Les conséquences économiques de Monsieur Churchill. C’était le titre du pamphlet du Pr Keynes publié en mai 1925 pour denoncer les consquences de l’amateurisme de Churchill, chanclier de l’Echiquier (ministre des Finances) sur l’économie britanique. Certes Churchill a été le plus grand homme d’Etat britanique, mais il a été un piètre chancelier de l’Echiquier et le reconnaîtra en avouant : «Si seulement les hauts fonctionnaires du Tresor étaient des généraux ou des amiraux. Je parle leur langue. Ces types-là (Ces fonctionnaires du Trésor), c’est comme s’ils parlent chinois. Je n’y comprends rien.» Les relations internationales semblent etre aussi du chinois pour Donald Trump, car il n’y comprend rien et s’arme de l’audace de l’ignorant en lieu et place de la sagesse de Churchill qui reconnut ses limites. La politique internationale, ce n’est pas du business ni des deals. C’est pourquoi il est grand temps de réflechir sur les conséquences internationales de Trump sur la politique extérieure américaine.
Depuis la chute de l’Urss, le déclin est la hantise de tous les Think tanks américains. Trump va être un tournant. L’Amérique est en train de passer de «Phare» de la démocratie et de la liberté à la risée du monde. Thomas Jefferson, le rédacteur de la Déclaration d’indépendance et 3e Président, pensait que la République américaine devait être «un monument et un exemple pour tous les pays du monde». C’est cet exceptionalisme qui explique le caractère missionnaire de la politique extérieure, fondée sur la défense de ces valeurs et non sur la permanence de la défense de l’intérêt national, comme le montre l’histoire de la Grande Bretagne. Les croisades pour ces valeurs (Démocratie, libertés et Droit international) com­me lors des deux guerres mondiales, avec les idéalismes de Wilson et Roosevelt, et la guerre froide, légitimaient la posture d’America first, parce que l’Amérique justifait son engagement par le principe et non par l’intérêt, par le droit et non par la force. C’était Ame­rica first, mais sur le plan moral, mais pas pour un égoisme économique ou par arrogance.
Cet exceptionalisme américain qui remonte à Jefferson, et renforcé par de grands Présidents comme Wilson et Roosevelt, et qui avait fait des Etats-Unis le monument, le phare, le leader du monde libre, a été tué par Georges Bush fils (Guerre illégale d’Irak) et est en train d’être enterré par Trump. Une grande page de l’histoire de ce grand pays (la seule République née pour défendre l’idée de liberté) est en train de se fermer. Avec les excès de Trump, les Etats-Unis sont en train passer de l’hyperpuissance à une puissance relative, une puissance comme une autre. Ce sera la principale conséquence internationale de Trump : transformer la puissance américaine en tigre de papier. L’Amérique est encore first, mais elle n’a plus la suprématie, même plus en Occident chez ses alliés. Elle ne fait plus peur au Moyen Orient, n’inspire plus la crainte en Amérique latine et n’attire plus le respect en Asie ni la fascination en Afrique.
Sur la question de Jérusalem, la constante de la politique extérieure était de s’en tenir au droit international, mais vers cet «Orient compliqué», Trump a debarqué comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec des idées simples. Trump a décrété que Jérusalem est la capitale d’Israël. A part le Honduras, aucun pays ne l’a suivi. Il en est de même pour l’accord sur le climat de Paris, quand la France, une puissance moyenne, profite du vide pour jouer le rôle de grand. Cette banalisation de la puisssance américaine est la plus grande atteinte à la securité nationale de Etats-Unis. La même chose est valable sur la question des sanctions contre l’Iran. Rien que pour se demarquer de Obama qui l’obsède et le hante, Trump a voulu déchirer l’accord sur le nucléaire iranien. Il ne sera suivi par aucun de ses alliés. C’est une première dans l’histoire des Etats-Unis. Consé­quence : l’ignorance et l’unilatéralisme de Trump profitent au régime des ayatollahs qui doivent remercier Allah d’avoir Trump comme épouvantail.
