C’est connu ! En Casamance, la gestion des mauvaises herbes qui ont le même cycle que le riz dans les rizières constitue un véritable problème pour les femmes qui éprouvent d’énormes difficultés pour se débarrasser de ces plantes nuisibles. Ce problème est en phase d’être résolu grâce une tradition chinoise, réinventée par le japonais Takao Furuno et dont s’est inspirée le Camarguais, Bernard Poujol, pour développer l’agriculture en France. Et depuis deux ans, cette technique est mise en branle en Casamance par l’Ong Agir autrement pour le développement en Afrique (Agada). Et ce, à travers le projet «Agroécologie au service du développement économique et social en Casamance» rendu possible par Bernard Poujol, producteur de riz en Camargue, et qui a mené une proposition de développement dans des rizières en Casamance avec l’utilisation des canards. Des canards qui jouent des rôles de «jardiniers» en accompagnant les riziculteurs à débarrasser leurs rizières des mauvaises herbes. Pour l’agriculteur camarguais qui a séjourné pendant quelques jours dans la partie sud du pays, ce projet d’une durée de 4 ans va être progressif avec un budget de plus de 93 millions de francs Cfa financé par plusieurs partenaires français et africains. C’est un projet qui va se décliner, selon lui, sur plusieurs aspects. Le premier consiste à faire bénéficier à des riziculteurs un accompagnement technique avec une formation vétérinaire pour l’élevage des canards. «L’Ong Agada met à la disposition des agriculteurs un petit groupe de canards qu’ils vont élever et qui serviront dans la rizière pour désherber. Et au terme de la saison, l’agriculteur retire les canards de la rizière, soit pour les engraisser davantage soit pour les consommer en l’état soit pour les vendre», explique M. Poujol à la presse, en marge d’une visite dans les périmètres rizicoles ciblés par la phase test de ce projet. Et du point de vue agroécologique, l’intérêt pour l’agriculteur qui s’adonne à cette technique du 21ème siècle est qu’elle tient compte, selon Bernard Poujol, des paramètres écologiques qui nous entourent. «Dans le biotope fragile de la Casamance tout se mêle. Et avec cette nouvelle agriculture qui ne pollue pas, car n’utilisant pas de produits chimiques, nous avons un outil de développement, de progrès social, de progrès technique et de respect de l’environnement», soutient-il. Projet alliant riziculture et élevage Et du point de vue de l’élevage, l’expert agricole français estime que pour le même travail dans sa rizière, l’agriculteur a deux activités : celle de paysan avec la culture du riz et celle d’éleveur avec son petit troupeau de canards. «Et à la fin de la saison, il travaille une fois pour gagner deux fois», souligne-t-il. Bernard Poujol estime ainsi que ce projet innovant, qui va se décliner sur une nouvelle orientation beaucoup plus technique avec de la mécanisation dans deux ans, fera nécessairement appel aux politiques. «Le soutien des décideurs politiques et des décideurs traditionnels, tel le roi d’Oussouye qui a manifesté un intérêt pour ce projet, sera quand même précieux. Il faudra donc préparer le terrain», martèle-t-il. L’Ong Agada qui s’active en Casamance pour l’accompagnement des groupements de femmes agricoles et le soutien des projets de protection de l’environnement, le reboisement de la mangrove et dans l’agroécologie est porteuse de ce projet. Malick Djiba, le secrétaire exécutif, indique que ce projet contribue à réduire la pénibilité des femmes en Casamance. En effet, le désherbage qui leur prenait énormément de temps dans les rizières est une tâche qui est dévolue aujourd’hui aux canards. Mieux, ajoute M. Djiba, les déjections laissées par les canards dans les rizières constituent en plus un fertilisant pour le sol. L’accès aux canards reste problématique Quid de l’accès des bénéficiaires du projet à cette volaille en quantité suffisante ? Le secrétaire exécutif d’Agada estime que les acteurs peuvent se rabattre sur les souches autochtones auprès des producteurs ou éleveurs traditionnels pour arriver à doter chaque bénéficiaire d’une trentaine de canards. Et pour la saison prochaine, Malick espère pouvoir, soit importer des œufs fécondés qui pourraient être incubés à Ziguinchor si les conditions sanitaires le permettent soit, comme mesure préventive, inciter les bénéficiaires à planifier leur production pour avoir des cannetons pour la saison prochaine. «Même si on n’atteint pas l’objectif de 80 à 100 canards par hectare, ce qui est la norme, ils doivent pouvoir bénéficier de cannetons suffisants qu’ils pourront introduire dans leurs rizières», espère-t-il. Sur l’intérêt de ce projet pour les collectivités locales, Mamina Kamara, président du Conseil départemental de Bignona, partenaire de ce projet, estime que cette agroécologie expérimentée, notamment à Oussouye et Bignona, est une culture biologique qui va préserver l’écosystème et réduire la souffrance des femmes. Pour rappel, pour la première phase test de ce projet d’utilité publique qui a concerné entre autres les villages de Djiromaïte, Niomoune dans le département d’Oussouye, Francounda, Ousseuk et Taw qui disposent d’une parcelle communautaire sise dans le département de Bignona, plus de 200 canards ont été introduits dans les rizières. Et les rendements étaient de 3 tonnes à l’hectare. imane@lequotidien.sn
A LIRE AUSSI...