MUSIQUE – Nouvel album de Wasis Diop : Panafricanisme et dialogue Nord/Sud

Le musicien Wasis Diop annonce l’arrivée en avril d’un nouvel album. «De la glace dans la gazelle», est composé de 10 titres entièrement en français. Une façon pour le chanteur de dialoguer avec le reste du monde dans un «élan de panafricanisme et d’ouverture vers les autres». Le public de l’Institut français a eu un avant-gout de cet album ce mercredi.
Saint-Louis, Dakar puis Mboumba. Cette mini-tournée du musicien sénégalais Wasis Diop a cette année une saveur particulière puisqu’elle annonce en effet l’arrivée sur le marché du nouvel album de l’artiste. Ce mercredi soir, l’étape de Dakar a mobilisé le public des grands jours. Les travées de l’Institut culturel français ont refusé du monde. Il faut dire que ce n’est pas tous les jours que le grand Wasis régale son public sénégalais ! Comme à son habitude, c’est dans la décontraction que l’artiste a enchainé les tubes. Une symphonie de notes pures qui ont accompagné la voix rauque du chanteur au grand bonheur de ses nombreux fans. Quelques-unes des nouvelles chansons de son album intitulé «De la glace dans la gazelle», ont été servies en primeur au public dakarois. Au bout de près de deux heures de spectacle, le public en demandait encore, obligeant le chanteur à reprendre sa guitare pour contenter «ses amis» comme il appelle le public. Mais le moment d’émotion a été celui pendant lequel Wasis a rendu hommage à Joe Ouakam en dévoilant sur la scène un magnifique portrait de celui qui était plus qu’un ami. «Nous sommes 6 sur scène, mais il y a une 7e personne qui nous accompagne toujours», dira-t-il avant de dévoiler la toile.
Un album articulé en français
Cet album tranche d’avec les 8 précédents albums de l’artiste. «C’est un album qui va sortir en avril qui est articulé en français justement dans cet élan de panafricanisme et d’ouverture vers les autres», expliquait Wasis Diop la veille, en marge d’une conférence de presse sur le Festival à Sahel ouvert dont il est la tête d’affiche cette année. «Je ne veux plus me limiter au Sénégal. Si je chante en wolof, je chante pour mon village le Sénégal. Moi j’ai envie que les autres villages, je ne dis pas que tous les villageois de ces autres villages parlent français, mais au moins, ouvrir un tout petit peu mon espace d’expression. Quand je parle du Mandé, quand je parle de Soundjata Keïta, de Sogolon, j’ai envie de le partager avec tous les Africains. Si je le dis en wolof, ce ne sera pas un gâchis mais ce sera limité», expliquais M. Diop. Composé de dix titres, le titre éponyme du nouvel album parle du dialogue Nord/Sud. «La gazelle c’est l’Afrique pour moi, la chaleur. La glace, c’est l’Occident. L’un dans l’autre, c’est la voix du milieu, c’est ce que j’appelle le dialogue Nord/Sud. Des mots de glace sur des notes de gazelle», dit Wasis qui, sur la scène de l’Institut français, a donné un spectacle de premier plan. Le temps de présenter ce titre, ce sont ses deux batteurs, Steve et Mark, qui ont montré leur maitrise de la calebasse.
Wasis Diop qui a toujours utilisé sa langue maternelle dans ses chansons, a pris le pari de s’adresser à un plus large public. «Je veux que les Maliens comprennent enfin ce que je dis, les Ivoiriens, les Guinéens, etc. pour un musicien, la langue est un son. Nous sommes dans ce qu’on appelle une population de gens qui articulent une langue ensemble mais il faut qu’on en profite en tant qu’artiste pour justement mieux nous comprendre. Le français est devenu une langue africaine.» Parmi les titres qui figurent sur l’album, «la rose noire», hommage a Doudou Ndiaye Rose, «l’ergot de coq» qui évoque l’histoire de Soumaoro Kanté, puissant roi sorcier qui succomba sous une flèche munie d’un ergot de coq, son talon d’Achille que Nanan Triban, la sœur de Soundjata, sut percer un jour. Et «Ya bon Diop». «On disait Y a bon banania pour se moquer de nous en d’autres temps. Il nous revient à nous artistes d’exhumer cette histoire et d’en faire quelque chose comme mes anciens ont pu sortir un jour le mot nègre du marécage et installer un festival historique qui s’appelait le Festival mondial des arts nègres. C’est cette démarche-là qui m’a inspiré à appeler ainsi cette chanson», explique le musicien qui estime qu’il est temps «d’exhumer l’histoire avec beaucoup de compassion».