La peur, sentiment naturel, c’est évident ; mauvaise conseillère, on le savait ; piètre gouvernant, on a en la preuve aujourd’hui.
La déshumanisation. La stigmatisation facile. La suspicion généralisée.
Vous n’avez plus de nom, vous n’avez plus de statut, sauf un stigmate («modou-modou», «étranger», «émigré», etc.).
Mais surtout vous n’êtes plus une personne, mais un cas.
Il y a ceux/celles dont on débite mondialement les statistiques à longueur de journée («cas importé», «cas contact» et «cas communautaire»). Quand vous êtes fiché «cas importé», on a tendance à pointer votre manque de responsabilité (qu’est-ce qu’il a eu à foutre de nous emmener cette fichue maladie, alors qu’on a bien demandé à chacun de rester chez soi ?) ; le «cas contact» est plus souvent vu comme une victime du premier, sauf s’il s’échappe et se fond dans la nature, alimentant de façon non traçable le troisième «cas de figure». Le fameux cas communautaire (ou, ce qui revient au même, «cas issu de la transmission communautaire»), autrement dit ceux/celles qui ont eu la mauvaise idée de «choper» le machin sans que l’on sache par qui cela est passé. Il/elle n’a pas bonne figure puisque c’est son cas qui inquiète et empêche toute crédibilité à la sempiternelle «nous maîtrisons la situation»…
Les médias ne sont pas en reste. On titre (je n’ose pas dire «allègrement») que tel Cas «a infecté» tant de personnes de son entourage familial ou professionnel… Même s’il n’a pas manqué de comportements irresponsables et incompréhensibles dans le «cas d’espèce», la façon facile et sans nuance dont on jette en pâture des concitoyens «attrapés» par cette maladie est inquiétante. Même les rescapés, «déclarés» (comme on le précise officiellement) guéris, font peur et aussi les «asymptomatiques» qui sont nulle part et partout, aussi invisibles et «dangereux» que le virus…
La dernière catégorie, c’est nous, nous tous jusqu’à ce que nous sachions si nous sommes ou non atteints. Et encore…
Chacun de nous est donc un «cas suspect». Suspect de quoi ? De vivre dans un environnement où circule le virus ou au contact de personnes chez qui il a pénétré. Nous tous, d’abord et surtout ceux/celles qui ont aménagé cette catégorisation, ceux/celles qui égrènent les statistiques concernant les personnes fichées. Mais malheureusement, d’abord, ceux/celles qui sont au premier front de la lutte pour faire finir la pandémie.
Corona n’y échappe point, qui est largement stigmatisé. Même au journal télévisé de la chaîne officielle, le présentateur vitupère sans retenue contre cette «bestiole». On l’imagine vicieuse, guettant le moment propice pour nous pénétrer ; on parle de «saleté» ; on la honnit au motif qu’elle parasite et détruit notre corps et parfois (trop souvent pour nous), nous ôte la vie ou celle d’êtres qui nous sont chers.
Pourtant nous-mêmes, au sommet de ladite «chaîne alimentaire», usons et malheureusement abusons allègrement des créatures qui sont avec nous sur terre. Et de cette dernière, ainsi que de ses généreuses ressources. Pour nous autres croyants, nous nous appuyons sur la permission à nous donnée par le Créateur, du Haut de sa Miséricorde, afin que nous nous en nourrissions, sans jamais abuser. La priorité étant donnée au Droit absolu de Dieu et à nos devoirs d’être son digne représentant sur tous nos besoins ou droits relatifs. N’empêche que ce monde fait voir que l’Humain, pour son confort, son plaisir, ou simplement son loisir, s’autoproclamant maître et possesseur de ce qui peuple la terre, agit souvent comme le pire des «parasites»… Passez-moi l’expression !
Tout cela pourrait paraître superfétatoire, face aux drames quotidiens qui se jouent et qui privent de santé, de liberté, de vie… Sauf que cela nous amène à renforcer plus que nécessaire la psychose, la défiance entre nous, la stigmatisation et la diabolisation de ceux qui sont touché(e)s, alimentant des comportements de déni, de fuite, des frustrations et violences symboliques ou réelles, structurelles ou physiques…
Une communication non formelle qui dégage une odeur de panique, de désarroi et de sauve-qui-peut, que la parole experte ne dissipe point ; d’où des stratégies dictatoriales dont on souhaite qu’elles produisent au moins l’effet escompté tout en sachant que…
De faibles voix s’élèvent pour dire – malgré l’auto-blocus économique auquel il nous force – que cette maladie en est une comme les autres, qu’elle n’a rien de honteux, même si elle nous impose un retour aux vertus simples de prévention/préservation de notre santé, notre alimentation, notre civisme, notre responsabilité individuelle et collective. Je n’aimerais pas être traité ainsi, le «cas échéant», et ne suis donc point d’accord avec ce que note et ressent chaque jour…
Je ne sais pas si je serai épargné ou non et je ne veux donner de leçon à personne. Mais quelque chose me dit que si nous mettions un surcroît d’humanité dans notre façon de considérer et donc de traiter nos frères et sœurs, nos voisins et concitoyens du monde que la maladie affecte, ainsi que dans la façon dont nous traitons les autres créatures, nous gagnerions le combat essentiel pour un monde convivial à toutes les créatures et à la terre nourricière, seule condition de notre propre survie et pour une vie remplie de sens (et non des toutes futilités par lesquelles nous remplissions et que nous avons vite abandonnées comme on essentiel, dès que le signal «danger» fut activé), de solidarité et de hauteur d’esprit.
Humainement vôtre, corrigez-moi si je me trompe !
Je prie.
Que le Seigneur nous protège tous et toutes, guérisse les personnes atteintes et rafraîchisse les yeux de ceux/celles qui ont souffert de la perte d’êtres chers, après nous avoir débarrassés de cette pandémie. Et que Dieu nous accorde une réforme complète et sincère de ce que nous sommes et de ce nous œuvrons sur cette extraordinaire planète dont nous avons hérité.
Musaa MBAY
moussa.mbaye1@gmail.com