Quand les Iraniens, de façon spontannée et légitime, descendent dans la rue pour exiger un recentrage des priorités sur l’économie et non plus les guerres extérieures (Syrie, Yémen et Hezbollah), Trump par ignorance casse le mouvement par un tweet. L’Iran est tellement nationaliste que le tweet de soutien de Trump aux manifestants les a complément discrédités. Le tweet de Trump et les commentaires de Netanyahu ont été plus efficaces pour cas­ser le mouvement que les Gardiens de la révolution. Les ayatollahs comme la Russie doivent prier le ciel pour que Trump reste le plus longtemps possible au pouvoir. Kim Jong un de Corée du Nord doit aussi formuler la même prière. Kim Jong un est un dictateur, et la peur est le moteur de la dictature. Il a besoin de la surenchère nucléaire pour créer une peur permanente chez lui et empêcher son peuple de s’intéresser à la situation économique catastrophique du pays. Il ne pouvait avoir de meilleur allié que Trump dans sa quête de danger permanent pour une peur permanente. Obama, qui avait compris son jeu, avait developpé le concept de patience stratégique pour empêcher Kim d’avoir un épouvantail et focaliser ainsi le débat sur la question interne. Trump est aussi dangereux que le Président de la Corée du Nord quand il ouvre la boîte de Pandore de Jérusalem et menace ceux qui accourent pour refermer la boîte. La boîte de Pandore de Jérusalem cause déjà des morts, ce qui n’est pas la cas en Corée du Nord, parce que le pyromane de Pyong Yang ne franchira jamais le Rubicon, car son pays sera rayé de la carte.
On qualifie souvent le Président de Etats-Unis d’hom­me le plus puissant du monde. Aujourd’hui, l’homme le plus puissant du monde est le Président Poutine qui s’ingère dans les élections américaines et est devenu de fait le maître du Moyen Orient. Trump vient de faire un bilan de santé. Il est en pleine forme sur le plan physique, mais on ne peut pas en dire autant sur le plan mental. Il est obsédé par Obama et cette obsession va le perdre. Il n’a d’autre ambition que de déconstruire et d’effacer Obama (Accord sur le climat, accord avec l’Iran, patience stratégique avec la Corée du Nord, statut quo sur Jérusalem). Le fait même de qualifier les pays africains de merde résulte de cette obsession. En convoquant l’ambassadeur des Etats-Unis pour protester, le Sénégal, pays de la négritude, tient son rang car, comme disait Jefferson, «pour les questions de style, nage avec le courant ; sur les questions de principe, sois solide comme un roc». Condamner Trump est un principe. Quand on défend un principe, les conséquences deviennent dérisoires. Les Etats-Unis sont en train de se saborder démocratiquement avec Trump. Rome a eu ses empereurs fous comme Caligula, Néron, Domitien, Commode. L’Empire américain vient d’avoir son premier «fou», mais heureusement pour les Américains et le monde, Trump a un contrat à durée déterminée. En tout cas, des travaux d’hercule attendent son successeur, car l’histoire montre que la puissance n’est jamais intermittente. On ne la retrouve jamais quand on la perd (France, Grande Bretagne…). Et les Etats-Unis sont en train de perdre leur rôle et leur rang de superpuissance avec les excès et les folies de Trump. En moins de deux ans, à coup de tweets, Trump a remis en cause l’Alliance atlantique (Merkel pense qu’il est temps que l’Europe songe à prendre en charge sa sécurité), la relation spéciale avec le Royaume Uni, et l’alliance avec le Pakistan, pays qui repose sur 3A (Allah, America, Armée), sabordé l’Alena, remis en cause le Traité transpacifique… Après 4 ans ou 8 ans de téléréalité de Trump, les Etats-Unis seront encore une puissance, mais une simple puissance parmi tant d’autres, car la Chine et la Russie vont naturellement profiter de l’intermède Trump. Quelle tragédie qu’un si grand peuple, qu’un si grand pays, phare de la liberté, de la démocratie, du savoir et des idées, soit dirigé par quelqu’un d’aussi «mal éduqué» !
Yoro DIA
Politologue
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