«Le monde ne vaut que par les extrêmes et ne dure que par les moyens», Paul Valéry
«Nous ne serons jamais d’accord, donc faisons-nous la guerre maintenant !» serait sans nul doute et tout bien considéré la formule littéraire de la stratégie Poutine, un homme extrêmement réaliste, dangereusement réaliste pour l’Occident qu’il comprend parfaitement, dont il a étudié l’Adn culturel avec la minutie de l’entomologiste. Il n’y a que l’Afrique qui croit à la paix éternelle avec l’Occident qui se trouve au Nord, précisément une erreur de direction très symptomatique. Quant à la Russie orthodoxe, elle n’a pas les mêmes références que le catholicisme tropical des Africains. L’Occident ne comprendra jamais l’Orient dans sa totalité, cette Russie orientale au-delà de l’Oural, qui a vu se jeter toutes les Armées napoléoniennes et plus tard hitlériennes, pour venir avaler l’ogre russe. Impossible ! Elles ont toutes échoué en voulant traverser cette grande plaine qui est le ventre mou géographique du pays de Vladimir Vladimirovitch Poutine. C’est pourquoi la Russie ne lâchera jamais la grande plaine de la Crimée. Pourquoi l’Occident s’accroche-t-il à cette province russe ? Tout est là.
Il n’est pas bête, Vladimir Poutine. Il savait qu’un jour ou l’autre il y aurait le type de réactions que l’on constate ces derniers jours, l’expulsion massive de diplomates russes, d’abord en Grande-Bretagne, ensuite aux Usa, en Ukraine, en Allemagne, en Belgique et par l’Otan. Les choses iront crescendo, mais ils n’oseront pas toucher à l’argent russe qui se trouve à la City à Londres. Leur capitalisme en a rudement besoin, à cause de la crise économique et financière qu’ils tentent d’escamoter à force de chiffres et de contorsions intellectuelles.
Mais il ne fait pas bon d’être opposant au très populaire Vladimir Poutine. Son pays n’a que faire de la démocratie qui est devenue l’instrument mortel pour détruire les Etats opposants et les zones émergentes qui sont des menaces futures. Cependant, on n’a pas forcément besoin de dictature pour faire front à la démocratie libérale. La plupart des opposants de Vladimir Poutine, qu’ils soient politiques ou journalistes, ont raison à bien des égards. Mais leur raison est capturée, volée et dénaturée par l’Occident qui ne peut pas la fermer, se tenir tranquille et laisser aux autres la liberté d’inventer un destin politique. L’Occident a une expérience ancestrale de l’hégémonie. Ses menées impériales, jusque dans sa manière de coopérer, sont humiliantes pour les autres. Même un ami honteux comme l’Egyptien Al Sissi l’a compris, lui qui s’est allié avec les salafistes conservateurs qui eux aussi ont un projet politique. Ceux qui commettent l’erreur de suivre l’Occident jusqu’au bout de l’amitié n’ont rien compris. Ce sont des imbéciles heureux. L’Occident a le complexe du dépouillement. Il vous demandera de tout laisser tomber, jusqu’à votre nom, vous reprochera même d’être le fils de votre père. Il ne soutient que ceux qui disent intelligemment du mal de leur propre culture. Beaucoup d’écrivains, de cinéastes et autres organisations de la société civile sont dans le programme de l’auto-dénigrement. Ils sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis.
Lors de la prochaine Coupe du monde de football, l’Occident et sa province mondiale verront défiler la civilisation russe, l’âme russe à travers les figures tutélaires de Lev Yachine (le plus grand gardien de but de tous les temps devant l’anglais Gordon Banks et Maier, le chat allemand) et son héritier Rinat Dassaev, Alexei Mihailitchenko. Les œuvres scientifiques de Dimitri Mendeleïev avec son tableau de classification des éléments, les grands musiciens classiques Moussogorski, Stravinski et les écrivains, les plus grands qui ont inspiré l’Occident, Léon Tolstoï, Fiodor Dostoïevski, Gogol, Pouchkine, Tourgueniev, Vladimir Maïakovski, Nina Berberova, Alexander Soljenitsyne et les grands souverains Pierre le grand, Alexandre 1er, la reine Catherine. Tout cela, personne n’en veut en Occident, surtout en Angleterre dont l’échevelé ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, a comparé «la Coupe du monde de Poutine» aux Jeux olympiques de 1930. Une injure et un affront à la Russie qui a connu la grande invasion hitlérienne qui a fait plus de vingt millions de morts. N’eussent été Staline et Churchill, Hitler aurait conquis le monde.
Mais alors, tous ces empoisonnements d’opposants et d’anciens espions sont des casus belli pour l’Occident, des actes de guerre froide, dont les commanditaires ont suffisamment réfléchi sur les conséquences diplomatiques. Ils ne veulent pas d’une certaine paix avec l’Occident. Ils veulent éviter le baiser mortel de l’Occident politique. Il y a suffisamment de nationalisme et d’amour patriotique en Russie pour mécontenter même les «pro-occidentaux» après ces humiliantes et massives expulsions de diplomates. Les Russes qui déplacent les pions sur l’échiquier l’ont voulu ainsi. Même les partisans du rapprochement avec l’Occident vont être gênés par ces pratiques diplomatiques guerrières. Vladimir Poutine ferait un champion d’échec. A long terme, il sait que «le monde ne vaut que par les extrêmes et ne dure que par les moyens». Il sait que dans le futur, ce sont les données civilisationnelles qui seront déterminantes. Il y aura un combat historique entre l’esprit et la matière. Ces faits ne sont que les prémisses politiques des événements à venir.
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