Les derniers rapports de l’Ige épinglent nombre de structures de l’Etat. Mais la Secré­taire nationale à la communication interne du Pds n’espère pas des suites judiciaires dans ce sens parce que sous le régime actuel, les rapports des corps de contrôle «finissent sous le coude». Dans cet entretien, Nafi Diallo constate, par ailleurs, que sur la gestion du Covid-19, «le Général Macky a finalement lâché ses troupes».

Quelle lecture faites-vous de la publication des rapports de l’Ige ?
D’une part, les Sénégalais sont désormais habitués avec le régime actuel à ce que les rapports finissent «sous le coude» du Président Macky Sall. Ce sont ses propres mots. Une fois de plus, les rapports qui lui sont transmis feront les choux gras de la presse, les Sénégalais dénonceront avec la dernière énergie pour que, finalement, tous ces dossiers passent par pertes et profits. D’autre part, et si nécessaire, il utilisera certaines conclusions et recommandations à des fins purement politiciennes. En effet, dans son propre camp, il est perceptible qu’il s’y mène des batailles internes de positionnement politique post-Macky Sall. Au besoin, ces rapports lui serviront d’épée de Damoclès afin de mettre au pas les plus opiniâtres en vue des futures joutes électorales. C’est tout cela qui est déplorable depuis 2012, les rapports des différents corps de contrôle ne sont nullement utilisés à des fins de bonne gouvernance, d’éthique et de morale mais uniquement pour régler des comptes politiques. Hélas !

Que pensez-vous de l’ultimatum du président de la République à ses ministres de procéder à leur déclaration de patrimoine d’ici à la fin août ?
A la lecture de l’article 2 de la loi n°2014-17 du 2 avril 2014 votée depuis 2014 par les soins de ce même régime, et des propos de Macky donnant un ultimatum à ses ministres afin qu’ils déclarent leur patrimoine sous 45 jours, nous constatons la déliquescence, pour ne pas dire l’état de délabrement de notre pays quant aux questions de bonne gouvernance. Lorsqu’un gouvernement ne peut respecter les lois de la République dont il s’est lui-même doté, comment peut-on espérer que la déontologie soit de mise dans tous les services de l’Etat, plus précisément de l’Administration publique ? Vous constaterez avec moi que nous sommes à mille lieues de leur fameuse comptine électoraliste de 2012 autour d’une hypothétique «gouvernance sobre et vertueuse». Celle-ci que nous vivons me paraît bien «sombre et tortueuse».

Est-ce votre avis aussi qu’on doit lui rappeler que lui non plus n’a pas déclaré son patrimoine après sa réélection ?
Absolument, c’est également mon avis. Je pense que même s’il n’y est pas astreint au vu de la Constitution qui stipule que la déclaration de patrimoine est obligatoire pour «tout Président nouvellement élu», je fais mienne la célèbre maxime qui dit que «le véritable progrès démocratique n’est pas d’abaisser l’élite au niveau de la foule mais d’élever la foule vers l’élite». Qui plus que le Président peut impacter, par l’exemple, tous ses collaborateurs mais bien au-delà ? En étant un modèle, il peut influer positivement, sur non seulement ses ministres qu’il a apostrophés publiquement, mais sur tous les administrateurs de crédit et surtout, c’est le plus important, sur les générations futures. A titre illustratif, j’évoquerai son prédécesseur, le Président Wade, qui, en 2001, avait fait une déclaration de patrimoine détaillée, publiée dans les quotidiens de la place, dans laquelle et, à titre introductif, il précisait qu’il n’était pas concerné par cette règle qu’il a lui-même introduite dans la Constitution de 2001 mais qu’il souhaitait être le premier à montrer l’exemple. En effet, il avait été élu président de la République sous l’égide de la Constitution de 1963. Par conséquent, cet article de la Constitution ne s’appliquait pas à lui. C’est à cela que j’invite le Président Macky Sall. Et même plus, la démocratie n’étant pas statique, je pense qu’il peut améliorer cette disposition constitutionnelle en élargissant le champ d’application à tout Président élu ou réélu.

Votre parti, le Pds, a boycotté le Dialogue national. Mais pensez-vous au moins que le dialogue politique doit reprendre pour éviter un autre report des Locales ?
Je pense, plutôt, que ce dialogue politique auquel nous Sénégalais avons assisté via la presse, n’a de raison d’être que pour donner procuration et quitus à Macky Sall afin de reporter, de décaler à sa guise, le calendrier électoral.

