Poète, romancier, biographe, chroniqueur, auteur de plusieurs polars et de recueils de poésie, Tafsir Ndické Dièye a publié un nouveau recueil de poèmes intitulé «La Chandelle de l’amour», préfacé par la conteuse réunionnaise Isabelle Hoareau. Parrain du Festival international «Les Palabres poétiques» de Lyon, dans le cadre du Printemps des poètes en France, lauréat du Trophée d’honneur de l’édition 2017 offert par le Consortium des organisations pour la solidarité issue de la migration (Cosim) Auvergne Rhône Alpes, secrétaire chargé de la presse et de la communication de la Convention nationale des écrivains et éditeurs du Sénégal (Conees), un syndicat affilié à la Csa, M. Dièye nous invite à un voyage «poétique» où la puissance de ses rêves se mêle au rejet d’une société barbare et funeste, «où s’affrontent l’orgueil, la démagogie et l’hypocrisie». L’auteur n’a pas manqué, lors de cet entretien, d’aborder l’épidémie du Covid-19, qui est en train de faire des ravages au sein de l’humanité.

Votre préfacière, la conteuse réunionnaise Isabelle Hoareau, dit : «Dans le recueil «La Chandelle de l’amour», Tafsir nous convie à un voyage poétique où la puissance de ses rêves se mêle au rejet d’une société barbare et funeste où s’affrontent l’orgueil, la démagogie et l’hypocrisie.» Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ce propos de Isabelle Hoareau, que je remercie pour sa disponibilité, a campé la thématique du recueil qui cherche des réponses à une question centrale : sommes-nous satisfaits de notre Humanité qui se modernise à outrance, s’industrialise, se numérise, tout en se déshumanisant ? Nous vivons dans un monde secoué de tous bords par une grande confusion, une grande incompréhension et une grande indifférence à autrui et, ce n’est pas pour vous décrire un tableau trop sombre de la réalité que je le dis. L’inquiétude est partout présente. Dans ce genre de situation, le poète s’arroge souvent le devoir de puiser dans son inspiration, les mots qu’il faut pour s’attaquer à nos maux insupportables et, souvent mortels.

Justement, nous constatons que les turpitudes de la politique en Afrique occupent une place importante dans vos recueils de poèmes, en atteste la partie IV de «La Chandelle de l’amour» titrée : Politiques de pourriture. Qu’est-ce qui explique cela ?
Observez vous-même, autour de vous, en Afrique et même ailleurs dans le monde : le pouvoir politique change souvent d’aspect mais jamais de nature, pour paraphraser Bertrand de Jouvenel dans son célèbre ouvrage intitulé Du pouvoir, histoire de sa croissance, où il démontre comment, chaque soubresaut de la démocratie conduit, par une sorte de fatalité historique, à l’incessant renforcement légal du despotisme.
Le citoyen normal attend toujours de son régime politique des initiatives en mesure d’amoindrir les souffrances de son Peuple ; ce qui n’est pas l’apanage de ces tyrannies que nous vivons souvent en Afrique, qui multiplient les excès et les scandales de tous ordres, en éclipsant la qualité, la concurrence saine, démocratique, transparente et équitable. Ce qui est un signe manifeste d’une volonté de promouvoir les contre-valeurs et la médiocrité aux conséquences dangereuses pour les masses populaires, les sans-voix.
Dans cette partie de mon recueil, La Chandelle de l’amour, oui, je reviens sur toutes ces politiques de pourriture qui gangrènent le bien-être des peuples africains.

La thématique de la mort aussi est très présente dans ce recueil…
En effet, je lui ai consacré une partie entière intitulée Mausolée poétique. Un personnage de mon roman policier intitulé : Ces fossoyeurs de la république, publié en juillet 2005 au Québec, disait : «Ils n’ont plus de repères et, sans repères on se perd.» Dieu merci, des repères pétris de qualités humaines, j’en ai une multitude, ils constituent mes références. Certaines de mes références ne sont plus de ce bas-monde, d’autres sont encore vivantes. J’ai voulu accorder à chacune de mes défuntes références, un mausolée poétique qui sied à son legs religieux et socioculturel.

Pouvez-vous nous en citer un ?
Imam (Feu El Hadji Omar Dièye, mon père). Vaillant paysan dans le champ du divin, ses actions étaient des graines, des levains qui fermentaient les élixirs de la bonté. Du chemin de Dieu, sa foi n’a jamais dévié. Son cœur d’or battait au rythme de la gloire divine.
Blanc immaculé et pur, son sourire de pleine lune appartenait aux louanges dédiées à son Prophète. D’une piété sans reproche, Imam était un poète. Il préférait les lueurs du Coran aux leurres du matériel, le soleil de la spiritualité à la brume du temporel. Qu’il se promène sur les collines verdoyantes du paradis parmi les élus de Dieu, les fontaines et les jardins inouïs. Si seulement, il était encore en vie, de gratitude, exulterait ma vie. Cigogne dans les arcanes de sa pensée, je resterai. Priant et chantant les éloges de ses mérites exaltés.

