Dans une famille, quand un enfant est confronté à de sérieux problèmes, il s’en ouvre naturellement à ses parents, à ses proches ; quand un agent de l’Etat vit un drame lié à sa fonction, c’est donc vers son employeur qu’il se tourne et en ultime recours vers le chef de l’Etat, le père de la Nation.
Cet enfant-ci vient de boucler une carrière d’une trentaine d’années au service de l’Etat et de ses concitoyens. Comme lui, c’est plus d’un millier de travailleurs qui sont partis à la retraite depuis le 31 décembre 2019. Partis pour jouir de leurs droits…entre-temps, d’autres ont rejoint cette cohorte des sans-voix qui n’ont personne pour crier l’angoisse existentielle qu’ils vivent en ce moment. Qui s’intéresse à leur sort ? Où sont syndicats et leaders d’opinion ?
En temps normal, on faisait avec nos intolérables et  insupportables lenteurs administratives, fast track, cadence à accélérer, modernisation et proximité de l’Administration… Tous ces slogans n’ont pas pu en venir à bout et sonnent malheureusement comme un aveu d’impuissance devant notre laisser aller légendaire. Puis est survenue la Covid-19, comme un cafard dans la sauce ! Administration désertée, agents auto confinés, dossiers en souffrance dans des bureaux vides depuis près de quatre mois ! Et parmi ces dossiers figurent ceux des nouveaux retraités qui prennent leur mal en patience, en silence, depuis lors. Sept mois sans jouir de sa pension ! D’un statut de principal soutien familial, beaucoup se sentent désormais comme un poids social, perdent jour après jour de leur rang de pater familias (pour les hommes). Ils sont si discrets maintenant, on ne les entend plus, ils ont pleine conscience de la précarité de la vie. Combien de ménages risquent-ils de vaciller ?
A qui la faute ? Faut-il tout mettre sur le dos de la Covid-19 ? Plutôt que de polémiquer, nous interpellons la sollicitude du chef de l’Etat devant la détresse de ces «non traités», surtout en cette veille de Tabaski. Après trente années de bons et loyaux services, quel musulman aurait pu s’imaginer dans l’incapacité financière de payer un mouton à sa famille ? Sept mois sans pension, sept mois de dettes… et cet endettement en cours pour la fête. En attendant de rencontrer le diable…pour lui tirer sa queue, que peut-on faire maintenant ?
Que le Président Macky Sall, qui va sacrifier au rituel de la Tabaski, en chef de famille compatissant, fasse diligenter ce dossier délicat des nouveaux retraités. Un coup de fil aux ministres de la Fonction publique et des Finances suffit pour décanter temporairement la situation ; en un clic, le ministre des Finances connaît le nombre de ceux-là qui n’émargent plus au budget de l’Etat, ceux-là à qui il a été notifié leur radiation depuis belle lurette. En fonction de leur grade, pourquoi ne pas leur allouer une somme forfaitaire, à régulariser plus tard, et leur permettre ainsi de jouir de leur première Tabaski comme nouveau retraité ? Comme beaucoup de secteurs impactés, cette catégorie ne peut-elle pas bénéficier des fonds de la Covid-19 ? Et des kits de denrées alimentaires ?
Voilà un cri du cœur que nous avons voulu transmettre, au nom de tous les concernés, au «chef de famille» à qui l’on ne dit pas tout sur les déboires de certains de «ses enfants», la bienséance aurait voulu qu’on ne s’adressât pas directement à lui, mais notre Administration étant ce qu’elle est, le court-circuit est souvent salutaire, pour la bonne et juste cause. Dans l’espoir d’une bonne fête de Tabaski, pour tous !
Albert FAYE
Professeur, Thiès  
palodial59@gmail.com