Du 21 au 25 février 2018, le Sénégal a abrité la 5ème édition du Festival international soninké (Fiso). Le rendez-vous de Dakar a connu des hauts et des bas. Plusieurs résolutions, dont la tenue de la prochaine édition en Gambie, ont été adoptées à la fin des travaux.
Les rideaux sont tombés sur le Festival international soninké, dimanche dernier avec la finale remportée par Bokidiawe au détriment de Ballou. Cette 5ème édition s’est achevée sur de belles notes. La soirée de clôture, qui a eu lieu le samedi nuit au Cices, a été grandiose. La prestation du ballet du Théâtre national Daniel Sorano a marqué les esprits. En effet, les artistes ont interprété l’histoire de l’empire de Wagadu. C’est la toute-puissance du roi Kaya Manga Cissé qui a été enseignée à la jeune génération. Il était entouré de son protecteur, le Bidda (python), ses officiers et ses éclaireurs. Ebloui par les faits et gestes des acteurs, le public réagissait à chaque fois par des acclamations et des cris de joie. Et les soirées culturelles avec la prestation de différentes troupes venues du Mali, de la Mauritanie, de la Gambie et du Sénégal resteront longtemps gravées dans les mémoires. Sans oublier les sketches joués par les comédiens, et qui ont fait rire plus d’un. Le défilé de mode en tenue traditionnelle de la styliste Coumba Bathily a également séduit les spectateurs.
Mais le rendez-vous de Dakar n’a pas connu que des moments de chants et de danses. Des activités sociales ont été menées au bénéfice des participants. Une consultation médicale gratuite a été organisée, samedi au Cices sous la direction du docteur Sédouma Yatéra, gynécologue à l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye. Au total, ce sont plus de 300 patients qui ont été consultés, dans tous les domaines. Des médicaments ont été distribués sans coûter aucun sou aux malades. Par ailleurs plusieurs conférences en rapport avec le thème général du Fiso, «Wagadou 1er empire ouest-africain, hier, aujourd’hui et demain», ont été animées durant l’évènement.
Membre du comité des sages, Thiondy Mangassouba a livré ses impressions. Pour lui, «dans l’ensemble, ça c’est bien déroulé. Le défi à relever était le défi de l’organisation. Tout ce qui a été plus ou moins programmé a été réalisé. Le mercredi, ça a été l’apothéose. Surtout, c’était rehaussé par la présence du président de la République. Toutes les conférences programmées ont été réalisées à 100%, avec des débats de haut niveau». A côté des soirées culturelles et autres, il y avait aussi une foire.
Vendredi après-midi, au Centre international de commerce extérieur du Sénégal (Cices). Le site grouille de monde. Dans son grand boubou vert, Banta Sakhoné, natif de la Gambie, micro à la main, assure l’ambiance. Il faut se faufiler entre les gens pour se frayer un chemin. Les festivaliers venus des quatre coins du monde font le tour des différents stands. La place d’un couple anglais est l’attraction du jour. Hannah Fielder dit Haja Silla, son nom soninké et son mari, Martyn Fielder, Moussa Jabbi, son nom africain, étaient les stars de la foire. Les gens étaient étonnés de les entendre parler soninké comme leur langue maternelle.
Ils sont venus exposer des livres en langue soninké. «Abcd kitaabe (alphabet soninké), xarankitaabe (livre)» et d’autres ouvrages sont soigneusement rangés sur des tables. Résidant aujourd’hui en France, Haja a appris la langue soninké en Gambie il y a 8 ans. «La langue est la richesse de la culture. Si on ne l’écrit pas, elle va disparaitre», soutient-elle. Membre de la Société internationale de linguistique (Sil), Moussa Jabbi rajoute qu’«il y a trop de langues dans le monde qui ne sont pas écrites. La langue et la culture sont menacées de disparition. Notre but est de développer ces langues-là», dit-il.
La place de «Sissoko Habbatusauda» a aussi drainé du monde. Les visiteurs se bousculaient pour acheter ses produits. Venu de la Gambie, il s’est dit fier de pouvoir servir tout le monde, en particulier sa communauté. Rencontrée à la foire, la dame Khoumba Aly Diawouné nous a raconté le calvaire vécu par la délégation mauritanienne en venant à Dakar. En effet, elle a déploré l’attitude des douaniers sénégalais à l’endroit des membres de l’Association mauritanienne pour la promotion de la langue et de la culture soninké de la République islamique de Mauritanie. Elle n’a pas compris pourquoi, dit-elle, les soldats de l’économie de la brigade de Rosso leur ont réclamé de l’argent pour «excès de bagages» alors qu’ils sont là pour un événement international. Ce qui a fait que, selon elle, la délégation mauritanienne a raté la cérémonie d’ouverture.
Il faut reconnaitre que des impairs ont été notés dans l’organisation. Au Cices par exemple, on voyait des festivaliers qui criaient leur colère en fustigeant les «mauvaises conditions» d’hébergement et de restauration. Un membre de la délégation malienne se plaignait un soir de n’avoir rien mangé depuis le matin. «On ne peut même pas trouver de l’eau à boire», se plaignait une dame. Même lors de l’ouverture au stade Iba Mar Diop, en présence du Président Macky Sall, des manquements avaient été constatés. Des délégations devant défiler sur la pelouse ont été contraintes de se mettre dans les tribunes.
Le député Farba Ngom, désigné au micro central à la dernière minute, a surpris plus d’un. Son acte a été vu comme une sorte de campagne déguisée, voire une opération de charme à l’endroit de la communauté soninké en direction de la Présidentielle de 2019. Parce que d’autres que lui pouvaient faire ce travail.
Au terme des travaux, des résolutions ont été adoptées. Il y a entre autres, la désignation de la Gambie comme pays organisateur de la 6ème édition prévue en 2020, la coordination ou création d’une structure permettant la coordination des activités des différentes associations nationales. Avoir un siège social fixé à Bamako au Mali avec des démembrements dans chaque pays, créer une fondation dénommée «Mama Dinka» à but non lucratif dont «l’objectif est d’accompagner les sollicitations de la communauté». Mais aussi la création d’une académie unique de la communauté soninké, basée en Gambie, qui aura pour objectif d’approfondir la langue soninké, d’uniformiser la transcription de la langue par une démarche concertée, élaborer des dictionnaires soninké concertés en arabe, en anglais, en français et autres langues nationales.