A propos de la Catalogne
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Le Quotidien publiait le 21 août un article intitulé «L’Europe commence dans les Pyrénées», signé par M. Manuel Pérez Nespereira. L’auteur est un politicien qui a été candidat en 2012 et 2017 aux élections régionales en Catalogne pour le parti indépendantiste Esquerra Republicana de Catalunya, dont le président M. Oriol Junqueras (qui est aussi l’ancien vice-président du Gouvernement autonome de la Catalogne) est en prison à l’attente de la décision du Tribunal suprême espagnol qui sera publiée d’ici octobre.
M. Pérez commence son article par définir le chef de son parti comme «prisonnier politique». Faux. M. Junqueras, tout comme les autres 11 personnes jugées avec lui, n’a pas été jugé pour ses idées. Par contre, ils sont poursuivis pour la commission de délits inclus dans le Code pénal espagnol, notamment les délits de rébellion («se soulever violemment et publiquement… pour déclarer l’indépendance d’une partie du territoire national»), de détournement de fonds publics, sédition et désobéissance. Ils sont jugés avec toutes les garanties inhérentes à un Etat de droit démocratique, et aucune organisation active dans le domaine des droits de l’Homme (par exemple, Amnesty international ou Human rights watch) n’ont reconnu ces personnes comme étant des prisonniers politiques ou d’opinion.
En relation avec la décision prise par le Tribunal suprême de refuser à M. Junqueras la sortie de prison pour prêter serment devant l’autorité électorale espagnole pour prendre son acte d’euro-député, le Tribunal a justifié la décision par le risque de fuite que la deuxième partie de la procédure implique (après les démarches devant l’autorité espagnole, M. Junqueras aurait dû voyager à Strasbourg pour prendre son acte de parlementaire). Le Tribunal suprême a signalé que la décision «n’implique pas une perte irréversible» du mandat de M. Junqueras, «mais un report temporaire» jusqu’à l’issue du procès.
Le 29 août, Le Quotidien publiait un autre article intitulé «Mon pays, la Catalogne», signé par Mme. Pilar Tizne i Cabrera qui, comme dans le cas antérieur, contient un grand nombre de faussetés destinées à désinformer le public sénégalais.
Tout d’abord, Mme Tizne affirme que l’Espagne a conquis la Catalogne il y a 300 ans. Il n’y a jamais eu une conquête parce qu’il faut rappeler que la Catalogne n’a jamais été un pays indépendant et que c’est en 1492 que l’intégration des royaumes de Castille et d’Aragon (dont la Catalogne faisait partie en tant que comté) s’est produite, donnant suite à la création du royaume d’ Espagne.
Quant à l’usage du catalan en Espagne, dont l’utilisation est, d’après elle, synonyme de «mauvaise éducation», il faut aussi rappeler que son utilisation est reconnue tant par la Constitution espagnole que par la Loi d’autonomie catalane qui garantissent son emploi tant à l’Administration qu’au système éducatif en Catalogne et protègent son statut de langue co-officielle. Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération du royaume d’Espagne, Josep Borrell Fontelles, est un Catalan qui utilise le catalan quand il le juge approprié et personne ne pense que cela soit de mauvaise éducation. Toute personne visitant la Catalogne peut se rendre compte que le catalan est utilisé en toute naturalité par une bonne partie de sa population bilingue, les panneaux informatifs dans les rues et routes sont en catalan et l’Administration publique régionale (qui est la plus répandue) privilégie l’usage de cette langue.
Quant à la décision du groupe d’experts de l’Onu mentionné par M. Tizne i Cabrera, l’Espagne a formellement récusé deux de ses cinq intégrants en raison de la relation professionnelle prouvée qu’ils avaient maintenue avec l’avocat des accusés mentionnés ci-dessus. La conséquence de la participation de personnes avec de tels conflits d’intérêts, c’est l’élaboration d’un rapport qui contient d’énormes erreurs qui reflètent une ignorance absolue de la société espagnole et du système juridique qui nous régit et qui, d’après les classements internationaux, place l’Espagne parmi les démocraties les plus avancées.
L’Espagne a également fait part à la Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme de son inquiétude face à un acte qui semble destiné à perturber le fonctionnement de la justice espagnole, portant atteinte à son indépendance, et qui, en raison de son absence de rigueur technique et de parti pris évident, remet en cause l’intégrité de certains composants du groupe de travail et menace de discréditer l’institution. L’Espagne qui se situe à l’avant-garde de la promotion du système universel de protection des droits de l’Homme et notamment de ses procédures spéciales veillera à ce que ces mécanismes ne soient pas victimes de manipulations et de désinformations.
Finalement, le titre de l’article de M. Pérez Nespereira, «L’Europe commence dans les Pyrénées», semblerait suggérer, a contrario, que l’Etat de droit au sud des Pyrénées, hors de l’Europe et pour autant en Afrique, n’existe pas. En réalité, là où il risque de n’avoir pas de droit, ni de droits des citoyens, c’est quand des individus utilisent les institutions publiques sans respecter la loi ni les décisions des Tribunaux, en violant les règles de la démocratie et, par conséquent, les principes du vivre ensemble.
Alberto VIRELLA
Ambassadeur
d’Espagne au Sénégal