La succession du Président sortant est ouverte. Macky Sall, à la tête d’une grande coalition qu’il a su maintenir en place durant 7 ans, part sûr de sa réélection. Mais il n’est jamais dit qu’un match est gagné d’avance. Idy, qui effectue son troisième essai, est dans une situation à la fois fébrile et inédite. L’ex-Premier ministre surfe sur l’électorat du Pds et Khalifa Sall pour consolider sa coalition. Alors que Madické Niang, Issa Sall, Ousmane Sonko restent des novices gonflés d’ambitions et capables de bousculer les certitudes qui ont longtemps dessiné un duel Idy-Macky sur les bulletins de vote. Au final, rien n’est sûr. C’est tout l’intérêt d’une élection.

Macky Sall : Le candidat à la reconquête

Macky Sall, président de la coalition Bby.

Il est à la tête d’une grosse machine, renforcée de nouveaux éléments à la veille de la Présidentielle. Macky Sall pèse lourd si l’on se limite à la composition de sa coalition dont les personnalités maillent le territoire national. Pour l’instant, c’est juste une vision aléatoire de la réalité électorale qui conserve toujours une part d’incertitude. 7 ans après son triomphe inattendu, Macky Sall, 57 ans, retourne dans les patelins et villes sénégalais pour maintenir un contact direct avec les pauvres, les éleveurs, les paysans et les forces de gauche qui constituent sa majorité. Dans la perspective d’une nouvelle victoire sont venus s’y agglutiner aussi des espérant prébendes et bénéfices, des membres d’anciennes formations politiques, des opportunistes de tout acabit. Bien sûr, un jour ou l’autre, pour le prix de leur collaboration, les alliés viendront présenter la facture au Président.

Forgée dans l’urgence, vainqueur de la Présidentielle au premier essai, l’Alliance pour la République (Apr) n’a jamais disposé de structures fortes, mais a toujours su surfer sur la popularité de son fondateur. Qui a gagné toutes les élections, même si son électorat s’est érodé au fil des différents scrutins organisés durant le septennat, car il y a eu de multiples revirements, ruptures, démissions, limogeages suivis de passage à l’ennemi, de retours considérés comme de la «transhumance», donnant le sentiment d’un pouvoir fonctionnant dans une permanente improvisation. Ça peut être aussi des cailloux dans la chaussure d’un homme qui avait aligné des expressions comme «gouvernance sobre et vertueuse», «la patrie avant le parti» dans son discours de rupture. En revanche, on perçoit le changement visuel avec l’émergence de nouvelles infrastructures un peu partout au Sénégal. Il compte bâtir sa réélection sur ses grosses réalisations. Wait and see !

Madické Niang : «Pour que triomphe la vérité» entre lui et le Pds !

Il est l’aîné des candidats avec ses 66 ans. Né le 26 septembre 1953 à Saint-Louis, on peut le mettre dans le casier des «éternels Wadistes» comme Samuel Sarr, Pape Samba Mboup, Farba Senghor avec qui il a en commun d’avoir résolument tourné le dos au «Pape du Sopi». Pour avoir défendu les mêmes causes, Mes Niang et Wade ont davantage huilé leurs relations pendant les 12 ans du régime libéral. On n’oubliera pas la toge déterminante de Madické Niang dans l’affaire Me Sèye, dans laquelle Abdoulaye Wade était mis en cause. A ce titre, il publie en 2002, concernant l’assassinat de Maître Babacar Sèye, Pour que triomphe la vérité et, en 2006, il opposera au journaliste, Abdou Latif Coulibaly, auteur d’un Meurtre sur commande un livre-réponse : Sénégal, affaire maître Sèye : les pièges de l’acharnement. Cela explique que le successeur de Abdou Diouf choisit de le projeter à l’écran gouvernemental à différents postes (Mines, Justice, Affaires étrangères). Et la chute n’avait rien altéré de leur amitié. Leur complicité. Abdoulaye Wade s’éloigne du Point E pour des travaux de réfection et prend ses quartiers à Fann-Résidence, chez Madické Niang. Fervent défenseur de la candidature de Karim Wade, il aurait été même au cœur des pourparlers pour la grâce présidentielle accordée à ce dernier et même son exil au Qatar. Cela expliquerait-il sa promotion par Wade-père qui l’a investi à Mbacké aux dernières Législatives ? Certains y croient religieusement. Alors, là où Oumar Sarr était attendu, Wade a misé sur Madické Niang pour la présidence du groupe parlementaire, le seul de l’opposition.
Un cran politique qui lui a permis d’avoir la «légitimité» de «raisonner» le «vieux». Alors, il se met dans la logique du «Retenez-moi ou je fais un malheur !». Ou «Investissez-moi ou je m’investis moi-même !». Il veut ainsi se substituer au fils biologique dont la candidature était dans l’ordre de l’impossible après sa condamnation par la Crei et le rejet de son inscription. C’est fait contre le gré de Me Wade et du Pds qui y voient une «trahison» et une «candidature téléguidée» par Macky Sall. Madické Niang sera donc candidat et veut être celui des Libéraux qui se voient imposer le «jusqu’auboutisme» de l’homme de Versailles. Il compte tout de même sur l’électorat du Pds. Certains responsables libéraux comme Habib Sy, Ibra Diouf Niokhobaye, Aminata Lô, Massaly l’ont rejoint. Mais il a surtout la carte de Touba à jouer.

