En visite à Nouakchott, le Président Macky Sall rencontre son homologue mauritanien pendant que le courant diplomatique est en courant alternatif. Car la mer agite souvent les relations entre les deux pays.
Le chef de l’Etat ne devrait pas perdre le Nord à Nouakchott. Il devra plus tôt essayer de dégager les nuages du ciel diplomatique des deux pays, qui entretiennent des relations pratiquement glaciales. C’est le temps qu’il fait en haute mer, qui ondule ses vagues en furie vers Guet-Ndar, qui a eu, au lendemain des derniers événements sanglants, une réaction pas du tout diplomatique. A Nouakchott, le Président Sall va jeter les bases d’une nouvelle coopération entre les deux pays. Qui devra offrir un filet de sécurité aux pêcheurs sénégalais, qui parcourent l’Atlantique à la recherche de zones poissonneuses.
Dans les accords économiques, qui lient les deux pays, la pêche artisanale aux étrangers, n’en fait pas partie. Ils n’accordent aucun allègement aux pêcheurs étrangers, qui sont constitués notamment de ressortissants sénégalais dans les eaux mauritaniennes où sont arrêtés souvent des Sénégalais pour pêche illicite. Cette disposition juridique, datant de 2012, qui réserve la pêche artisanale aux Mauritaniens, a été réactivée le mercredi 25 janvier 2017.
Elle a été prise au lendemain de la chute de Yahya Jammeh, qui était le relais du Président mauritanien dans le ventre du Sénégal. Cette intervention de la Cedeao, parrainée par le Sénégal et le Nigeria, a fortement déplu au Président Aziz, qui a joué la montre jusqu’au bout pour tenter de sauver l’ex-homme fort de Banjul.
La diplomatie l’emporte sur les droits de l’Homme
En tout cas, ces dernières années, c’était une relation de “je t’aime, moi non plus” à cause de la susceptibilité des autorités mauritaniennes sur certaines questions notamment l’esclavage. Il y a quelques mois, une conférence de presse des Ong de défenses des droits de l’Homme, qui dénoncent l’esclavage en Mauritanie, a été annulée à la suite de pressions des autorités sénégalaises, après une protestation de Nouakchott. Seydi Gassama, directeur d’Amnesty International au Sénégal, expliquait cette décision par le besoin de vouloir protéger les ressortissants sénégalais basés en Mauritanie. «Je dois avouer qu’à nous-mêmes également l’Etat du Sénégal nous a exprimé ses préoccupations. Surtout que les bruits entre les deux pays ont tous des répercussions sur les populations. Il y a eu des actes de représailles, soit contre des pêcheurs, soit contre des Sénégalais qui seraient en situation plus ou moins irrégulière en Mauritanie», justifiait-il.
En même temps, l’activiste mauritanien, Biram Dah Abeid, figure emblématique de la lutte contre l’esclavage, déplorait l’attitude et les pressions de l’Etat mauritanien et de son Président : «Ça dénote de la faiblesse de notre adversaire, le président général Mohamed Abdel Aziz. Et je regrette fort que le chef de l’Etat mauritanien use des populations paisibles comme moyen de pression. Ceci n’est pas digne d’une diplomatie qui se respecte.» Dans la même veine, le gouvernement était contraint de recadrer la 2Stv, qui avait dénoncé l’esclavage en Mauritanie.
En tout cas, la tension provoquée par l’assassinat du pêcheur de Guet-Ndar, poussera les autorités à regarder la réalité diplomatique en toute lucidité. A Nouakchott, les stratèges du régime Sall devraient nager dans le sens de rendre plus chaleureuses les relations glaciales entre les deux pays très tendues et aussi compliquées depuis la crise gambienne. Macky Sall devra remettre le gaz dans le moteur pour baisser les tensions.
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