Les populations de Ndingler ont rejeté la proposition de Babacar Ngom, rendue publique par le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye qui avait annoncé une solution provisoire de sortie de crise. Ces paysans, en contentieux avec le fondateur de la Sedima, ont en plus décidé d’investir les périmètres litigieux demain pour entamer les travaux champêtres.
La tension n’est pas retombée à Ndingler. La solution trouvée par le ministre de l’Intérieur dans l’affaire du foncier qui oppose le patron de la Sedima aux villages de Ndingler et de Djilakh tombe à l’eau. 48h après la visite de Aly Ngouille Ndiaye, la population de Ndingler, en conférence de presse hier, a tout simplement déchiré la note du ministre de l’Intérieur qui avait annoncé une solution provisoire à ce problème foncier qui oppose le milliardaire aux villageois. Cette position ramène tout le monde au statu quo.
Par ailleurs, les populations de Ndingler, qui donnent rendez-vous demain à Babacar Ngom, ont décidé de labourer leurs champs. Tête de file de la résistance villageoise, Abdoulaye Dione, ancien chef du village, bande les muscles : «Que M. Ngom sache qu’on va se mobiliser mardi (demain) pour aller cultiver nos champs et cette décision est irréversible. Babacar Ngom ne doit pas nous forcer pour accaparer la terre d’autrui et en être le propriétaire. Ces terres, on les a trouvées là et elles sont à nos grands-parents qui les cultivaient. Donc personne ne pourra faire des démarches pour qu’on délaisse nos terres.» Samba Sène, natif du village, embouchant la même trompette, appuie : «Nous sommes déterminés pour en découdre avec M. Ngom. Et mardi, nous irons dans les champs très tôt pour montrer à Babacar Ngom que Ndingler est plus que mobilisé, déterminé et prêt pour faire le sacrifice qu’il faut pour retrouver ses terres, quitte à y laisser nos vies.»
Aujourd’hui, la situation reste très tendue, surtout que les habitants de Ndingler ne sont pas près de céder «malgré les pressions». «On se veut très clair. On n’est pas prêt pour la délocalisation de nos terres, ni pour aujourd’hui ni pour demain. Babacar Ngom ne nous a rien prêté. Au contraire, c’est lui qui veut accaparer nos terres. Qu’il sache que nous n’allons jamais tourner le dos à nos valeurs pour lui donner ces terres», avertit le patriarche. «C’est une provocation», renchérit Abdoulaye Dione. Il demande au patron de la Sedima d’aller chercher ailleurs pour assurer l’expansion de son entreprise. «Il n’a ni bail ni titre foncier à Ndingler, car notre village ne fait pas partie de la commune de Sindia. Depuis quand il est devenu amnésique ? Quand la commune de Sindia a délibéré, il est venu ici en compagnie du sous-préfet de Fissel-Mbadane, de Gana Gningue, maire de Ndiaganiao, pour nous dire que la commune de Sindia lui a octroyé 300 hectares et il a vu qu’il y a dans le délibéré 80 hectares qui ne font pas partie de la commune de Sindia et le chef de village lui a clairement signifié qu’il n’y a pas de terres à vendre ici», se souvient Samba Sène.
Mardi de tous les dangers
Par ailleurs, le Comité pour la défense de Ndingler a du mal à croire à la sincérité de la médiation du ministre de l’Intérieur. Sombelle Tine, membre de ce comité, ne cache pas ses inquiétudes : «C’est un piège énorme qui se cache derrière cette médiation. Je pense que quand tu viens pour faire une médiation, il faut commencer par discuter avec les habitants. Mais aller dans les champs et prendre des mesures sans aviser les gens et ensuite aller dans la presse pour dire que Babacar Ngom a prêté les terres à la population de Ndingler, cela ne nous concerne pas. Babacar Ngom, depuis quand il a pris nos terres ? Et il y a des parcelles qu’il loue au plan Reva. Est-ce qu’il a fait état de cela dans son discours ?»
Dans le compte rendu détaillé de sa deuxième visite à Ndingler samedi, le ministre de l’Intérieur s’était montré très optimiste par rapport à ce litige foncier : «J’ai effectué ce samedi 18 juillet 2020 un déplacement à Ndingler en vue de trouver un compromis dans le conflit foncier opposant M. Babacar Ngom aux populations de Ndingler. Suite aux concertations, une solution provisoire a été proposée afin de permettre aux agriculteurs de démarrer leurs travaux champêtres en ce début d’hivernage.» Il ajoute : «M. Babacar Ngom a mis à la disposition des populations une partie des terres de son titre foncier, représentant une centaine d’hectares. Séance tenante, un géomètre a déjà débuté les délimitations nécessaires afin de permettre à une quarantaine de familles d’exploiter chacune des terres cultivables pour cet hivernage. Les discussions se poursuivront en vue de trouver une solution définitive.»