Dans le cadre de la lutte contre la recrudescence du viol, «Masla» a organisé samedi et dimanche une exposition du même nom pour dénoncer la culture du silence de la société sénégalaise dans de tels cas.

Le 18 mai dernier, Bineta Camara était victime d’une tentative de viol suivie de meurtre. Dans la même semaine, la découverte du corps nu d’une femme dans un marché de Dakar a encore été suivie de la découverte du cadavre d’une jeune fille violée et assassinée. Depuis ces drames, des milliers de voix se sont élevées pour dire non aux violences sexuelles dont trop souvent les femmes sont victimes. Ainsi, les acteurs de la lutte contre les violences faites aux femmes ont retroussé les manches. Des juristes se sont constitués en association pour défendre cette cause et certaines personnalités politiques se sont prononcées sur la question. Bref, presque tout le monde était entré dans la danse, poussant le Président Sall à annoncer la préparation d’un projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie. Anna Guèye, initiatrice de l’exposition Masla, et son équipe mènent aussi ce combat sans répit. Et comme le droit n’est pas leur domaine, ils s’adressent particulièrement aux parents et attaquent là où le bât blesse : Le «Masla sénégalais» («régler un conflit à l’amiable en wolof»).
Masla est ainsi une campagne qui a pour objectif général de participer à la réduction du taux de violence basée sur le genre et des viols en Afrique. Et pour cette première édition, le vernissage qui s’est déroulé ce week-end à l’Hôtel de ville de Dakar consiste à dénoncer cette culture du silence dans la société sénégalaise derrière les cas de viol et aussi la protection des agresseurs issus de la famille de la victime ou proches d’elle. Le linge sale se lave en famille, dit-on dans cette société ancrée sur ses valeurs.

Un appel lancé aux parents
Anna Guèye, 27 ans, reste droite dans ses bottes : «Certes le masla est une vertu, mais ne doit pas concerner le viol. Cet acte est tellement grave qu’on ne doit pas en discuter à l’amiable. On n’a pas une justice pour rien. Donc en cas de viol ou de violence, le masla n’est et ne sera jamais la solution.» Actuel­lement, évalue Anna, deux tiers des cas de viol ont été commis par des gens qui sont proches de la victime ou en tout cas qui font partie de sa famille. «Dans ces circonstances, le mal va demeurer. Et Justement, la justice est un élément incon­tour­nable quand il s’agit de la reconstruction d’une victime. Mais le masla bloque tout. Ça empêche la justice de faire son travail en la détournant de ce qui se passe», insiste-t-elle. Ainsi, pour l’initiatrice de l’exposition, ce qui est important en cas de viol ou d’agression, c’est plutôt la reconstruction de la personne. «Je pense que le moment est venu où les parents doivent bien prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer sur ce sujet», lance madame Guèye.
En 2016, 3 600 cas de viol ont été répertoriés. «Peut-être que c’était 4 600 ou 10 mille 200 cas, mais on ne peut pas savoir exactement à cause des viols étouffés au nom du masla», ironise-t-elle.
Les artistes qui ont participé à cette exposition l’ont fait dans le bénévolat, car cette activité est caritative. Ils ont contacté les organisateurs après avoir vu l’affiche sur les réseaux sociaux. Et Plusieurs visiteurs ont répondu présent, malgré la pluie ininterrompue dans la journée du samedi. Parmi eux, madame le maire de Dakar, Soham El Wardini.