La confrontation hier entre le Daf de la mairie, Mbaye Touré, et l’ancien percepteur, Mamadou Oumar Bocoum, a été un moment dur pour Khalifa Sall. Le maire de Dakar dit préférer se suicider.
Khalifa Sall était déboussolé dans l’après-midi devant le juge correctionnel du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar. A l’origine, la confrontation entre le Directeur administratif et financier (Daf) de la mairie, Mbaye Touré, et Mamadou Oumar Bocoum qui fut percepteur municipal de Dakar de 2011 à 2015. En effet, le Daf a laissé entendre que tous les acteurs connaissaient la destination finale de ces fonds pour que le même fournisseur, en l’occurrence le Gie Keur Tabara, et le même modus operandi soient utilisés. Et que, d’après toujours le Daf, «le percepteur remettait souvent directement ces fonds politiques» au maire Khalifa Sall. Voilà qui va intriguer le juge Malick Lamotte qui veut en savoir davantage. Alors, il interroge Mamadou Oumar Bocoum qui est resté catégorique. «Je dis non. Je ne suis pas au courant que c’était destiné à des fonds politiques. Et je n’ai jamais remis de l’argent au maire parce que la loi me l’interdit», rejette-t-il. Qui dit alors la vérité entre Touré et Bocoum ? Le président Lamotte sollicite l’arbitrage du maire de Dakar lui-même. Khalifa Sall dit : «Monsieur le président, cette scène est pénible. Ces jeunes-là, j’ai travaillé avec eux. Je n’ai pas besoin de les arbitrer. Je n’ai pas ma place ici. Je préfère me suicider, je suis dégoûté.»
Khalifa Sall : «Je me rends compte aujourd’hui que je ne les connaissais pas. Ils ne sont pas dignes de confiance»
Les instants qui ont suivi, Khalifa Sall s’est dirigé vers son siège. Assis, il est entouré par ses avocats. La scène a duré quelques petites minutes. «Nous ne vous obligeons pas à parler. C’est un droit, ce n’est pas une obligation», lui concède le juge. Reprenant la parole, le maire dira : «Je ne veux pas mentir. Je ne peux pas les arbitrer.» Et Malick Lamotte de notifier que lui et ses assesseurs prennent acte de la décision prise par le prévenu. L’autre percepteur, Ibrahima Touré, qui dit avoir pris fonction en juillet 2015, déclare avoir payé l’argent de la caisse d’avance et non celui destiné à un fonds politique. «Je n’ai jamais payé de l’argent directement au maire», précise-t-il, même si Mbaye Touré, lui, persiste et signe le contraire. «Que répondez-vous aux percepteurs qui parlent de caisse d’avance ?», demande le juge à l’édile de la capitale. «Ce qui me gêne, je ne savais pas que les gens allaient changer à tous points. Je me rends compte aujourd’hui que je ne les connaissais pas. Ils ne sont pas dignes de confiance. S’ils n’osent pas dire la vérité, moi, je ne les arbitre pas», a dit amer Khalifa Sall.
Contradiction entre Mamadou Oumar Bocoum et Mbaye Touré
Poursuivi pour les délits d’association de malfaiteurs, de complicité de détournement de deniers publics et d’escroquerie portant sur 1,830 milliard de F Cfa, le percepteur Mamadou Oumar Bocoum a contesté auparavant les faits qui lui sont reprochés. D’après lui, en ce qui le concerne, il a respecté la réglementation. Autrement dit, selon le comptable public, les mandats de paiement de la municipalité lui ont été présentés avec des pièces justificatives, composées de factures, de procès-verbaux de réception. «Le rôle du comptable public n’est pas de contrôler l’effectivité de la dépense. Il ne lui appartient pas d’aller vérifier la sincérité des pièces fournies», explique-t-il. Il répondait là au juge qui a repris les propos de Mbaye Touré qui soutient que Mamadou Oumar Bocoum savait que «les procès-verbaux de réception étaient juste pour la forme et ne correspondaient pas à la réalité». Parlant de ces documents, Khalifa Sall affirme : «Je n’ai pas signé. Ce sont des visas parce que je ne suis pas membre de la Commission de réception des fournitures.» D’ailleurs, pour le maire, il s’agit de fonds politiques et que «si l’Etat n’était pas d’accord, ce dispositif ne pourrait jamais fonctionner». Quant à son degré d’implication dans la procédure pour le décaissement, il signifiera au Tribunal : «Je ne suis qu’ordonnateur. J’interviens au moment de l’ordonnancement.»
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