Votre chargé des questions environnementales a annoncé une plainte contre Abdou Karim Sall. Mais quelles mesures le président de la République devrait-il prendre dans cette affaire des gazelles Oryx ?
Je voudrais souligner à quel point ce communiqué du frère Mamadou Diouf, à la demande du Président Wade, pose le véritable débat de l’heure dans les grandes démocraties. Le communiqué soulève les véritables enjeux politiques du moment, les réelles problématiques de l’heure avec le combat universel autour des questions environnementales. En effet, nous ne sommes plus à l’ère des débats institutionnels, constitutionnels, etc., puisque les textes ont, peu ou prou, tout réglé sur ces questions pré-citées. Nous sommes à une époque où la terre est menacée par de multiples facteurs : le réchauffement climatique, la disparition des espèces végétales et animales, l’épuisement de la biodiversité… Et, c’est en cela que ces questions sont au cœur du débat public dans tous les sommets internationaux mais aussi dans tous les pays avancés. C’est d’ailleurs pour cela que nous constatons la montée en puissance des Verts partout en Europe, lors de toutes les élections passées. Je suis heureuse de dire que le Président Wade a très tôt compris qu’il faut enfin placer ces questions de survie de l’humanité au cœur du débat public. Il a eu à le démontrer par le passé avec ses grands projets telle la Grande muraille verte, ou alors ses solutions proposées sur le réchauffement climatique ou l’érosion côtière. Et c’est dans ce contexte, quand le monde est plus que jamais déterminé à laisser un legs aux futures générations, que nos ministres de la République infligent ce traitement à des espèces rares, en voie de disparition tels les Oryx. C’est inadmissible ! Et c’est d’autant plus gênant que le Sénégal a signé en 1992, à Rio, la Convention sur la diversité biologique (Cdb) qui a été ratifiée en 1994. Macky Sall doit d’abord, et tout simplement, faire respecter la signature internationale du Sénégal en faisant respecter les pactes et conventions ratifiés par notre pays. Ensuite, il devra permettre à la justice sénégalaise de faire son travail dans le cadre des plaintes déposées contre les ministres concernés. Sans entrave.

Quelle lecture faites-vous alors de la gestion du Covid-19 par l’Etat ?
Je profite de cette question pour féliciter, encourager et remercier le corps médical. Ils sont des héros. Ils font face quotidiennement à cette pandémie, dans des conditions très difficiles. Nous avons tous lu le cri du cœur du Professeur Seydi afin que le matériel de protection pour la profession soit suffisant. Cela dit, personne ne peut expliquer clairement la vision globale du gouvernement face à cette crise. Malgré le fait que tous, unis, se soient rangés derrière le président de la République, nul ne comprend quelle a été sa méthodologie de lutte contre le Covid-19. Aucune des mesures annoncées n’a été pérenne ni clairement productive. J’ai le vif sentiment que nous avons tourné en rond pour revenir à la case départ. Le Général Macky a finalement lâché ses troupes, impuissant pour proscrire la propagation du virus. Finale­ment, nous «devrons vivre avec le virus», nous dit-il. Et j’y ajoute : au petit bonheur la chance. Dès lors, il est évident que des bilans sectoriels de la gestion de la crise seront une demande collective nationale. Avoir soutenu le président de la République dans cette guerre que nous devions mener, tous ensemble, de manière patriotique, n’absout en rien le fait que des comptes seront demandés. Le soutenir, en tant que premier des Sénégalais, n’est aucunement un blanc-seing pour une gestion opaque des ressources collectées. Par exemple, les scandales dans la gestion des fonds, des produits alimentaires devront être éclaircis. Il nous le doit.

Le chef de l’Etat, qui avait reçu des leaders politiques dont une délégation de votre parti, devait-il user des mêmes formes avant de lever l’Etat d’urgence ?
Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Cependant, pour le parallélisme des formes, et par égard pour ceux qu’il avait reçus au palais de la République, il pouvait le faire. Ainsi, il pourra leur expliquer ses actions durant cette crise sanitaire. Mais en sus, il lui sera loisible de discuter des axes économiques conjoncturels et structurels à établir pour la période post Covid-19. Il est évident que la relance de notre économie qui est complètement à terre avec un taux de croissance prévu autour de 1.5/1.8, nécessite des discussions inclusives.

De plus en plus, l’on évoque un éventuel gouvernement élargi à l’opposition. Trouvez-vous opportun un remaniement et le Pds est-il prêt à travailler avec Macky Sall ?
Vous savez, très objectivement, je n’ai pas vu les impacts positifs sur le Peuple suite aux précédents remaniements. J’ai l’impression que nous assistons en permanence à un sempiternel jeu de chaises musicales. Par conséquent, les causes produisant les mêmes effets, le résultat demeure le même. Un remaniement serait profitable aux populations que si la réelle compétence, l’aptitude, la connaissance, la rigueur et l’éthique sont les éléments décisifs pour le choix des femmes et des hommes qu’il aura nommés. Vous savez, le Pds est un très grand parti avec un grand leader à sa tête, mais nous avons des instances. Parmi elles, certaines sont habilitées à prendre des décisions de ce type. Vous comprendrez aisément que cette décision n’est pas de mon ressort. Cependant, je peux vous affirmer, avec la plus grande fermeté, qu’à aucun moment des discussions autour d’un quelconque entrisme du Pds dans un gouvernement de Macky ne se sont tenues. Plus personnellement, je n’ai jamais entendu ou lu le Président Wade évoquer cette question. Et, encore moins notre candidat, qui est également le Secrétaire national chargé de l’Orientation et des stratégies du parti. Le Pds est plutôt concentré sur la préparation de sa prochaine activité, qui est une action phare du parti, qu’est le placement des cartes de membres du parti. Nous attendons la levée du confinement par le Secrétaire général national pour nous déployer sur l’ensemble du territoire national et dans la Diaspora.