La fermeture du campus social de l’Université Cheikh Anta Diop perturbe les étudiants qui n’ont pas encore fini leurs examens. Malgré les complaintes, ils sont obligés de se plier à la décision entrée en vigueur hier.

Par Badé SECK

Khady Fall et Oumy Ba, respectivement étudiantes en Licence 2 au département d’anglais et de géographie de la Faculté des lettres et sciences humaines, dévalent les escaliers du pavillon Q, sacs et valises entre les mains, rangent timidement leurs bagages dans un taxi qui doit les convoyer à Guédiawaye. A l’Université Cheikh Anta Diop, un calme inhabituel règne dans les lieux en cette matinée de jeudi. Sur l’allée qui mène vers la grande mosquée de l’université, un vent glacial né des fortes précipitations qui se sont abattues dans la nuit du mercredi au jeudi caresse les visages. Ce décor est violé par le ronronnement des moteurs de véhicule et les va-et-vient des étudiants installent la rue dans un vacarme électrique.
Des étudiants qui pressent le pas, pour la plupart vers la grande porte. Sacs et valises en mains, l’heure de la fermeture du campus social a sonné. Au seuil des locaux du service social, une affiche d’une feuille blanche de format A4 attire l’attention. Sur laquelle on peut lire : «Il est porté à la connaissance des étudiants et étudiantes que la date de fermeture définitive des cités universitaires au titre de l’année académique 2017-2018 est fixée au vendredi 31 août 2018 à 18 heures.»
L’information répandue comme une traînée de poudre au sein du campus alimente les débats. C’est le cas pour ce groupe d’étudiants trouvés devant la grande porte de l’Ucad, guettant un taxi, avec un regard rivé sur leurs bagages jalonnés le long du trottoir. «Nous nous apprêtons à quitter le campus. Nous avons reçu la notification que nous sommes tenus de respecter, mais cela ne nous arrange guère du fait qu’il y a toujours des facultés qui continuent de fonctionner», regrette El Hadji Touré, étudiant en Licence 3 au département d’espagnol. La désolation se lit sur son visage. Entre ses deux toux, la valise sur la tête et sac au dos en bandoulière, El Hadji, vêtu d’un ensemble blouson à l’effigie du Psg, invite les autorités du Coud à une dérogation de la date de fermeture enfin de pouvoir bien terminer leurs examens de fin d’année.
A la chambre 19 de l’ex-Pavillon des mariés (Pm4), un silence cathédral y règne. Ici, rien ne traîne. «Il est déconseillé de laisser dans les chambres tout objet (matériels ou bagages) de peur de les perdre», renseigne Ndèye Fatou Diamé, étudiante en Licence 2 au département d’histoire. A 24 heures de la date limite de la fermeture du campus, cette Lougatoise, élancée et teint clair, nourrit déjà une nostalgie pour ses voisines avec qui elle dit avoir fini de fonder une seconde famille. «Mes amies vont me manquer, l’ambiance universitaire et tout», regrette-t-elle d’un air triste. Elle réajuste un instant sa chevelure qui lui tombe à peine sur son nombril avant de déplorer la fermeture qu’elle juge brusque. Alors que, soutient-elle, les étudiants continuent de faire leurs examens.
Une situation que le président de la Commission sociale de l’amicale de la Faculté des lettres et sciences humaines dénonce également. Selon Fallou Diop, c’est une situation très compliquée dans la mesure où le campus pédagogique et celui social fonctionnent à double vitesse. «Au niveau de la Faculté des lettres et sciences humaines, hormis le département de linguistique et celui de philosophie, tous les autres continuent de faire soit examen ou cours», déplore-t-il. Il assimile cette situation à un déficit de communication entre les autorités du rectorat et celles du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud). Très en verve, ce syndicaliste invite les deux structures à s’asseoir autour d’une table pour une harmonisation des calendriers universitaires.

Boutiquiers et gestionnaires de multi-services en chômage
Ce ne sont pas seulement les étudiants qui regrettent la fermeture du campus social. Cela touche également tous ceux qui y exercent une activité économique. A l’image de Ibrahima Ndiaye, commerçant de son état, debout derrière le comptoir de sa cantine numéro 22B. «Imaginez nous qui n’avons que ce cadre pour pouvoir tirer notre épingle du jeu ! Si on nous dit de fermer nos boutiques pendant 2 mois, cela va forcément impacter négativement nos revenus», fait-il savoir sur un ton désolé. Réputé touche-à-tout, ce quinquagénaire, originaire du Saloum, ambitionne de retrouver son ancien métier d’électricien en attendant la réouverture du campus. Une occasion pour lui de pouvoir joindre les deux bouts.
Un peu à ses côtés, Mame Fatou Dramé, emmitouflée dans un voile qui lui couvre à peine tout son corps, tient une boutique multi-services. Debout devant une pile de documents qu’elle avait en charge de photocopier, elle entonne le même coup de gueule. Du haut de son 1,50m, elle se désole de l’arrêté universitaire. «Nous tirons nos profits des étudiants. Si ces derniers ne sont plus là, on a plus notre raison d’être ici», soutient la gestionnaire.

Khalifa Diagne, chef du Département de gestion des cités universitaires et de la vie estudiantine : «Nous avons accompagné les étudiants 1 mois à compter du délai normal de fermeture»

«Nous avions décidé de fermer le campus social à la date du 3 août 2018. Cela fait suite à un consensus avec nos partenaires, à savoir les amicales des étudiants et des différents chefs de département pédagogique de l’Ucad. La raison est quand nous avons recueilli les calendriers pédagogiques, nous avons constaté que la Faculté des lettres, qui compte le plus grand nombre d’étudiants, finit ses examens entre le 18 et le 31 août 2018. C’est ainsi que nous avons jugé nécessaire de les accompagner jusqu’à la fin de leurs examens. Traditionnellement, si on respecte le règlement du Coud, le campus social doit être fermé le 31 juillet. Nous avons tenu des rencontres avec tous les responsables.
La fermeture est statutaire, mais en plus de ça elle est nécessaire parce qu’elle permet de faire des travaux d’entretien et de réfection. Nul n’ignore qu’à l’université il y a une surpopulation. Dans une chambre, qui dans les normes ne doit prendre que deux étudiants, vous y trouverez au moins huit. Cette surutilisation va faire que le matériel du Coud se détériore le plus rapidement par rapport à ce qu’il devrait être. C’est normal parce qu’il y a des travaux qu’on ne peut faire que quand les étudiants libèrent les résidences.
Je bats en brève les propos des étudiants qui disent que la fermeture du campus social est brusque. Dans le processus de prise de décision de fermeture, nous avons saisi l’autorité suprême, à savoir le recteur qui à son tour a transmis le courrier à tous les chefs d’établissement qui nous ont répondu. C’est après la compilation de toutes ces réponses que nous nous sommes rendu compte que la date la plus éloignée est le 31 août.»
bseck@lequotidien.sn

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