A propos de la surfacturation du riz du Covid-19

Depuis la publication du rapport définitif de la Cour des comptes sur la gestion du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Covid-19, en décembre 2022, de braves agents de l’Etat et des ministres sont accusés de malversations financières.
Je voudrais d’abord féliciter les fonctionnaires de la Cour des comptes de cet excellent et immense travail accompli et qui, à coup sûr, constituera un pas de géant dans le cadre de la bonne gouvernance, malgré les quelques cas de recours à la Justice de notre pays. Ce rapport, avec ses 85 recommandations, peut participer à l’élaboration d’un bréviaire pour les Dage et les gestionnaires des derniers publics.
Dans le rapport en question, le Ministère du développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale (Mdcest) a été accusé, en référence à l’arrêté n°007111 daté du 22 mai 2013, d’avoir procédé à une surfacturation sur le riz pour une quantité estimée à 110 000 500 kg (110 001, 5 tonnes) de riz, et cela sept ans après sa signature. Alors, la surfacturation a été estimée à plus de 2, 7 milliards, calculés en se référant à cet arrêté caduc depuis 2013 (Loi 94-63 du 22 août 1994, art. 43).
A la page 100 du rapport, l’arrêté en question proposait le litre d’huile en fût à 850 F et la tonne de riz brisé non parfumé à 245 000 F, soit 245 F le kg. A ce prix de la tonne, s’ajoute le coût de la manutention estimé par la Cour des comptes à 5000 F, ramenant le coût de la tonne de riz brisé non parfumé à 250 000 F.
A la page 101 du rapport, la Cour a estimé le surplus à 2 749 927 498 F, calculés sur les 110 001, 5 tonnes de riz.
Les quatre entreprises, Avanti, Afri & Co, Bambouck et Ccmn, fournisseurs du riz, sont impliquées dans la manipulation des prix. Elles ne se laisseront pas guillotiner par des accusations basées sur un arrêté obsolète depuis septembre 2013 (Loi 94-63 du 22 août 1994, art. 43).
En dépit de tout le respect que nous devons à la Cour et aux hauts fonctionnaires qui y travaillent nuit et jour pour produire d’excellents résultats sur le contrôle budgétaire, nous estimons qu’elle a commis au moins deux erreurs que nous allons énumérer dans notre texte.
Erreur n°1 :
Pourquoi la Cour n’a pas calculé des surfacturations sur l’huile et le sucre cristallisé conformément à l’arrêté n°22.05.2013.007111 ?
Erreur n°2 :
L’erreur numéro 2 me semble la plus intéressante, puisque c’est sur elle que la Cour s’est référée pour calculer la surfacturation.
Dans le visa de l’arrêté n°22.05.2013.007111, le ministre du Commerce a cité la Loi 94-63 du 22 août 1994. Or, en ses articles 42 et 43, la loi stipule :
Art. 42 – Lorsque les circonstances l’exigent pour des raisons économiques et sociales, certains biens, produits et services peuvent faire l’objet de fixation de prix par voie législative ou réglementaire.
Art. 43 – Nonobstant les dispositions de l’article 42 de la présente loi, des mesures temporaires contre les hausses excessives des prix, motivées par une situation de calamité ou de crise, par des circonstances exceptionnelles ou par une situation du marché manifestement anormale dans un secteur déterminé, peuvent être prises par arrêté du ministre du Commerce et dont la durée d’application ne peut excéder 2 mois renouvelables une fois.
Conformément à cette loi, le ministre du Commerce a pris un arrêté pour fixer les prix des denrées le 22 mai 2013. La durée de l’arrêté ne peut excéder quatre mois. A partir du 23 septembre 2013, le ministre du Commerce devrait prendre un autre arrêté si la situation l’exigeait. Donc la Cour des comptes a commis une erreur sur la facturation.
Tout le monde sait qu’en 2020, le kilogramme de riz ne pouvait pas coûter 250 F. Et même si tel était le cas, il fallait le démontrer en se basant sur des exemples concrets du marché à la période considérée.
Dans le bulletin mensuel d’information sur les marchés agricoles du Sénégal, paru au mois de décembre 2019, sous le numéro 381, il est indiqué : «Les prix moyens régionaux par kg du riz importé brisé non parfumé ont oscillé dans la fourchette [280-325] F, soit un prix moyen de 300 F.» Concernant le coût de la manutention, nos contrôleurs ignorent que ce prix doit être multiplié par quatre (deux chargements et deux déchargements). Si le premier est payé par le fournisseur, les trois autres sont à la charge du ministère.
Par ailleurs, nous sommes dans le cadre d’un appel d’offres où la règle du moins disant est appliquée si tous les critères et les clauses relatifs aux cahiers des charges sont vérifiés. Ainsi, le prix de 275 ne dépend pas de la Commission des marchés du ministère, mais plutôt des fournisseurs.
Au regard de tous ces éléments, nous estimons que nos vaillants fonctionnaires de la Cour des comptes se sont trompés dans l’appréciation de la surfacturation injustement attribuée au Ministère du développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale (Mdcest) et qui a valu au Dage et au ministre des démêlés judiciaires.
C’est pourquoi nous osons espérer que les juges et les députés de la Haute cour de justice, qui auront à vider ce dossier, ne diront que le Droit, et rien que le Droit.
Malick FALL
fallmalik@yahoo.fr