L’Union des magistrats sénégalais (Ums), à travers son président, émet des réserves sur la loi criminalisant le viol et la pédophilie. Souleymane Téliko note l’existence de «limites liées à la collecte des preuves pouvant attester de l’imputabilité des viols».

L’Union des magistrats sénégalais (Ums) émet, à travers son président, des réserves sur la nouvelle loi criminalisant le viol et la pédophilie. Le président de cette structure, qui défend les intérêts des magistrats, l’a indiqué hier au cours de l’émission «Le grand jury» de la Rfm. Souleymane Téliko est d’avis que le nouveau texte législatif peut entraîner des conséquences qui ne sont pas souhaitées. Cons­tatant la fin des longues détentions préventives, il ne peut s’empêcher de faire remarquer qu’«il y a des limites liées à la collecte des preuves pouvant attester de l’imputabilité des viols».
Passant à la loupe l’exposé des motifs de la nouvelle loi, M. Téliko souligne qu’«on se rend compte qu’elle est fondée sur le postulat qu’un durcissement des peines pourra permettre d’aboutir à l’effet dissuasive pour les potentiels délinquants et permettre d’autre part à arriver à une répression efficace». Et le président de l’Ums, pour se faire comprendre, de décliner son argumentaire. Ainsi, l’on retient d’abord que «contrairement à ce que l’on peut penser, l’effet dissuasif dépend moins de la sévérité des peines encourues que de la certitude dans le prononcé de la sanction. Or cette certitude ne peut pas être le résultat de la loi et le résultat des enquêtes menées sur le terrain».
Le magistrat indique que «la seconde réserve est que les problèmes rencontrés par les acteurs judiciaires dans les cas de viol, c’est des problèmes d’imputabilité des actes d’agressions sexuelles. Souvent on a des dossiers où c’est la parole de la victime contre celle du prévenu ou tout au plus des témoignages des personnes proches qui ne sont pas souvent pour permettre d’aboutir à une condamnation. Ce qui explique le nombre élevé de cas de relaxe».
La personne morale de l’Ums n’est pas persuadée qu’un durcissement des peines pourra contribuer à une inversion de cette tendance du «nombre élevé des cas de relaxe» puisque, fait comprendre Souleymane Téliko, «des expériences prouvent que les juges sont plus exigeants en matière de preuve pour des peines élevés. Puisque les peines vont jusqu’à la réclusion criminelle, on risque d’avoir un accroissement de décisions d’acquittement ou de relaxe».
Revenant sur le cas Guy Marius Sagna, Souleymane Téliko soutient que le souhait de l’Ums demeure que «l’activiste, qui est un prévenu comme tous les autres, puisse bénéficier des garanties d’un procès équitable».
Evoquant la remise des rapports de la Cour des comptes et de l’Ofnac au chef de l’Etat, le président de l’Ums soutient que «la meilleure manière de garantir une suite probante et efficiente à ces rapports de contrôle, c’est de soustraire le Parquet au contrôle de l’Exécutif». «L’image que les citoyens auront de la justice pourrait être écornée, car ne se trouvant toujours pas en face d’une entité judiciaire qui traite ces dossiers», a encore fait savoir le président de l’Ums. Qui pense fermement que la Chancellerie et le Parquet ont le devoir d’exercer leurs attributions dans le respect de l’intérêt général.