L’Association Babacar et Bénita, créée à la suite du drame né d’un incendie à la Médina avec la mort de 9 enfants talibés, prend en charge 23 enfants issus d’un «daara» sis à Colobane, mais des difficultés immenses.

Dans son visage qui accuse le poids de l’âge se lit une fougue d’enfance à accomplir sa mission. André Lambert, président de l’Association Babacar et Bénita, se bat pour retirer les enfants de la rue. Tout commence le 3 mars 2013 à la suite du drame de la Médina où 9 talibés, brûlés vif par des flammes de gaz, rendaient la vie, provoquant ainsi l’émoi national. Depuis 2014, ce retraité de la Gendarmerie française commémore au cimetière musulman de Yoff cette sombre histoire. Dans le calme, triste et funèbre qui prévaut dans ce sanctuaire de morts, samedi dernier, moins de 10 personnes entourent une tombe carrelée en vert et blanc avec la récitation de versets du Coran.
Sur la surface de la tombe arrosée de coquillages en dessous d’un arbre asséché par l’hiver, la lecture de la stèle perfore les corps les moins sensibles et remplit les cœurs de chagrin : «A la mémoire des 9 talibés de la Médina tombés le 3 mars 2013». Au loin, des groupes d’attristés enterrent leurs morts. «Depuis quatre ans, je me bats pour qu’on ne martyrise plus les enfants. Cette cérémonie est organisée pour dire aux enfants qu’on ne les oublie pas», explique M. Lambert, 69 ans, la voix cassée par la vieillesse. Cette association veut se différencier des autres qui portent ce même combat de retrait des enfants de la rue. «Beaucoup en parlent, d’autres trouvent que ce n’est pas normal, mais je ne vois aucune amélioration si ce n’est une amplification», déplore le sexagénaire dont le gestuel montre une passion à trouver des solutions définitives à ce phénomène.

«Certaines associations exploitent les daaras»
Et dans cette mission, il a décidé de se donner les moyens de ses ambitions, car après avoir été reçu par le Premier ministre et le ministre de la Bonne gouvernance et de la protection de l’enfance, il y a quelques jours, André Lambert affiche son optimisme. «Je suis persuadé que cette année des milliers d’enfants seront retirés de la rue. Je fais le pari, je suis prêt à relever ce défi, car je sais où je vais», assure-t-il, le ton ferme. Avec sa pension, André Lambert parvient à aider des enfants déshérités. «Il mérite le soutien de tous les partenaires. Il y a beaucoup d’associations de Sénégalais qui prétendent soutenir les daaras alors qu’il n’en est rien. Au contraire, elles exploitent ces daaras et ces enfants de la rue. Mais avec l’association de M. Lambert, on a signé un contrat. Il se débrouille tout seul pour nous donner à manger. Les enfants ne mendient plus», se réjouit Moha­med Lô, maître coranique dans l’école Serigne Ousmane Lô de Colobane. Au final, 23 enfants de ce daara vivent aujourd’hui mieux grâce aux efforts du vétéran français.
Sur la politique des autorités sénégalaises dans ce domaine, André Lambert estime que «l’Etat affiche de la bonne volonté». Cependant, il appelle les autorités à le soutenir dans ce combat. «Notre association ne demande pas d’argent pour se mettre plein les poches. On veut donner du travail aux femmes, aux handicapés qui vont être rémunérés. Nous allons récolter des fonds pour pouvoir sortir les enfants de la rue. Les enfants vont rester au daara pour pouvoir étudier le Coran, le français et les mathématiques. C’est un droit pour ces enfants», dit-il.
En attendant le 9 mai prochain, au Grand Théâtre national, l’association va organiser une campagne de collecte de fonds au cours de laquelle sera allumée une flamme. «Pour que cette flamme ne s’éteigne pas, je propose que sociétés, industries, commerces, artisans, boutiquiers… nous apportent quelques litres de combustible. La contribution pourra être apportée dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises sous forme matérielle, humaine et non financière. L’argent n’est pas notre priorité. Nous saurons le retrouver en exploitant les richesses de la terre et de la nature», conclut-il.
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