La justice sénégalaise ne connaît pas une crise et est très ordonnée, selon le ministre d’Etat Ismaïla Madior Fall qui quitte officiellement le ministère de la Justice. Il répondait ainsi à son successeur Malick Sall qui révélait dès sa nomination qu’il allait mettre de l’ordre dans ce département.

Dans l’euphorie de sa nomination à la tête de la Chancellerie, Me Malick Sall avait sorti certains mots pour annoncer une rupture. Alors qu’il remettait les clés de son bureau à son successeur, Ismaïla Madior Fall a tenu à balayer les clichés qui escortent le fonctionnement de la justice. Il dit : «Quand les justiciables sont des personnes ordinaires, souvent cela ne pose pas de problème, le procès se déroule normalement. Mais quand ils sont des politiques, il y a des critiques qui sont articulées à l’endroit de la justice. Et parfois, ce sont des critiques qui ne sont fondées sur rien. On parle de justice sélective, etc. Tout ça pour parfois donner l’impression qu’il y a des problèmes dans la justice, qu’il y a un désordre dans la justice. M. le ministre, je vous rassure, il n’en est absolument rien», a démenti Madior Fall. Dans ce sillage, M. Fall rappelle que «ma politique en matière judiciaire est définie par le président de la République et nous mettons en œuvre cette politique». Il a ainsi insisté sur les réalisations effectuées à la tête de ce département en balayant les accusations sur la partialité de la justice. «Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de notre pays, la justice est critiquée toujours à tort. C’est après qu’on se rend compte au fond que la critique n’était fondée sur rien», a dit M. Fall, qui fait allusion à la sortie de son successeur qui disait que «la justice sénégalaise a des problèmes» et que son travail «c’est de (…) remettre de l’ordre dans la justice et à diminuer les faiblesses au maximum». Bien sûr, il reconnaît qu’il y a des insuffisances qu’il faut «identifier afin de trouver des solutions». «Mais la justice est un des secteurs les plus ordonnés du Sénégal. Il y a eu des problèmes, mais pas de désordre au niveau de la justice. Il y a des hommes et des femmes professionnels qui s’emploient à faire en sorte qu’il y ait une justice de qualité équitablement et qualitativement distribuée dans notre pays», insiste-t-il. «Evidemment, il y a des insuffisances, des limites, des problèmes, mais le secteur n’est pas en crise. Il n’y a pas de crise de la justice au Sénégal. Il y a des problèmes au niveau de la justice. Il faut les identifier avec les acteurs, se concerter et mettre en place les réformes qu’il faut», a persisté Ismaïla Madior Fall. Selon ses mots, il part «le cœur léger» avec le sentiment du devoir accompli pour rejoindre la Présidence comme ministre d’Etat où il a servi comme conseiller juridique du président de la République et patron de l’Itie. «Je pars l’esprit tranquille, le cœur léger parce que j’ai conscience qu’ensemble nous avons pu poser une pierre à l’édification d’une justice digne de ce nom dans ce pays», a déclaré M. Fall.

«Je sais que je n’aurai pas droit à l’état de grâce»
A la fin de son séjour à la tête de la Justice, Me Malick Sall voudra en dire autant. En attendant, il s’incline devant le travail «effectué» par le constitutionnaliste. «Je suis avocat habitué au monde de la justice et je sais les commentaires élogieux que mes confrères et les magistrats que je fréquente ont faits sur votre personne, votre engagement sans faille pour améliorer les conditions de la justice. En 18 mois, vous avez fait un travail exceptionnel, vous avez pris vos responsabilités et innové. Je continuerai à solliciter vos conseils et votre expertise en matière de droit constitutionnel», a promis le ministre de la Justice. Malick Sall promet de poursuivre les chantiers entamés par M. Fall. «Je puis vous assurer qu’ils seront continués et je ferai le maximum pour les mener à bien. Je suis convaincu qu’auprès du chef de l’Etat, vous serez d’un apport précieux pour éviter les goulots que nous connaissons au niveau de certains secteurs», se convainc le nouveau garde des Sceaux. Il pense que le Sénégal a l’une des meilleures magistratures d’Afri­que. Et par conséquent, une justice de qualité. «Il y a des manquements, mais pour l’essentiel, ils sont le fruit des conditions dans lesquelles ces personnels travaillent. Je ferai le maximum pour améliorer les conditions de travail de tout le personnel de la justice parce que j’y retournerai. Je sais que la fonction de ministre n’est pas un métier. Mon métier c’est avocat et tout ce qui améliore votre environnement est de mon intérêt personnel et c’est une priorité pour le président de la République qui tient à ce que vous restiez ce que vous avez toujours été, des hommes de valeur consciencieux de la difficulté de leur tâche», a développé M. Sall. Oui, les enjeux sont énormes. «Je sais qu’étant du milieu, je n’aurai pas droit à l’état de grâce. Je compte sur votre aide (personnel judiciaire), votre assistance afin que le travail qui nous est confié soit mené à bonne fin. Je viens les bras ouverts, sans a priori… je sais que je ne pourrai pas réussir ma mission sans votre concours», dit-il.
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