Financements participatifs : L’Afrique à la traîne

Avec des besoins de financement estimés à 331 milliards de dollars, les Petites et moyennes entreprises (Pme) du continent peinent à trouver des crédits. Avec l’avènement du crowfunding, l’horizon pourrait bien s’éclaircir mais pour l’heure, sur le continent, l’absence d’un cadre règlementaire retarde le développement de ce secteur.
L’Afrique compte près de 44 millions de Petites et moyennes entreprises (Pme) qui accèdent difficilement au crédit. Selon les estimations, leurs besoins en financements sont estimés à 331 milliards de dollars. Malgré sa croissance manifeste, le système bancaire traditionnel a montré ses limites pour satisfaire les demandes. En effet, 80% des Pme peinent à accéder à un crédit. Une situation qui bride le potentiel de développement du continent mais que de nouvelles formes de financement sont à même de résoudre. C’est ce qui ressort d’un panel qui s’est tenu hier dans le cadre du Forum crowfunding en Afrique organisé par Financement participatif Afrique et Méditerranée (Fpam). Selon le co-président du Fpam, M. Thameur Hemdane, «le crowfunding ou le financement participatif est un outil important pour financer le développement du continent». Né en Europe en 2010, le crowfunding a pourtant déjà fait ses preuves. M. Hemdane donne l’exemple de la Grande Bretagne où ce financement dit participatif se développe de façon très importante. «Il représente plus de 20% des crédits octroyés aux entreprises et 17% des fonds propres des entreprises. Ce n’est pas seulement un épiphénomène ou un mouvement à la marge du système financier, ce sont des acteurs financiers à part entière», souligne M. Hemdane. Outil de financement de la culture, de la Société civile et de tous les types de projets, notamment les projets à impact qui posent des enjeux sociétaux et climatiques très importants, le crowfunding peut apporter des solutions en finançant des projets en création notamment les Starts up et les Pme, estime M. Hemdane.
Le Forum organisé par le Fpam en collaboration avec Jokkolab vise à promouvoir les bonnes pratiques de crowfunding au sein du continent. Selon les participants au panel, cela passe par la mise en place d’un cadre règlementaire. Sur ce chapitre, Laurent Gonnet, spécialiste en finance de la Banque mondiale, indique que des discussions sont en cours avec la Banque centrale pour l’élaboration d’un cadre règlementaire. Il faut dire que l’enjeu est de taille. En effet, la digitalisation du continent permet d’espérer tirer de gros bénéfices dans le secteur financier sur le continent. Selon les études, d’ici 2025, 400 millions de nouvelles personnes seront financièrement incluses grâce au mobile. Cela devant engendrer 758 milliards de nouveaux dépôts et 448 milliards de dollars de crédits.
Aujourd’hui, il existe des acteurs qui s’activent dans le domaine. Si dans la partie ouest-africaine les nouvelles Fintech s’activent essentiellement dans le paiement, dans le Sud et l’Est du continent, les fonds mobilisés servent avant tout à financer l’investissement. Jean-Louis Traore d’Innogence Consulting, une entreprise basée en Côte d’Ivoire, cite l’exemple du Nigeria où la plateforme Farmcrowdy a permis de soutenir plus de 7000 agriculteurs grâce a des financements participatifs.
Le goulot du financement
Si les Pme sont si peu financées sur le continent, les raisons sont multiples. Mais selon M. Gonnet de la Banque mondiale, il est nécessaire de s’attaquer à certains goulots d’étranglement. Il cite ainsi les problèmes de solvabilité des Pme et le système de gestion des faillites ainsi que les problèmes de garantie. Dans ce cadre, il note que les financements vont plutôt aux propriétaires de richesses et suggère ainsi une plus grande implication des autorités publiques à travers la mise en place de fonds de garantie. Pour Mme Valérie Dabady de la Banque africaine de développement (Bad), il faut surtout que l’on accepte que le financement n’est qu’une partie de ce dont les Pme ont besoin. «Il faut changer notre façon de faire», dit-elle.
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