Quelles sont les thématiques des autres parties qui composent ce recueil ?
Comme l’explique le résumé à la quatrième de couverture, La Chandelle de l’amour offre sa lumière faite d’amour, de fraternité et d’espoir pour un monde plus juste et plus solidaire. La première partie s’appelle L’Elixir de l’amour, elle sublime l’amour dans ses dimensions les plus utiles à l’être humain : l’amour de la vertu, l’amour du divin, l’amour passion, l’amour charnel lorsqu’il ne verse pas dans la dépravation.
Les deux parties qui complètent le recueil, à savoir la troisième et la cinquième, s’intitulent, respectivement : De mes pérégrinations poétiques et, Hommages. De mes pérégrinations poétiques, cette troisième partie du livre revisite mes voyages à l’intérieur du Sénégal, en Afrique, en France, dans les Caraïbes, etc. dans le cadre de mes activités littéraires et culturelles, et fait une peinture poétique des paysages, des réalités socioculturelles rencontrées, des fraternités et amitiés tissées, bref, c’est une sorte de carnet de voyage poétique.

Des voyages qui vous ont apporté beaucoup d’honneurs, paraît-il ?
Les plus récents, je les ai reçus entre 2018 et 2019 en tant que l’un des écrivains Invités d’honneur du Festival international Efrouba du Livre de la Côte d’Ivoire en compagnie des écrivains Mamadou Samb et Dr Ndongo Mbaye et, du Festival international du livre, Le Souffle de l’Harmattan du Tchad, en compagnie de ma poétesse préférée, Fatou Yelly Faye Wardini.
En 2018 d’ailleurs, le Raid Latécoère Aéropostale m’a fait l’agréable surprise d’apposer l’une de mes citations sur la paix sur ses avions lors de la célébration de son centenaire, à côté de celle de Antoine de Saint-Exupéry. Toutefois, pour moi, ce n’est pas le plus important…

Et dans la cinquième partie…  
Dans la cinquième partie intitulée Hommages, je reviens sur la vie et l’œuvre de deux monuments de notre vie culturelle et artistique qui ont beaucoup apporté à l’image du Sénégal et de l’Afrique au plan international, en l’occurrence le Grand tambour major feu Doudou Ndiaye Rose et l’éminent peintre Mamadou Dia­khaté, qui vit entre l’Alle­magne et le Sénégal. Leur contribution à l’évolution de l’art, dans leur domaine respectif, m’a beaucoup marqué. Je partage ici, avec le lecteur, ce que j’ai retenu de leur humanisme et de leur parcours exemplaire.

Dans la postface, Marie Serge Marcel dit que votre recueil est le cri de désespoir d’un écorché vif devant tant de laideur, d’injustice et de barbarie…
Je la salue au passage, elle dit aussi ce qui suit : «Il se pose la question sur comment changer les choses : en les brûlant ? En se révoltant ? Par l’amnésie ? Par la résilience et la confiance ?» Simplement parce que, comme l’a dit un personnage de mon roman Sacrifice satanique publié en 2015 par Edilivre à Paris, toutes ces certitudes qui nous rassurent, finiront un jour par nous engloutir dans un gouffre sans fin. Nous devons alerter, nous devons sonner le réveil, avant qu’il ne soit trop tard.

Ce jour n’est-il pas finalement arrivé ? Le monde semble être englouti dans «un gouffre sans fin» avec l’avènement du Covid-19, n’est-ce pas ?
En tout cas, concernant cette pandémie mondiale, je constate encore que le Bon Dieu a encore bon dos. «C‘est le bon Dieu», clament certains. Dans «Populorum Progressio», encyclique publiée en1967 par le Pape Paul VI, celui-ci nous mettait en garde contre «le libéralisme sans frein». Sans doute pensait-il de façon prémonitoire à ce mondialisme barbare, avec en bandoulière son Nouvel ordre mondial qui dérègle Tout, pour la satisfaction d’un groupuscule d’individus dont l’unique religion est l’Accaparement, sans état d’âme, des pouvoirs d’influence et d’argent. Et rien n’échappe à leur cupidité et leur boulimie du pouvoir, ils corrompent la science et tant d’autres secteurs de notre existence pour satisfaire leur Gentry, par un égoïsme cynique.
J’espère qu’au sortir de cette catastrophe humanitaire planétaire, le monde va en tirer les leçons idoines. Il nous faut retrouver, au plus vite, un monde plus sain, plus juste, plus équitable et plus solidaire.

Est-ce que la manière dont l’Etat gère cette pandémie dite du coronavirus vous donne satisfaction ?
Que je sois satisfait ou pas de la façon dont notre gouvernement gère cette situation nouvelle, n’est pas important. L’essentiel est de souhaiter que notre Peuple en sorte indemne et que cette pandémie soit vaincue partout, à travers le monde. Peut-être que demain, avec le recul nécessaire à une investigation en profondeur, vous lirez, dans une de mes prochaines parutions Inch’Allah, ma réflexion sur cette affaire.
En attendant, comme tout un chacun, suivons les recommandations des spécialistes du ministère de la Santé en matière de mesures barrières, de mesures préventives. Je félicite nos vaillants agents du secteur de la santé et les encourage. Je vous renouvelle mes remerciements et invitent vos lecteurs à s’approprier les 128 pages de La Chandelle de l’amour, ma nouvelle parution poétique chez mon Editeur Edilivre à Paris Saint-Denis, elle est disponible en Version papier et en Version numérique auprès de mes diffuseurs habituels comme Amazon. Que Dieu protège notre Humanité contre le coronavirus.