A Bargny, un parfait inconnu jusque-là est désormais sous les projecteurs depuis quelques jours. Abdoulaye Ndeyseu Samba fait parler de lui grâce à une machine multifonctionnelle et fonctionnant au solaire qu’il a conçue et réalisée en six mois. La vidéo de son invention, largement diffusée sur les réseaux sociaux, l’a sorti de l’anonymat et mis sur une nouvelle voie. Quadragénaire cette année, il intègre ce cercle d’inventeurs en quête d’un brevet pour assurer la protection intellectuelle de son produit qui va changer bien des choses dans le vécu de ses concitoyens.

Abdoulaye Ndeyseu Samba est l’une des belles surprises de ce début d’année. Le natif de Bargny a été sorti de l’anonymat par la magie du web qui a porté les échos de son invention baptisée Ndeysun jusque hors les limites du continent. «La vidéo est aujourd’hui à plus de 200 mille vues et plus de 2 000 partages dans les réseaux sociaux (…). Aujourd’hui, via WhatsApp, je reçois des appels en provenance des Etats-Unis, du Canada et de l’Europe. Il s’agit d’investisseurs qui se disent prêts à collaborer avec moi pour le projet», a expliqué l’inventeur méconnu du grand public, malgré la réalisation en 2009 d’un cuiseur solaire passé presque inaperçu. C’est ainsi avec un grand plaisir qu’il a fait découvrir au journal Le Quotidien son invention installée dans la cour de la maison familiale, sise à Bargny. La machine en question est composée d’un large capteur d’énergie savamment aménagé d’un côté, et de l’autre toute une gamme d’accessoires composée de deux baignoires incorporées pour faire la lessive et la vaisselle, le lavage d’enfants grâce à une chasse à eau, trois robinets servant distinctement de l’eau chaude, l’eau tiède et la dernière à l’eau froide. Le tout, surmonté de lignes pour le séchage du linge. «Les femmes qui ont essayé la machine sont unanimes sur le fait que faire la lessive avec Ndeysun est moins fatigant que de la faire dans la position assise comme à leur habitude. Elles ont plus de force quand elles restent debout tout en dépassant le moins d’énergie», a révélé le concepteur au nombre des points positifs de la «machine révolutionnaire» qui permet de faire la lessive à l’eau chaude dont la température en interaction avec le savon produit un effet cinétique. «Ça devient un catalyseur et la femme fera moins d’efforts pour laver son linge», a-t-il assuré. La gestion de l’environnement n’est pas en reste, car M. Samba a doté la machine d’une conduite pouvant être raccordée à un puisard ou bien branchée sur un réseau d’évacuation d’eaux usées. «Une machine révolutionnaire», comme il le dit et rendu d’autant plus intéressante qu’elle fonctionne exclusivement au solaire. «Le Sénégal est un pays très ensoleillé avec 5.5 kilowatts/heure par mètre carré et par jour», a-t-il relevé sur sa source d’énergie en trouvant paradoxal de délaisser cette énergie calorifique et pas onéreuse au profit d’autres comme le gaz ou encore le charbon. «On ne peut pas avoir une énergie propre et ne pas l’utiliser», s’est ainsi exclamé à ce sujet le «chercheur des week-ends».

