Pour sa première exposition individuelle à Dakar, le peintre, sérigraphe et performeur Mbaye Diop, alias Ndombo Al, a tenu à rendre hommage à quatre artistes qu’il a côtoyés au centre culturel Blaise Senghor pendant 4 ans, de 2006 à 2010. Usant de la métaphore des chaussures usées et de différentes techniques alliant peinture, performance et installation, M. Diop expose toute sa mélancolie, sa tristesse et rappelle par la même occasion le caractère éphémère de toute chose.

Pour son exposition Chaus­sures usées, l’artiste Mbaye Diop, alias Ndombo Al, a investi le centre culturel Blaise Senghor. Sur les murs de ce lieu qu’il a fréquenté entre 2006 et 2010, l’artiste étale d’imposantes fresques murales. Des images en noir et blanc qui, de près, ressemblent à de petites taches. Mais de loin, elles représentent des foules, des visages pour la plupart inconnus, mais que l’artiste a pris le soin de travailler avec délicatesse. A côté de ces peintures, il dispose à même le sol une multitude de trous noirs (des disques faits à base de charbon) sur lesquels il dépose des chaussures usées. En paires, unique ou mélangées, ces chaussures sont soit celles d’homme, de femme, d’adulte, d’enfant, de cérémonie, de ville, de sport… Bref, on retrouve toutes sortes de chaussures, mais toutes usées. Pour l’artiste dont l’exposition vient de s’achever, le fait qu’elles soient toutes usées n’est pas fortuit, tout comme l’usage des couleurs noires et blanches sur les murs. «Notre existence sur terre est très éphémère. On finit comme les chaussures usées. Un jour ou l’autre, on va nous amener dans les cimetières comme les chaussures vont atterrir dans les poubelles. J’ai ramené toutes ces chaussures pour leur donner une seconde vie comme j’ai essayé de donner une seconde vie à Makhou (Makhtar Pouye), Père Joe, Sangoné Vieira et Macodou Mbengue», explique-t-il.
Ainsi, l’exposition Chaussures usées est pour Mbaye Diop Ndombo Al une manière de rendre hommage à ces quatre personnes qu’il a côtoyées au centre culturel Blaise Senghor, alors qu’il n’était encore qu’un étudiant à l’Ecole des beaux-arts et qui l’ont considérablement marqué. Malheureusement, elles ne sont plus de ce monde. Et comme s’il effectuait un pèlerinage à Blaise Senghor, Mbaye Diop se sent imbu de la mission de se souvenir et d’honorer leur mémoire. «Quand j’étais à l’Ecole des arts, j’avais un problème d’espace à la maison. C’est un de mes cousins qui m’a mis en rapport avec Makhou (Makhtar Pouye). Et quand je l’ai approché, il m’a dit, viens, il y a de l’espace ici. On va travailler ensemble. Depuis lors, on a continué à travailler dans son atelier et en dehors même de son atelier. Makhou était tout pour moi. Il m’encourageait et me disait toujours : ‘’Mbaye vas-y, tu as du talent.’’ Après Makhou, j’ai rencontré Sangoné Vieira. Ce qui m’a marqué chez lui, c’est cette volonté de vouloir tout apprendre dans l’art. Il voulait tout apprendre. Grâce à lui, j’ai voulu aussi tout apprendre. Après Vieira, j’ai rencontré Macodou Mbengue. Un grand metteur en scène. Tout ce que j’ai eu à faire dans l’installation des chaussures usées, c’est lui qui m’a inspiré. Ce que j’ai retenu de Père Joe, c’est le calme et la discrétion», se remémore l’artiste, les yeux presque larmo­yants.
Alliant trois formes d’expressions artistiques différentes, peinture, performance et installation dans cette exposition, l’artiste étale toute sa mélancolie, sa tristesse, voire sa déception face à ces choses, ces personnes auxquelles on s’attache et qui finissent par disparaître. Dans sa performance, il n’hésite pas d’ailleurs à déconstruire tout le travail qu’il avait entrepris auparavant en rajoutant une couche de peinture noire à ses fresques ou encore à se peindre lui-même en noir comme pour insister sur un fait : «On finit tous comme les chaussures usées à la poubelle.»