Au moment où le mouvement hip-hop sénégalais peine à s’imposer sur le plan national et international, l’artiste rappeur, Mc Mo, prône le retour à nos valeurs. «Ndegerlaay», son premier album, est un condensé de sagesse et un appel au retour vers les valeurs de nos sociétés traditionnelles.

Qui est Mc Mo ?
Je m’appelle Mamadou Ngom à l’état civil. Je suis un artiste rappeur sénégalais. J’ai commencé la musique en 2003/2004 dans le groupe Tiggi Rap. En 2009, j’ai participé à la 3e édition du Hip-hop feeling organisé alors par Fata à la 2Stv. Puis, en 2012, j’ai hérité du trèfle dans le projet Carré d’As produit par Africulturban, même si au finish, je suis le seul artiste qui ai résisté. Depuis lors, je poursuis mon chemin. En 2013, j’ai représenté le Sénégal avec Khuman dans le projet, Urban Nomade, avec deux artistes mauritaniens, Waraba et Roi Hems. En 2015, j’ai sorti un single, Sama Yéné (mon vœu), avec Jahman de X Press et une autre vidéo, Dundé (se nourrir). Dans la même veine, 2016 a marqué la sortie de Mic Sama loxo (le micro en point), un single qui a fait le déclic dans ma carrière. Et, le 19 janvier 2019, j’ai signé la sortie de mon premier album solo Ndegerlaay qui signifie, racines, valeurs sures, en somme tout ce qui constitue le fondement de l’homme, ses repères.

Dans le premier projet auquel vous avez participé, Carré d’As, pourquoi avez-vous tiré la carte la plus faible ?
Dans un jeu de cartes, le trèfle représente la plus faible couleur certes (rire), mais paradoxalement, je suis le seul qui résiste toujours dans le Game (jeu). C’est un projet qui m’avait beaucoup apporté en expérience. Nous étions quatre artistes de divers horizons. Ce projet nous a permis d’apprendre à collaborer, à améliorer notre scène…

Vous avez sorti votre premier opus en janvier dernier et vous l’avez intitulé Ndegerlaay. Est-ce une manière de dire que vous avez gagné des forces entre temps ?
Ndegerlaay peut avoir plusieurs entendements au fait. Notamment, un point d’appui, résistance, un ancrage voire la source, les origines et ou les racines. De nos jours, les gens perdent facilement leurs valeurs parce qu’ils manquent de repères. Ndegerlaay est donc un appel au retour à nos valeurs. Recouvrons nos valeurs, la dignité, le respect de la parole donnée. Nos valeurs religieuses sont bafouées chaque jour que Dieu fait. Or, Ndegerlaay est la somme de ces valeurs qui sont un rétroviseur qui nous permet de nous retrouver. Le titre de l’album colle parfaitement avec mon parcours. Les valeurs que je prône à travers ce produit ont constitué un repère pour que je puisse arriver là où j’en suis.

Dans un milieu hop-hip qui bouge sans cesse, surtout avec l’image et l’internet, ne craignez-vous pas d’être laissé en rade en voulant apporter une philosophie d’une autre époque ?
En fait Ndegerlaay ou le retour aux valeurs ne peut avoir de sens qu’en ce moment de déperdition des valeurs. Tous les artistes veulent avoir du buzz, mais à quel prix. C’est Ndegerlaay qui différencie les uns et ceux qui n’ont point de repère. Les uns sont prêts à montrer dans leurs vidéos des filles presque nues, juste pour avoir le buzz. Personne d’entre nous ne voudrait voir sa sœur ou sa mère presque nue dans 20 ou 30 ans. Cela peut porter préjudice à sa progéniture. Quelle que soit l’évolution technologique, nous ne devons jamais nous laisser emporter au point de perdre nos racines et autres valeurs.

Le concept Ndegerlaay est à la limite une philosophie de vie. Comment résumez-vous cet état d’esprit ?
Pour précision, c’est l’un des rares albums qui n’a pas de son éponyme. Juste pour dire que c’est le projet dans son ensemble qui incarne cette philosophie. En une phrase, je dirais une ode aux valeurs. Les gens doivent se rappeler leur passé, prendre conscience du présent pour mieux appréhender le futur.

Pourquoi avez-vous choisi de faire treize titres dans votre album ?
J’ai choisi de faire juste 13 titres parce que chaque son constitue une pièce du puzzle. Le premier titre par exemple, Ak deglu (avec écoute), est une rupture avec les intro classiques qui sont du bruitage ou de l’égotripe. Bul xéb sa khét (ne renie pas tes valeurs), chacun doit contribuer à la culture universelle en apportant de sa culture. Il ne s’agit pas de vouloir être comme l’autre. «say fouki mam amul ku thi teint clair yow nga bege wéx tal té do albinos» : aucun de tes ancêtres n’a la peau claire et toi tu veux être blanc or tu n’es pas albinos. Il y a le titre, la rue meurt, la mort du message dans les textes Rap. Le constat est que le hip-hop perd son essence, c’est-à-dire le message pour des questions de showbiz. Wax ak Jef, (parole et acte), j’ai fait ce son avec Ada K nibal. Pour dire aux populations de respecter davantage leur parole, surtout nos politiques qui ne font que faire le contraire des valeurs qu’ils prônent. La parole n’a plus de valeur dans nos sociétés de l’oralité. Love for you en featuring avec Eved, un chanteur congolais, fait l’apologie de l’amour avec grand A. Donnons davantage d’amour aux couches les plus fragiles à savoir, les enfants et les femmes, les mendiants… Le titre, My Vibs avec Nix et Vibid, une Camerounaise vivant au Canada, parle du bien-être de chacun quel que soit son niveau de vie. Niayy, (Eléphant), est une métaphore de la force tranquille. Ce son égotripe explique à l’autre mon attitude, calme mais intouchable. Sanoo Free, (tu n’oses pas prendre ton indépendance), c’est une interrogation, pourquoi l’Africain n’ose pas prendre son destin en main ? Et dans Do Tgugs, (tu n’es pas un mauvais garçon), je m’adresse aux B Boys, assumez vos titres d’artistes, faites vos devoirs… il faut être plus sérieux pour atteindre un certain niveau. Il y a beaucoup d’artistes qui trichent, ils ne bossent pas, ce sont des artistes de studio, leur scène est nul…l’art ce n’est copier l’autre, il faut proposer…