Génie de Bargny
Il a acheté 60 mille en matériaux et fait appel à un plombier, un menuisier et un soudeur pour arriver au produit fini qui peut faire bouillir 63 litres d’eau par jour. Abdoulaye Samba, qui est un ingénieur en génie civil en service dans une boîte privée, consacre ses heures perdues à la recherche scientifique, parvenant ainsi à concevoir et réaliser pendant les week-ends et en 6 mois la machine. «Je fais beaucoup de recherches. C’est ma seconde occupation. Quand j’ai une idée en tête, je ne suis tranquille que lorsque je la réalise. C’est comme une poule qui veut pondre. Tant qu’elle ne le fait pas, elle n’est pas à l’aise», a-t-il noté. Une voie dans laquelle il s’est dit heureusement réconforté par les écrits de Cheikh Ahmadou Bamba et Cheikh Anta Diop. «Cheikh Anta Diop invite les jeunes Africains à s’adonner à la recherche scientifique. Il a dit : ‘’Formez-vous, armez-vous de science jusqu’aux dents ! A formations égales, la vérité triomphe.’’ Quand j’ai lu Cheikh Ahmadou Bamba dans Massalikoul djinane dire que la science et l’action sont les meilleurs moyens pour atteindre le bonheur, que la science est meilleure que l’action, car étant son fondement et heureux celui qui l’a acquise, je me suis dit que j’étais alors sur la bonne voie», a fièrement exalté l’inventeur de Ndeysun. Voir son fils réaliser pareille œuvre n’est pas pour autant une vraie surprise chez le père de Abdoulaye. «Un chemin de mille km commence par un pas», a fièrement dit le pater et enseignant à la retraite. «Cela ne me surprend pas, car tout jeune il n’aimait pas les études littéraires. Tout ce qui l’intéressait, c’était les sciences», a-t-il expliqué, rappelant comme anecdote qu’«à 4 ans (déjà), Abdoulaye était toujours à côté de moi et s’essayer à des mesures avec le mètre». L’enseignant à la retraite a affirmé que l’amour pour les sciences est un legs que son fils a reçu de lui. «A 11 ans, il a eu son entrée en 6ème et a rechigné à intégrer le collège. J’ai dû l’amener à Yoff pour poursuivre en section mécanique», a rappelé M. Samba, se réjouissant tout de même que son fils ait consenti à rejoindre l’enseignement moyen pour décrocher le Baccalauréat plus tard. Abdoulaye Samba est ensuite passé par la Faculté des sciences et techniques avec un Dues 2 en prime. Professeur de sciences physiques pendant une seule année en tant que vacataire au bloc scientifique et technique de Saint-Louis, il a bénéficié d’une préins­cription à l’Ecole supérieure polytechnique de Dakar. Une for­mation au sortir de laquelle M. Samba a été reconnu comme ingénieur en génie civil en 2010. Et depuis lors, il est en activité dans ce secteur.

Ingénieur en génie civil
Intégrant en 2020 le cercle des quadragénaires, l’inventeur espère pouvoir aider ses compatriotes à disposer de la machine. Faudra cependant régler quelques préalables en attendant. «La Sodav a bien protégé la machine sur la forme et il me reste la protection technologique», a-t-il dit, faisant savoir qu’il lui est demandé quelque 400 mille francs pour ce faire. «J’étais parti à Aspit, une agence gouvernementale travaillant avec Oapi, qui regroupe beaucoup de pays africains, concernant la propriété intellectuelle et ils m’ont mis en rapport avec un privé. Ceux-ci m’ont demandé 400 mille francs et je n’ai pas ces moyens», a confessé le concepteur ainsi exposé à un plagiat après que la vidéo de son invention à fait le tour du monde. «Il faut qu’il soit breveté pour que l’on sache que c’est une machine entièrement réalisée au Sénégal et par un Sénégalais», appelle-t-il ainsi. Dans ce combat, il a un soutien de taille en la personne de Mamadou Lamine Diallo. Le député qui a été la première personnalité à venir découvrir la machine a été enchanté par l’invention et le génie du quadragénaire. «Abdoulaye Samba est ingénieur polytechnicien comme moi et je suis ravi de voir qu’il y a une jeune génération qui se bat pour maintenir le flambeau», a-t-il d’abord posé. «Il a mis le doigt sur quelque chose qui peut aider les familles sénégalaises, celles rurales surtout. C’est une très belle invention qu’il faut protéger. Nous allons nous battre avec lui pour la protéger», a-t-il enchaîné en affirmant «qu’il est nécessaire pour nos pays de s’engager dans le solaire». Pour le nom donné à la machine, Abdoulaye Samba n’a pas puisé loin. Ndeyseu est son 2ème prénom qu’il a mis à profit, en le sectionnant en deux parties : Ndèye qui veut dire la mère et sun, le soleil en anglais. Le soleil pour faciliter la vie des femmes : Bargny a assuré­ment son génie.