Les inconditionnels du Président Macky Sall à Thiès attendent encore et toujours de leurs responsables politiques le bilan de la Présidentielle du 24 février dernier pour déchiffrer les vrais germes de la lourde défaite de leur candidat dans le département. Hélas, sept mois après ce scrutin, toujours rien. Une situation qui agace au plus haut point Mamadou Mbaye, coordonnateur des anciens de l’Apr, qui craint que cette léthargie de Bby provoque «une défaite encore plus cuisante» aux prochaines élections locales.

Sept mois après la débâcle du 24 février dernier, le camp présidentiel à Thiès n’est toujours pas sorti de sa léthargie. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
Le 24 février, le camp présidentiel a perdu à Thiès et, depuis lors, effectivement on a constaté une certaine léthargie. Cela est dû naturellement à une démobilisation des responsables. Certains d’entre eux ne s’occupent plus du parti parce qu’ils savent que le Président Macky Sall est à son second mandat. Probablement, ils se préparent pour d’autres choses. Ils ont déjà accumulé des richesses et le fonctionnement du parti n’est pas leur souci quotidien. En témoigne le traitement dont fait l’objet les membres fondateurs de l’Apr constitués des anciens qui n’arrivent plus à les joindre. Quand vous appelez un responsable, il ne répond pas. Ils sont devenus arrogants et inaccessibles. Cette situation est généralisée un peu partout au niveau des responsables de Thiès. Ce qui dénote d’une léthargie et ce qui augure déjà d’une défaite encore plus cuisante aux prochaines élections locales.

Cette situation vous a-t-elle rendu pessimiste, voire alarmiste, par rapport aux résultats attendus aux prochaines Locales ?
Après des élections, je pense que la moindre des choses, c’est d’évaluer le scrutin pour voir quels sont les points forts et les points faibles pour, ensuite, dégager des perspectives. Donc, la première chose qui devait être faite c’était de convoquer une réunion d’analyse et d’évaluation. Ce qui n’a pas été fait. Depuis sept mois, il n’y a pas eu de rencontre du parti. Chaque responsable se contente de son groupuscule et mène individuellement ses activités. C’est une sorte d’armée mexicaine. Il n’y a pas un travail de coordination qui devrait permettre d’évaluer la situation qui avait prévalu lors de la Présidentielle et de se projeter pour apporter des corrections par rapport aux élections à venir. Ça n’a pas été fait. Ce qui montre déjà des insuffisances au niveau du management du parti à Thiès parce qu’un bon manageur, c’est quelqu’un déjà qui évalue ses forces et faiblesses et qui se projette à l’horizon. Il n’attend pas le jour des élections pour agir et espérer battre Idrissa Seck dans son fief.

Avec cette attitude, on a l’impression que le camp présidentiel s’imagine être à même de venir à bout du président du parti Rewmi à Thiès…
Déboulonner Idrissa Seck, je trouve que c’est même illusoire de le dire parce que vu la situation actuelle, on ne peut et ne doit pas se leurrer. Il n’y a aucune activité à Thiès du point de vue du fonctionnement de l’Apr. Ils se sont démobilisés et je ne sais pas pour quelle raison. Ceux qui étaient là et qui avaient le courage de faire des activités n’ont pas été promus, comme nous les anciens qui faisaient beaucoup d’activités et étaient très présents sur le terrain. Nous sommes laissés en rade. Les gens qui sont là ne mènent pas d’activités, mais des pseudo-activités. Et je trouve cela infime par rapport au potentiel et à la capacité de mobilisation de Idrissa Seck.

Est-ce donc pour décrier cette situation que les anciens que vous êtes ont prévu de se faire entendre par une grève de la faim ?
Oui ! Nous l’avons effectivement décidé comme plan d’actions. Ça, c’est l’ultime recours. Nous ne sommes pas dans cette phase pour le moment. Dans la première phase, nous comptons adresser une correspondance au président de la République pour lui faire part de la situation difficile que vivent les anciens. Ensuite, après cela, nous comptons mener des sit-in réunissant tous les anciens frustrés qui ne voient plus rien du tout dans le parti. Après cela, s’il n’y a pas de réactions, évidemment nous allons vers des grèves de la faim pour nous faire entendre par le président de la République qui est également le président du parti Apr.

A quelques mois de la fin du mandat des maires rewmistes, quel bilan tirez-vous de la gestion des lieutenants de Idrissa Seck à Thiès ?
Thiès ne vote pas par rapport aux réalisations des lieutenants de Idrissa Seck. Thiès a un vote affectif et personnel. Les habitants votent uniquement pour Idrissa Seck, quelle que soit la situation. Ils se disent : «C’est Idrissa Seck qui veut, donc on lui donne.» Ce, malgré un bilan un peu mitigé. Peut-être, n’eussent été les lampadaires de Talla Sylla, on ne pourrait même pas parler de bilan. Talla a installé des lampadaires dans la commune et c’est important. Mais je pense que le problème de Thiès, ce ne sont pas les réalisations des mairies ou des autres, mais plutôt un problème affectif. Ils disent «Idrissa, Idrissa !». Mais quand Idy gagne, il délègue ses responsabilités à ses lieutenants.

Désormais, les maires au Sénégal vont être élus au suffrage universel direct. Que vous inspire une telle formule retenue par la commission du dialogue politique ?
C’est une bonne idée. Ça nous permettra d’abord de ne pas être bernés. Puisque, souvenez-vous bien, on ne savait pas qu’on allait mettre tel maire dans telle commune à Thiès. Je donne l’exemple de la mairie de ville. On ne savait pas que c’est Talla Sylla qui serait élu parce que tout simplement il y avait une liste qu’on devait voter. Et à la suite de cela, le bureau devait se réunir pour élire en son sein quelqu’un comme maire. Ce qui ne sera plus le cas. Maintenant, la population saura qui voter et que c’est telle personne qui sera maire. Ensuite, cela va éviter aussi de dévoyer le vote des électeurs. Par exemple, Idrissa Seck ne pourra plus dire «Votez pour moi» pour ensuite déléguer ses pouvoirs à un autre.
Que pensez-vous du dialogue national ?
C’est une bonne chose puisque nous sommes dans une situation d’instabilité un peu politico-judiciaire. Je pense que le président de la République est en train de prendre des actes avec la libération de Adama Gaye par exemple. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre aussi ce dialogue national. Même si certains ténors de l’opposition ne sont pas présents, je pense que le chef de l’Etat a pris une bonne initiative en convoquant le dialogue national. Ce qui va apaiser un peu les tensions politiques. Ensuite, cela va permettre de stabiliser ce pays qui est un havre de paix, un pays démocratique. Et peut-être, pourquoi pas dans le futur faire un gouvernement élargi qui permettra à une certaine frange de l’opposition qui n’est pas radicale de venir travailler aux côtés du président de la République au profit de la Nation sénégalaise ?