dudit modèle, les enseignants, concepteurs de cours, vont travailler en étroite collaboration avec quelques techniciens, au sein de l’équipe qui sera formée à cet effet. Le rôle de celle-ci consistera à élaborer tout le matériel didactique par lequel on proposera les connaissances à apprendre. Cependant, l’autorité de l’enseignant sera toujours préservée : «Il demeure l’ultime responsable, l’ultime décideur face à la planification et à l’organisation de l’enseignement, face au choix et à la mise en forme des contenus.»(2) La validité de l’acte pédagogique incombera en totalité à l’enseignant.
Aussi les enseignants, chargés de la conception des cours, seront-ils choisis parmi les professeurs ou maîtres de conférences, titulaires ou assimilés, qui confieront les tâches de tutorat à des assistants. Les tuteurs que l’on désignera apporteront un soutien motivationnel ou méthodique aux étudiants. Ils pourront être en contact, à des moments déterminés, avec ces étudiants, quel que soit le lieu où se trouveront ces derniers sur l’étendue du territoire. Ils se déplaceront également, de temps en temps, dans les capitales régionales pour organiser des séances d’entretien sur place avec leurs étudiants.
Pour l’apprentissage, l’étudiant aura à sa disposition du matériel didactique (tapuscrits, cours en ligne) dans lequel les enseignants auront exposé les connaissances à assimiler. Durant la période des examens de fin d’année, des centres seront ouverts à l’intérieur du pays. A cette occasion, ils seront supervisés par un ou deux assistants-tuteurs. Et je répète que ce modèle académique s’insérerait harmonieusement dans le système de formation en vigueur au sein de l’institution en question. Mieux, il permettrait de répondre à des besoins sociaux, tout en ne mobilisant pas des moyens considérables. En plus, une manière d’accroître l’accessibilité aux études supérieures serait ainsi trouvée. N’oublions pas surtout que beaucoup d’étudiants, issus des zones rurales du pays, qui sont orientés à l’Ucad sans obtenir une bourse, finissent par abandonner leurs études et même par retourner chez eux à cause des conditions d’existence très pénibles dans la capitale. D’autres étudiants, des citadins, obligés d’exercer un emploi permanent ou à temps partiel, pourraient s’inscrire par le biais du modèle d’enseignement que j’ai proposé.
Il intéresserait dans ces conditions des personnes âgées, ayant le complexe d’aller poursuivre leurs études à l’université en même temps que des jeunes qui pourraient être leurs fils ou petits-fils. Je peux parler ici de la possibilité de supprimer des barrières sociales et d’ordre psychologique pour permettre à des catégories de personnes d’accéder à un niveau très élevé de la formation. D’ailleurs, comme le souligne un spécialiste de la Fad, P. Guillemet, l’objectif de la formation à distance «est toujours quantitatif et correspond à la recherche de l’équité dans le traitement réservé à diverses catégories de clientèles…»(3)
Il convient, par-dessus tout, d’évoquer la notion d’accessibilité-qualité dans la mesure où les enseignants qui s’impliqueront dans cette formation feront partie des professeurs chevronnés, habitués à dispenser des cours magistraux. Ce serait, sans aucun doute, un facteur qui garantirait en partie un taux de réussite satisfaisant. En outre, ce modèle de formation présenterait particulièrement des avantages au plan financier, car la nécessité de construire sans tarder beaucoup plus d’amphithéâtres, bien équipés, s’imposerait à nous avec moins d’acuité, ainsi que celle de recruter annuellement un nombre plus élevé d’enseignants-chercheurs. Dans la même veine, les heures de travail des professeurs, consacrées à l’équipe pédagogique, seront comptabilisées comme des heures complémentaires. L’unité pédagogique aura un local dans l’un des bâtiments de ladite faculté. Le personnel technique qui intégrera l’équipe pédagogique y travaillera en permanence. Il y aura aussi une collaboration entre l’équipe pédagogique et le Service de la scolarité, en charge des inscriptions de tous les étudiants et de l’organisation matérielle des examens.
En dernière analyse, j’affirme que le modèle, privilégié dans mon texte, aurait l’avantage de concilier deux objectifs fondamentaux en rapport avec la formation à distance : la visée humaniste et la préoccupation économique. Néanmoins, pour que ce modèle gagne ses lettres de noblesse dans notre système universitaire, de gros efforts devront, en sus de la qualité des cours, être faits en ce qui concerne l’efficacité dans la mise en forme du matériel didactique destiné aux étudiants et la diligence pour l’encadrement à distance ou le tutorat. Alors, une fois le défi de la crédibilité relevé et ce premier pari gagné, le modèle de formation que je viens d’expliquer pourrait être étendu à tous les départements de la Flsh/Ucad et même à d’autres composantes de cette université. Il arrivera, peut-être, un mo­ment où les possibilités d’utiliser des technologies lourdes et onéreuses nous seront offertes dans le cadre de regroupements ou de réseaux. Mais il faudra, avant tout, que la formation à distance, conçue dès le début sur un modèle qui tient compte de notre vision académique actuelle, parvienne à se développer et à s’imposer dans l’enseignement universitaire public du Sénégal.
Proposition réactualisée à partir de l’un de mes travaux, durant une formation de formateur à distance, ex-Caerenad (Ens)/Télé-université du Qué­bec, en 2002
France, Henri, 1993, Les modèles pédagogiques en Fad, Sainte-Foy, Télé-université du Québec
Guillemet, Patrick, 1989, La problématique de la Fad, Sainte-Foy, Télé-université du Québec

Badiallo dit Boucounta BA Formateur de professeurs et d’inspecteurs de l’Enseignement moyen/secondaire Ancien Chef du Département de Didactique des Langues romanes à la Fastef/Ucad