La croissance économique des pays africains n’est pas créatrice d’emplois, ni inclusive, selon l’économiste Kako Nabupko. L’auteur du livre «L’urgence africaine, changeons de modèle de croissance» estime aussi que cette croissance est globalement portée par les secteurs à forte intensité capitalistique.
La croissance économique des pays africains, malgré son dynamisme ces dix dernières années, ne crée pas d’emplois ni de richesse pour le Peuple africain. C’est la conviction de l’économiste togolais, Pr Kako Nabupko, héraut de la lutte contre le Cfa. «La croissance n’est pas créatrice d’emplois, elle n’est pas suffisamment inclusive», a analysé le doyen de la Faculté des sciences économiques à l’Université de Lomé au Togo. Il présentait hier, dans les locaux de Enda, son livre intitulé L’urgence africaine, changeons de modèle de croissance. Pourtant, souligne l’auteur, le continent dispose d’une croissance tout à fait acceptable. «La croissance africaine est la deuxième la plus élevée au monde sur les 10 dernières années», dit-il.
Le problème réside, d’après M. Nabupko, dans l’insertion primaire au sein du commerce international qui fait qu’au final «la croissance du continent peut être forte en tendance, mais surtout volatile un peu au rythme des cours des matières premières», du fait que les pays africains ne transforment pas celles-ci.
L’autre explication de cet état de fait est, selon l’économiste, que la croissance des pays africains se fonde globalement sur les secteurs à forte intensité capitalistique, alors qu’elle n’est pas suffisamment une forte intensité de main-d’œuvre. «Ce qui fait que même si elle est élevée, elle ne crée pas suffisamment de revenus parce qu’étant souvent dans des secteurs à forte intensité capitalistique, comme le secteur minier», analyse Pr Kako Nabupko. Il donne comme exemple la Guinée Equatoriale dont le revenu national brut n’est que de 47% de son Pib. «Chaque année, plus de la moitié de la richesse créée en Guinée Equatoriale ressort du pays parce que le capital n’est pas équato-guinéen. Donc vous allez avoir une activité intense dans le pays qui va se traduire par une hausse de l’immobilier, qui va pousser les populations vers les marges des grandes villes, mais au final, cette population ne va pas s’enrichir parce que le capital ne lui appartient pas», s’est-il désolé. Cette croissance africaine se justifie en outre par la dégradation des termes de l’échange. En fait, explique l’économiste, les prix à l’exploitation ont tendance à être plus faibles que ceux à l’importation puisqu’à l’exportation, il s’agit des prix des produits primaires alors que les prix à l’importation sont des produits transformés.
Le Professeur d’économie invite à travailler encore plus sur le degré d’employabilité lié à la croissance économique dans les pays africains. Pour lui, la démographie du continent noir pourrait constituer une demande pour les produits textiles dont l’Afrique est fournisseur de matière première. «Nous n’avons toujours pas cette incitation à transformer sur place nos matières premières», a regretté l’économiste. A l’en croire, l’Afrique est le seul continent à n’avoir pas encore réalisé sa transition démographique de façon nette. «Sur les 60 dernières années, nous sommes passés de 2,8% par an de croissance démographique à 2,7%. Cette croissance démographique qui peut être un accélérateur de l’émergence africaine pourrait paradoxalement constituer un bolet si elle n’était pas bien gérée», dit-il.