PLUS LOIN AVEC… Abdoulaye Cissé, président de la Convention régionale de la jeunesse de Kolda : «Rien n’a été fait pour arrêter cette hémorragie forestière»
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Le trafic de bois fait l’actualité avec le massacre de 13 jeunes dans la forêt de Bofa. Et en marge de la célébration de la Journée de l’élevage le 23 décembre dernier, le président de la Convention régionale de la jeunesse de Kolda dénonçait cette pratique qui ne profite pas à sa région. Abdoulaye Cissé dénonce la détresse des jeunes qui sont sans emploi et tire sur le bilan du maire Abdoulaye Bibi Baldé et de Macky Sall lui-même
Quelles sont les relations entre le maire de Kolda et la jeunesse ?
Les relations ne sont pas bonnes. Cela est surtout motivé par le comportement de l’édile de la ville Bibi Baldé. Il manifeste un mépris total à l’encontre des jeunes de sa commune. Voilà un maire qui bat le record d’absentéisme et qui n’a aucune vision. Les lampes ne sont allumées que pour tromper, que pour la visite du chef de l’Etat dans le cadre de la Journée de l’élevage. Il n’a pas d’autres choses à proposer aux jeunes que de déplacer El Hadj Diouf, Pape Diouf et autres. La préoccupation majeure des jeunes de Kolda est de trouver de l’emploi. J’ai vu un jeune conducteur de Jakarta brandir son Dea. C’est une situation qui peut pousser les jeunes à tenter l’émigration clandestine.
Qu’est-ce qui est en train d’être fait dans ce sens pour les retenir ?
Kolda est une grande région de départ pour l’émigration. Maintenant, en tant que responsable, nous ne pouvons que les sensibiliser sur les dangers de ce phénomène. Mais là encore, quand vous demandez à un jeune de ne pas emprunter le chemin tortueux et périlleux de l’émigration, il faut avoir quelque chose à lui proposer à la place. Or, il n’y a aucun projet concret à cet effet à Kolda. Les programmes comme l’Anej, le Papej, l’Anida avec leurs procédures très lourdes ne règlent pas le problème. Beaucoup de jeunes de la région ont soumissionné à des projets, mais tardent à entrer dans leur fonds. Je ne suis pas cependant d’accord avec ceux qui classent Kolda parmi les régions les plus pauvres. C’est plutôt une région très riche, mais qui ne sent pas la présence de l’Etat.
Qu’est-ce qu’il faut pour changer cette donne ?
Il faut un plan Marshall pour sortir cette région de l’ornière. L’émergence tant chantée se limite au Palais, au Building administratif et autres. C’est pourquoi le chef de l’Etat, qui cristallisait l’espoir des jeunes, doit comprendre que cet espoir a été transformé en une tragédie. Ce que l’ancien ministre de la Jeunesse, Mame Mbaye Niang, lui avait proposé n’était pas une politique à même de sortir la jeunesse de ce marasme économique et social. On nous demande d’aller dans les Domaines agricoles communautaires (Dac) sans des mesures d’accompagnement conséquentes. Je pense que c’est impensable.
Pourtant, le gouvernement a déclaré 2018 comme une année d’emploi pour les jeunes…
Je n’y crois pas. Ce que le gouvernement n’a pas pu régler depuis cinq ans, il ne peut le faire à la veille d’une élection présidentielle. Le chef de l’Etat s’est déplacé à Kolda en Père Noël avec une mallette de promesses. Quand même, le Président Macky Sall avait tenu un Conseil ministériel décentralisé à Kolda avec 204 milliards. Rien n’a été fait. On ne parle désormais que d’autoroutes parce que certaines zones ont dépassé les routes. Mais ici, on ne pense même pas encore à des routes. A Madina Yéro Foula par exemple, le Président avait promis dans sa matrice d’actions la boucle du Mif. C’est plutôt une route latéritique dans un département, donc sans un seul mètre de goudron.
Est-ce à dire que Kolda ne profite pas de ses ressources forestières ?
Aucune politique pouvant aider les populations à transformer ces potentialités n’existe. Vous prenez les ressources forestières, Kolda est la région la plus exploitée dans ce trafic du bois entre la Gambie et le Sénégal. D’ailleurs, on ne cesse de nous poser des questions par rapport à la transaction issue de ce trafic transfrontalier. Le bois est exploité frauduleusement dans la forêt. Les trafiquants le transportent jusqu’en Gambie. Le bois transite par une institution gambienne qui est le port de Banjul sous la barbe et le nez des autorités sénégalaises. Qu’est-ce qui a été fait pour arrêter cette hémorragie forestière ? Rien. Kolda a été transformée en une mine à ciel ouvert. Les gens viennent exploiter comme ils veulent nos ressources pour nous plonger dans une situation pareille. Quand on parle de changement climatique, nous sommes des victimes. Aujourd’hui, nous subissons des inondations, une baisse du rendement agricole, un taux de mortalité élevé de notre cheptel. Je vois mal comment on peut revenir pour fêter la Journée nationale de l’élevage axée sur le vol de bétail. Nos braves éleveurs n’ont pas la possibilité de s’acheter des aliments de bétail. Le cheptel est nourri essentiellement à partir du tapis herbacé. On assiste à un appauvrissement progressif de nos sols cultivables.
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