Issa Sall : Que serait le Pur100 le ndigël ?

Du point de vue de l’âge, El Hadji Issa Sall arrive derrière Madické Niang. Il était l’inconnu des Législatives de 2017. Surprise ! Le candidat du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) a rassemblé 155 mille 037 voix et raflé 3 sièges au niveau national, mais perd son fief, celui de son guide religieux, Serigne Moustapha Sy. Sans doute, une bonne part d’un ndigël a fonctionné. Voilà qui fait du candidat de Pur100 un vivier électoral à ne pas négliger pour le 24 février. Tout le monde le reconnaît : Ils sont bien organisés et moins bruyants. Ils ont encore surpris pour la collecte de parrainage là où des plus expérimentés ont été recalés ou invités à régulariser. Mais cette épreuve technique et informatique ne devrait pourtant pas surprendre. Le candidat lui-même est un informaticien, et qui a pratiqué la matière technique électorale depuis des années. 66 mille 820 parrainages, c’est plus du double de ses voix aux dernières élections. Sall est Verseau, né le 25 janvier 1956 à Tattaguine, qui pourrait faire un autre saut devant des candidats donnés favoris. Le Pur était quand même quatrième derrière la coalition du Président Macky Sall, la coalition de Abdoulaye Wade et celle de Khalifa Sall. Seulement, si tant est que c’est le ndigël appliqué à la lettre par les Moustarchidines qui a fait ses preuves, Issa Sall ne pourrait alors se contenter que d’un statut de faiseur de roi. Pour l’heure, on ne lui connaît pas des soutiens de taille ou de candidats recalés. A moins que le fondateur du l’Université du Sahel trouve une autre formule. Ou qu’il réserve une nouvelle surprise.

Idrissa Seck : On n’est jamais mort en politique !

Il joue son va-tout avec cette élection. Et il lui faudra démentir le «jamais deux sans trois», après ses échecs en 2007 et 2012. Entre-temps, Idrissa Seck a beaucoup perdu du terrain jusque dans son département, comme l’ont montré les dernières Législatives. Né le 9 août 1959 à Thiès, M. Seck reste encore un Lion indomptable dans son fief. Mais jusqu’à quand ? Aux Locales de 2014, il a contrôlé avec sa coalition le département, mais aux Législatives, il a perdu sous la bannière de Manko taxawu senegaal devant Benno bokk yaakaar. Il se fait souvent oublier par son silence et ses absences. Et d’autres en profitent. Ousmane Sonko a pris une avance sur lui, non pas encore sur la planète électorale, mais au moins sur le terrain médiatique et d’une certaine opinion. Mais nous voilà dans la réalité politique. Et ce n’est pas à Idrissa Seck, qui a tenu tête au «génie» et à la ruse politiques de Abdoulaye Wade, que l’on apprendra comment se relever. Les soutiens qu’il enregistre depuis quelques jours le prouvent. Malick Gakou, Pape Diop, Moustapha Guirassy… Qui sait pour Khalifa Sall et/ou le ou un Pds ? Pour le moment, il revient avec une flopée de candidats recalés, presque virtuellement, à hauteur des intentions prêtées au leader de Pastef. Idrissa Seck prouve qu’il connaît mieux ce «système» que l’anti-système. Comme quoi, pour reprendre le titre du livre de la journaliste française Clélie Mathias, On n’est jamais mort en politique ! Mais on verra ce que ce conglomérat va donner. Ce qu’en tirera Idrissa Seck.

Ousmane Sonko : Le cadet à l’assaut des aînés

Il est, comme Idrissa Seck, celui qui pourrait disputer une deuxième place. Le leader de Pastef est pris très au sérieux par Macky Sall et son camp qui le voient comme un Cancer, son signe du zodiaque. Parce qu’il a vu le jour le 15 juillet 1974 à … Thiès. Tiens, tiens, c’est deux natifs d’une même ville. Ousmane accuse. Sonko accule. Il a l’art de «convaincre» certains sur ses «scandales». Mais ça s’arrête là. Et cela a coûté à l’inspecteur des Impôts de formation une radiation. Voilà sans doute un train qui l’a mis sur les rails des hommes politiques qui ont pris la cote depuis trois ans.
Son premier test aux Législatives, il décroche un siège à l’Assemblée nationale. C’est un faible score puisque c’est par le «plus fort reste». La «victimisation» a marché, mais pas comme on l’attendait. Comme le Pur, il a réuni les 66 mille 820 parrainages, sans tambour ni trompette. Ce qui fait de lui davantage un des candidats les plus attendus de cette Présidentielle. Sa forte dose de communication l’a perdu quand il a estimé que les anciens dirigeants du pays méritaient d’être «fusillés». Puis, après avoir soulevé le dossier des 94 milliards qui auraient été détournés par le directeur des Domaines, il a été mis à mal dans son argumentaire. Mais Sonko a comme une carapace. Les contreaccusations, c’est le cadet des soucis du cadet des candidats. On attendra le 24 février pour voir si l’expert fiscal a une bonne étoile